Le Poète révolté

 

                     J’ai semé sous mes pas les graines de la violence
                     Et forgé de mes mains la prison des douleurs,
                     Mon verbe s’est formé à l’airain des patiences
                     Et ma plume s’aiguise au silex de mon cœur.

                     J’ai mis à la beauté les rides de l’expérience
                     Et fait à la jeunesse un bâillon ravageur,
                     La grâce repousse déjà mes ténébreuses avances
                     Et la joie se souvient de ses anciennes peurs.

                     Je ne veux plus aller sur les routes où serpentent
                     Les tabous,  les erreurs et les contradictions,
                     Je ne veux plus poursuivre les voies où se tendent
                     Les mains comme des malédictions.

                    Les feuilles sont pour moi des terrains où s’élèvent
                    Les bâtisses infernales de mon inspiration,
                    Et quand le blé des mots se tord puis se lève
                    La moisson de mes pages frissonne de contrition.

                    Avant que ne fuse l’éclair et que tonne ma mémoire
                    Mon esprit ouvre les vannes aux révoltes accroupies,
                    La mousson de mes pleurs abreuve le purgatoire
                    De ces âmes fauchées aux délices de la vie.

                    Je porte en mon être la torche qui éclaire
                    Les recoins où s’enfoncent les morbides secrets,
                    Et ma voix prend le feu des étoiles incendiaires
                    Dans la nuit poignardée par mon chant révolté.

                    Car là où tombe la nuit, la nuit noire de la peine,
                    Ma révolte allume les feux pourpres du jour,
                    Et là où sifflent les vents, les vents fous de la haine,
                    Ma révolte prend l’envol des sinistres vautours.

                     Car je suis fils de l’ombre avant d’être fils du monde,
                     Et mes vers s’abreuvent au fiel vert des vipères,
                     Je suis flamme et volcan et mes stances vitupèrent,
                     En jets de laves d’encre, contre le mal immonde.