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LE JUGEMENT DE SALOMON

 

 

N’importe quelle mère dira
en parlant de ses enfants :
« Je sacrifie ma vie pour eux ! »
Et la chose est vraie
car même dix vies si elle avait,
la mère, pour ses enfants, les aurait sacrifiées.

Lorsqu’il souffre, pleure,
avec des larmes elle se lave le visage
(c’est pourquoi après des nuits de veillée
la joue des mères brille
comme le soleil le matin).

Le soldat dit lui aussi :
« Pour le pays et le drapeau
Je suis toujours prêt à sacrifier ma vie
et prendre la vie des autres
pour le pays et le drapeau… »

Le marchand dit lui aussi pareil :
« Dans mon métier j’ai investi
le travail et les avoirs de toute une vie ! »
Et à la bourse, la banque, aux foires et aux marchés il court.

Tous ont raison de le dire
Et tous le disent en vérité.

Mais pas tous ceux qui les écoutent
ont le droit de le faire et de décider
qui doit mourir
se taire
ou vivre.

Car il ne suffit pas de dire :
ma vie j’ai sacrifiée
(ou je sacrifierai)
pour quelque chose !

L’important c’est de savoir
ce que tu feras d’elle
lorsque personne, pour rien au monde, n’en veut ?

 

 

 

(traduit du roumain par Andrei PARASCHIVESCU)

Ce poème fait partie du recueil intitulé Le Vers Libre
(Editura Tineretului, Poèmes 1931-1964)