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Le Retour de Mot à Maux

C’est un opuscule que je tiens en main : 12 feuilles A4 pliées et reliées, sous une couverture cartonnée blanche, illustrée d’une photo de Daniel Brochard, qui en est l’âme. Un objet d’une grande modestie – mais en 4ème de couverture s’alignent les noms de 13 poètes parmi lesquels Philippe Leuckx, Patrick Williamson, Fabrice Farre ou Jean-Baptiste Pedini… 

Il s’agit donc d’une entreprise soutenue par des plumes solides. Un petit tour du côté du site d’entrevues((https://www.entrevues.org/revues/mot-a-maux/)) me permet d’en apprendre davantage sur cette revue qui m’est arrivée par la poste avec fort peu d’informations. En sommeil donc, depuis janvier 2007 (avec le numéro 6), cette petite revue se réveille – et si elle l’a fait en septembre dernier, j’ai plaisir à en parler en mars, saison propice à la croissance et à la floraison (en témoignent les jacinthes et violettes qui parfument le balcon depuis lequel j’écris cette note). Dans la brève notice donnée par Daniel Brochard sur le site d’Entrevues, je lis cette profession de foi, à laquelle bien sûr nous adhérons à Recours au Poème :

 Une revue, un souffle, un cri, un engagement, une respiration… »

Mes motivations sont toujours les mêmes : partager l’écrit dans un monde en mal de repères et avide de sens. Faire entendre des voix étouffées par la course sans fin à la consommation. Susciter un débat contradictoire sur la poésie actuelle et la marche de la société. Afin de donner à chacun l’espoir de pouvoir s’exprimer librement et dans la discipline qui nous préoccupe : la poésie. 

Mot à maux, n.7 septembre 2018, 48 p. 4 euros

L’éditorial du numéro 7, paru après un long silence – une maturation aussi, sans doute – s’interroge sur la possibilité de concilier poésie et « vie normale » (je pense à Artaud que nous avons mis en focus de ce numéro) pour les poètes « survivants face au silence d’un monde hostile à nous et à lui-même ». C’est ce thème que développent les participants à ce numéro, dont les poèmes s’accompagnent d’une réponse à la question « pourquoi écrire de la poésie aujourd’hui ? » . « Parce qu’aujourd’hui est une imposture organisée » réponds @rt’felinat, pour toucher/être touché, pense Flora Delalande, ce que Philippe Leucks nomme le « partage (de) l’offrande du monde ». Pour « prendre quart à la vigie du monde » dit Olivier Delaygue qui décrit le poète comme « maître de l’impouvoir » ou encore parce qu’elle exprime « Cohésion, expression, force et indignation » comme l’indique le sous-titre donné par Patrick Williamson à sa réponse… Autant de regard que de pratiques ou de sensibilités : merci à Mot à maux d’apporter sa pierre à ce permanent défi qu’est la poésie – pas seulement écriture, je pense, mais bien mode de vie et regard éclairant -même modestement – sur l’au-delà du réel apparent d’un monde désenchanté. Assez pour avoir envie de donner la parole à Daniel Brochard lui-même en conclusion :

"La revue a été l’occasion de multiples rencontres qui ont nourri mon appétit de poésie et de parole. Tout a été possible grâce à Internet. J’ai trouvé là comme une famille, à travers les liens, les sites, les blogs, les échanges de textes. J’ai appris à stabiliser ma personnalité en créant des liens avec d’autres auteurs. J’ai pu me positionner parmi les nombreuses autres revues. Ceci m’a aidé à construire mon écriture, à me poser la question de son impact. Ce n’est pas comme si Internet permettait de découvrir le monde, mais l’idée est là.

Aujourd’hui, bon nombre de poètes sont référencés sur Internet. Ce passage obligé est un nouvel accès à la culture pour les Internautes, et un moyen d’exister pour les auteurs. Mais mon combat c’est le livre. En poésie, rien ne remplace le mot sur le papier, la sensation de la page tournée, respirée, intégrée à l’âme. Le combat pour le livre est aussi un combat contre l’utilisation abusive du compte d’auteur. Un poète, pour exister a besoin des revues, des éditeurs. L’argent décide bien trop souvent d’une publication. J’ai échappé à ces écueils, mais j’en ai connu aussi la perversité. Défendre le livre, c’est lui garantir une existence pérenne et respectueuse du texte et de l’auteur. Se poser la question de l’importance d’être publié. La revue se met au service de l’auteur pour l’aiguiller dans le monde difficile de la publication en poésie. Comme j’ai trouvé une stabilité et une identité dans ce domaine, j’ai toujours à cœur de renseigner et d’orienter les auteurs débutants qui arrivent à Mot à Maux.

La revue fait appel à tous les poètes, quelles que soient leur expérience, leurs origines. La poésie est transculturelle. Je suis convaincu qu’il s’agisse d’un langage universel, loin des discours formatés et des foules farouches. Je n’ai aucune appartenance politique. Je ne représente aucun mouvement d’idées. Je parle au nom de la liberté du poème, pour lui-même et sa place dans le champ éditorial. La revue est au service de chacun. Il faut se battre pour le message poétique aujourd’hui. Mais cela nécessite une libre pensée, une prise de conscience du rôle et de l’impact du langage. L’implication du poète dans son environnement est fondamentale.

Aujourd’hui Mot à Maux doit grandir. Même s’il n’y a pas de « petite revue ». L’impression est la clef d’une publication. Auteurs, éditeurs, revuistes… Nous avons tous recours au métier d’imprimeur. La revue de 48 pages va effectuer un saut esthétique et devenir moins difficile à confectionner. Jusqu’ici j’imprimais avec de faibles moyens, sous forme de photocopies. Pour les prochains numéros, je ferai appel à un imprimeur capable de me fournir un dos carré collé. Ce sera un tournant pour la revue et la possibilité d’augmenter le tirage. A cette occasion, je compte avoir recours aux abonnements. Je retrouverai une périodicité trimestrielle. Un numéro anthologique hors-série est en travaux. Je garde le même format et le même concept : découvrir et rendre visibles de nouvelles voix, accueillir différentes sensibilités. Confectionner cette revue est un plaisir quotidien… Je suis loin des marchés et des salons. J’ai parfois le sentiment d’être isolé, mais ma détermination est entière : véhiculer la parole, sans aucun dogme, sans aucune contrainte. Je suis émotionnellement lié à Mot à Maux. Elle me ressemble et ressemble à toutes les voix que je mets en avant. L’aventure doit continuer grâce aux lecteurs. Je leur propose de lire un peu de poésie, et cela n’est déjà pas si mal." 

Daniel Brochard

1 numéro, 48 p. 4 euros
abonnement 4 numéros /16 euros

chèque bancaire à l'ordre de Daniel Brochard
9 avenue des Taconnettes

85440 Talmont St Hilaire

brochardda85@gmail.com