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Le Rossignol, tu l’attrapes, et autres poèmes

 

 

Le Rossignol, tu l'attrapes (et lui brises le cou ?)

 

 

 

Se boucher les oreilles
Le bruit du piano entre les branches sèches et cassantes
Je voudrais que mon ombre fasse comme toi derrière moi quand je marche : tout ce qu'elle veut
Tasser son dedans, courber et recourber la trajectoire des astres
Ecarter leur bordure, comme celle des rideaux
Pour faire poétique

Il reste, parfois, un clown étrange qui bondit de là sur son ressort rouillé
D'une si douce et coquette boîte à musique
Un homme en danseuse sur la pédale d'une bicyclette lancée sur le trottoir mouillé
Et le pied qui flottille

Il y a, entre nous, les ombres entre les mots
Les voix d'un couple des années vingt qui retentissent
Et celles des anges qui refroidissent

Ukiyo : c’est le monde flottant en japonais
C’est l’intermonde entre les interstices du visible
Le pays intercalaire
La terre intermédiaire

Yeux minéraux, cheveux de verre, pupilles étoiles : composition autour d'un visage
Tu me dis je t'aime, non
Les visages traversent les visages

Désirer, non, désirer
Ouvrir, non, ouvrir
Tu me lâches la main, non, tu ne me lâches pas la maintenant
Et à bout
-Tissant
Le Rossignol, tu l'attrapes (et lui brises le cou ?)
Broder de fils d'or autour de l'oiseau mort ne m'intéresse pas
Regard, non, regard
Tu me tiens, non, tu me tiens, la main

Ma mélodie, ma mélodie, non
Le rouge feu sacré de mon sang non, pas du tout
Le corps et le fond du corps
La bordure
Toujours la bordure

Petite clef de métal à l'arrière dans la nuque
Trou dans le vêtement qui sent l'ancien tout froid l'humide
Bloquée
La remonter
Vite !

 

 

 

***

 

 

 

Les cercles de cristal d'Aristote autour du monde

 

 

 

Sont peut-être autour de toi
C'est ce que je vois

Psaume 93 : Le monde est ferme. Il ne chancelle pas.

Depuis on a mis tant de coups de pieds dedans
Pour faire surgir les fentes les éclats
De voix de verre, de minéral

Grand courant d'air poussière astrale
Feuilles tonitruantes et cris d'oiseau pagaille
Qui se soulèvent avec ma robe rimmel

Là-bas les paons qui font la roue
Dans leur bac à sable
On les distingue à peine
Les tenir loin

Là-bas les mains crispées sur les fourchettes

Positions capturées du corps en chute libre
L'une après l'autre, un dixième de seconde d'intervalle
Pourrait-on mettre en pause l'image d'une petite fille qui saute à la corde, quand elle est en haut ?

 

 

 

***

 

 

 

Je n'entends pas la langue

 

 

 

L'hirondelle de ta bouche la buée de ton front
Chute en cascade de mes cils à mes lèvres
Marcher le long des côtes en espérant boucler la boucle.
Essoufflée. Continuer.
Parfois j'essaie d'aller du coeur au ventre au ventre au coeur
La route n'est pas si longue et pourtant

Poème en blanc mineur
Unité du poème entre son et couleur

Certains visages imprègnent le nôtre
S'accrochent autour des rêves
Lèvres cerises, joues rondes d'éclipses solaires :
Cils bouche coeur ventre
Chute (effondrement) d'étoiles

« Sorcellerie évocatoire »
Je veux écrire, je veux écrire, des plus-que-poèmes
Je veux qu'il n'y ait plus de langue
Je n'entends pas la langue
Je n'utilise pas la langue
Je veux que vous ne l'entendiez plus

Qu'est-ce que c'est ce que cette histoire ?

 

 

 

***

 

 

 

Les pluies ne sont jamais assez longues

 

 

 

Tremper son visage
Dans le lavabo plein de lumière glacée
Le soir, respirer l'air froid cheminée
Le matin la lumière givrée

J'écoute des phrases étonnantes
Passer dans mon esprit
Comme on écoute la radio

Tu me dis
« Les pluies ne sont jamais assez longues »
Je te disparition
Je passe un temps fou à revenir

Parfois l'ascenseur se coince entre les étages
Au loin les échelles ont froid les oiseaux se taisent
Ou sifflent comme les arbres

Les formes sous mes paupières
Une tache renversée de lait au sol (mineur)
Le coeur n'existe pas

Le coeur n'existe pas
Tu me dis
Il n'a pas de lieu il n'a pas de il
Je te distorsion
Tu me disperses
La question s'est levée au milieu du lit
-rature

Danser dans le lit sans qu'il ne se passe rien
Rien
Dis

Tais-toi veux-tu
Tu passes
Brusquement sur mon petit corps en boule dans le siège de la voiture pour fermer la porte que j’avais entrouverte

Dis
Rien
Lèvre rouge d'une inconnue cachée sous un pli
C'est quelque chose
C'est quelque chose

 

 

 

***

 

 

 

La mer entière dans la baignoire

 

 

 

J'ai voulu mettre la mer entière dans la baignoire.
Mais l'été, il y a trop de lumière.
Alors je n'y voyais plus. Ça a débordé.

Tu ne me voyais plus ! Je ne te voyais plus ! On ne se voyait plus !
L'hiver, je pouvais m'abriter dans ta grande ombre et me cacher dedans
Mais l'été...
Je l'ai mise, toute la mer, entre les carreaux de la baignoire.
Et nous avons débordé.

Maintenant, tous ces baisers, à côté de mes lèvres
Juste, à côté
Mes yeux brouillés regardent le mur.
Ils pensent au silence souriant des tiens, oh ce silence
Comme je n'en ai trouvé que dans les grands lacs

Sur mon épaule droite, ma bretelle tremble
Le ciel a un haut-le-corps
Je le vois se contracter, puis s'humidifier
Je sens tout l'air passer entre mes jambes écartées

Désormais, j'occupe mon temps à effleurer du bout du doigt l'univers en braille
Pour essayer encore, malgré tout,
D'en rapporter pour toi les contes du silence.