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LE TRAIN

 

Le train s’est arrêté au milieu d’une gare sans nom
Ce soir-là entre  deux cigarettes
J’avais perdu le mien
Quelqu’un que j’aimais m’attendait dans une ville
Que je n’aimais pas
La nuit engloutissait les wagons
Les rails ont frissonnés si fort
Quand les lumières furent vaincues
Le train s’est arrêté au milieu d’un après-midi sans couleur
La nuit a mis des moufles
Son baume de girofle sur les quais sans voyageurs

Il faut dire aussi qu’un type venait de se jeter sous la locomotive
Le puzzle de ses membres a pris des heures
Je pensais sans cesse au métro : contrairement à toi
Il ne m’attendrait pas
Et j’ai eu mal au milieu de cette gare sans béton, sans rire
Et sans odeurs
J’ai cru que tu n’existais plus
Je me suis dit je vais arriver sur le pallier
La porte ne s’ouvrira pas
Il faudra se faufiler dans l’escalier
Dormir dans les ornières du couloir.

Le train s’est arrêté au milieu d’une gare sans nom
Les contrôleurs ont fumé
Les miettes des sandwichs recouvraient les strapontins
Et l’homme en morceaux sous la chaleur du train
Je ne le connais pas
C’était un mercredi de novembre
Un mercredi bien habillé pour l’hiver
Couchée sous le néon du passager 86
J’ai baillé
Et je n’ai pas su m’endormir.