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Le coeur étranger

 

Danser, dans un marécage où s'enlisent les écheveaux
           Cabrés de la mémoire
Casser la terre rouge et souveraine
           Laisser doucement partir
           Le troupeau dans le droit fil du songe

C'est un silence où les esprits martèlent
           Une voie étroite pour le travail
            Obstiné du retour

Mais danser, dans un enchevêtrement de laine
           Pour un chemin taillé du plus doux de la chair
           Un bruit d'eau
           Une douceur soudaine

 

 

 

***

 

 

 

Une petite blessure glacée dans la cuisine
On a mis les verts cerceaux sur l'herbe
Une petite lame tordue pour la chair
Une petite larme perdue pour la peau

Marcher sur la pointe des doigts dans la cage
Bleue où chante nu le coquelicot
On peut tourner en rond jusqu'à plus voir
On frappe à la porte c'est là dessous la table

Qui va sentir l'amère odeur du souvenir
Il s'est brisé maintenant l'oiseau est minuscule
Dans un cercueil d'osier fragile en son amande
Qui va poser les cendres blanches de l'oubli

La lumière glisse sur la lame de la peau
C'est ton espoir petit oiseau sanglant
Ramasse-le la terre est insensible
Dans la cuisine on a posé les gants

Où est caché l'enfance inoubliable
Fardeau léger qu'on souffle flamme perdue
Ramasse-le son cœur palpite encore
J'ai tout fermé pour l'absence et le temps

 

 

 

***

 

 

 

Je n'écoute plus rien
           Je ne chante plus le ciel de coton qui fait lever le matin dans ma bouche
           Je ne regarde plus se lover les amants sur les herbes gorgées d'eau
          Je ne vois plus les tourelles des châteaux dessiner des messages
           Je ne sens plus la saveur mortelle de la rose sur la langue
           Je ne souffle plus sur le petit bout duveteux de la mort …

            Je vois toujours les mêmes arbres, les mêmes arbres et leur vertige

 

 

 

***

 

 

 

Attendre le verre est froid sur la table
On a remis les châles éventrés sur l'épaule
Il faut marcher et ne pas regarder devant
C'est tôt il y aura du travail pour tout le monde
Attendre le verre est froid sur la table

Pendant la marche t'étreindre avec les paumes
Nues renversées pour dire l'embrouillement
Douloureux des rires perdus et des larmes
Séchées dans une petite boite fanée
Pendant la marche t'étreindre avec les paumes

Je marche ne sachant plus
Arrêter c'est l'horloge
Savante et longtemps remontée des gisants
Mes pas font une marge longue pour la source
Qui jamais ne viendra respirer ta peau

Ce n'est pas encore le temps de se lever
Rester étendu dans le vide incessant de la glace
On a dépendu le fou gris des miroirs
On a dévisagé le traitre dans la glace

Chanter dans ce silence est une blessure froide

 

 

 

***

 

 

 

O mon frère de labeur travaille
Dans les friches carmin du cerveau
Ta peine est à l'aulne de celle des soldats
Qui portent les cadavres sur leur dos
Moi que puis-je sinon appuyer d'un doigt sur ton épaule
Et cette pulsion légère signe tout l'envol des choses