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Le vif, le pur, de P. Mac Leod

  Un livre de Philippe Mac Leod se mérite. Comme l’on dit d’un col de montagne atteint dans la joie, mais aussi dans la difficulté. Avec son art consommé « d’avancer en vie profonde », le poète ne ménage pas son lecteur. Le conduisant sur les chemins parfois escarpés de son écriture, il l’invite à écarter le voile des apparences pour creuser le mystère de la vie et son propre espace intérieur. Vaste programme ! C’est celui de l’expérience mystique (dont relève la poésie de Mac Leod). Cette expérience,  Jean Mambrino la qualifiait de « voyage sans retour vers l’absolu ». Car, écrivait ce grand auteur récemment disparu,  « le vrai mystique est celui qui a franchi la frontière entre les fausses apparences et le Réel, en coupant tous les ponts derrière lui » (*).

   Philippe Mac Leod vit dans la montagne pyrénéenne. Pas loin de Lourdes. C’est un contemplatif, comme on le dirait d’un moine ou d’une moniale. Poésie et spiritualité ont, pour lui, partie liée. Il vit au rythme des saisons à la manière d’un ermite (son recueil La liturgie des saisons, publié au Castor astral, lui avait valu le prix de poésie Max-Pol Fouchet en 2001).

     De saisons, il en est donc forcément question dans son nouveau recueil. « Le chant du premier printemps, écrit-il, le cri de la première herbe, quand la terre au soleil gonfle et s’élève/sous l’osier des rameaux nus, comme un fruit oublié, le chant du rouge-gorge ». Ailleurs,  parlant de l’été, il désigne « la route en vacance, comme une couleuvre dans le vert des collines ».

    Nous voici, sur ses pas, près du gave, sur les crêtes ou au bord du lac de Gaube. Quelques lieux sont furtivement nommés. L’important n’est pas là. Le poète cherche d’abord un visage, une voix, une présence, un amour (« Tes yeux si grands où tant de fois je me suis perdu/plus profonds que les soirs aux muettes incandescences »). Il se souvient. De la nostalgie ? Non, plutôt une quête inlassable de la « fraîcheur », de la « vie nue », de la « vie lisse ».

     Ce dépouillement qu’il recherche à la manière de ses amis poètes, Jean-Pierre Lemaire et Gilles Baudry (à qui il dédie des chapitres de son livre), Philippe Mac Leod ne l’atteint qu’en se frottant à l’air des sommets. « Tu marches sur l’azur et la neige qui parfois moutonne/crève un nuage d’air et de lumière ». Plus haut, écrit-il, cet air est forcément plus « vif » et plus « pur », à l’heure où « la roche s’aiguise au bleu naissant ».

     Cette invitation à prendre de la hauteur est – on le pressent bien – allégorique. Philippe Mac Leod cherche un monde plus vaste en scrutant, inlassablement, les palpitations de la création. Emerveillement, contemplation. L’âme s’éveille et s’étonne. « La montagne bouge et se retourne, quelqu’un était là et nous ne le savions pas ».

 

(*) La poésie mystique française, par Jean Mambrino (Seghers, 1973)