1

Le dernier verre

 

 

Le dernier verre, celui que l’on propose du bout des lèvres, du coin des yeux. Le tout dernier après de nombreux autres, quand on n’a plus d’autre soif à étancher que celle de l’autre et de son corps encore étanche à notre désir pour lui. L’autre si proche et si lointain(e), trop vêtu(e) ou trop dévêtu(e), au grain de peau encore inconnu à nos doigts, aux courbes  - vivants appels à nos caresses – qui nous semblèrent longtemps inaccessibles. Le dernier verre n’est même pas un subterfuge, un sortilège destiné à endormir la vigilance des gardiens devant et derrière ses douves. Ce n’est ni plus ni moins qu’un lieu commun et celle qui l’accepte  sait parfaitement à quels tendres assauts elle s’expose. Le dernier verre n’est jamais celui de l’eau minérale. Il n’est pas, non plus, rempli à ras-bord car on ne boit jamais jusqu’au bout l’alcool fruité ou brûlant qu’il recueille. Le dernier verre sera certainement le dernier à trainer sur la table basse du salon. Et le premier, aussi, que l’on apercevra le lendemain matin, au sortir d’une nuit brève, sinon blanche. Cils qui collent aux paupières, tête lourdes et membres harassés par le frottement répété, excessif, avec les membres et la tête de l’autre. Le dernier verre est le sésame de la première nuit.