1

Le candidat

 

Voyons, êtes-vous le genre de la maison ?
Venez-vous pour
Un œil de verre, des fausses dents, des béquilles,
Un corset, un crochet,
Une poitrine ou un entrejambe en latex,

Des points de suture bien visibles ? Non, non ? Alors
En quoi pouvons-nous vous aider ?
Cessez de pleurer.
Ouvrez la main.
Elle est vide ? Elle est vide. Voici une main

Pour la remplir, une main qui ne demande
Qu’à préparer le thé, soigner la migraine,
Faire tout ce que vous voudrez.
Voulez-vous l’épouser ?
C’est garanti à vie,

Elle vous fermera les yeux le moment venu
Puis le chagrin la désintégrera.
Nous renouvelons nos stocks régulièrement.
Mais ma parole vous êtes complètement nu.
Comment trouvez-vous ce costume –

Il est sombre, un peu austère mais il tombe bien.
Voulez-vous l’épouser ?
Il est étanche, il résiste aux chocs, il résiste
Au feu, il résiste aux bombes.
Croyez-moi, on vous enterrera dedans.

Et il y a votre tête, excusez-moi, mais elle est vide aussi.
Je m’en vais vous arranger ça.
Par ici, mon chou, sors de ton placard.
Alors, qu’est-ce que vous dites de ça ?
C’est nu comme du papier pour l’instant mais attendez

Dans vingt-cinq ans ce sera de l’argent,
Dans cinquante ans, de l’or.
Une vraie poupée vivante, vous pouvez vérifier.
Ça coud, ça fait à manger,
Et ça parle et ça parle et ça parle.

Ça marche, regardez, il ne lui manque rien.
Vous avez un trou, c’est une ventouse.
Vous avez un œil, c’est une image.
Mon garçon, c’est votre dernière chance.
Allez-vous l’épouser, alors vous l’épousez ?

 

(Extrait du recueil Ariel, le poème Le Candidat a été traduit en français par Valérie Rouzeau. Ce poème a été écrit par Sylvia Plath le jour où Ted Hughes quitta définitivement leur foyer, le 11 octobre 1962. Le Candidat est l’un des rares poèmes du recueil qui furent publiés du vivant de Sylvia Plath.)