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Le bus des cauchemars

 

Je les ai vus mettre mes tantes dans des sacs en plastique noir
Où leur sang chaud s’accumulait
(Mais je n’ai pas de tante)
J’ai su qu’ils avaient tué Natacha, ma fille de trois ans
(Mais je n’ai pas de fille)
On m’a dit qu’ils avaient violé mon épouse avant de traîner son corps dans l’escalier et le laisser dans la rue
(Mais je ne suis pas marié)
Ce sont certainement mes lunettes qui ont été brisées sous leurs bottes
(Mais je ne porte pas de lunettes)

.   .  .

Je dormais dans la maison de mes parents et rêvais de sa maison à elle. Au réveil
j’ai vu mes frères
pendus
au toit de l’église de la Résurrection.
Par compassion, Dieu disait : C’est ma douleur.
Je rassemblais l’orgueil des pendus et disais : C’est plutôt la nôtre !

.   .  .

La douleur illumine et me devient plus chère que mes cauchemars.

.   .  .

Je ne fuirai pas vers le Nord
Dieu
Ne me compte pas parmi ceux qui cherchent un refuge.

- nous continuerons ces comptes plus tard -

Maintenant je dois aller dormir :
Je ne veux pas être en retard pour le bus des cauchemars qui va à Sabra et Chatila...

 

 

Extrait de Je me lèverai un jour, anthologie poétique
établie et traduite de l’arabe (Palestine) par Antoine Jockey