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Legs de pierre

 

                 Pour Lambert Onanena, in mémorian

 

Pour ne pas me laisser les mains vides
Tu m'as donné une pierre en guise d'héritage
Une pierre toute fraiche des latérites du matin
Des clameurs du pays et des couleurs de l'amour
Tu as posé entre mes mains nues le dernier souffle de ta vie
Une pierre sertie de tous tes rêves éventrés
Tu m'as laissé comme maison
Et richesses accumulées toute une vie
Une pauvre petite pierre dont le nom
Gratte les flancs de la terre
Et résonne dans la splendeur du silence
Pour ne pas me laisser seul
Tu m'as légué comme frère
Comme mère comme sœur et comme ami 
Une pierre tirée du fond de tes errances
Une pierre difforme que je ne jetterai jamais 
Et qui formera l'arc de mes triomphes
Elle sera rampe et boussole de mes lendemains 
Tu m'as dit prends cette pierre mon fils
Elle sera ton chant en temps de silence
Ton œil dans l'aveuglement des nuits
Prends-la tu m'as dit comme on prend un œuf
Et tu l'as mise là dans la profondeur de ma main 
En pleine résonnance de ton souffle ultime
Et tu as fermé les yeux pour ne plus jamais les ouvrir
Pour te guérir
De toutes les pierres que l'on t'a jeté
De toutes les pierres que tu n'as pu poser
De toutes les pierres que tu as heurtées
De toutes les pierres où tu as glissé
De toutes les pierres où se gravent les épitaphes
Tu m'as laissé en héritage une pierre
Elle brille pur reflet d'or dans le pli de ma main
A hauteur de mon cœur
Que ne bâtirai-je avec ce legs inerte
Qui donne des jambes à mes lendemains
Que ne dirai-je à la mer qui n'apaise la tempête
Que ne dirai-je à mon semblable qui soit éclat de rires  
Et toi pierre qui m'accompagnes sur le chemin
Toi qui es mon frère et ma mère
Toi pont tendu par mon père sur les falaises du temps
Je te pose sur l'autel sacré où le jour proclame l'amour
Pierre précieuse qu'en héritage je tiens des mains de mon père
Je te donne tout ce que j'ai reçu