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Les chemins de traverse d’Angèle Paoli (2)

De grands  aplats sur les murs blancs habitent l’espace. Frappent de plein fouet. Déclinaison de l’identique, silhouettes vides, visages encapuchonnés, masques mortuaires. Blafards. Ni décor ni paysage. Parfois une grille. Un barreau. Le vide qui incarcère. Le silence. Le désarroi. La solitude. Immenses.

Les couleurs sont sans effets de reflets. La peinture sans épaisseur. Huiles et cires sur toile. Monochromie lisse, d’un seul tenant. Nul jeu sur. Le gris. Le noir. Le blanc. Le vert (sapin ? émeraude ?).

 Vert. Toute détermination est superflue.

 Froid. Uni. Vert.

Les silhouettes – homme/femme- chancellent. Titubent. Sous le regard. Errance oblique. L’observateur chancelle  aussi. Coup de poing. Perd  le souffle. L’équilibre. Les silhouettes se déplacent, à l’identique, désincarnées. Répétition du même. Démultiplication. Épaules voûtées, mains dans les poches, têtes baissées. Elles poursuivent du regard. Le vêtement est fluide, uniforme. Il tire sur l’informe. Désabusé. De là vient son mouvement. De sa propre négation. De son absence.  Les visages  sont plats, réduits à. Une ligne. Un contour. Et pourtant. On est surpris par leur force. L’acuité de leur regard. Désarçonné. Le désespoir gagne. On se tient au bord du cri. On s’efforce de. Trouver quelque chose. Une anecdote. Un fil. Elle, ce serait Patti Smith. Même dégaine même maigreur noyée dans la redingote noire. Cheveux lâchés sur les épaules. Et l’abandon ? Lui, l’émigré. Dans son archétype. Sur fond lavande, ces visages blêmes coupés par leur capuchon, le profil de Savonarole ? Probablement pas. L’Algérien dans son burnous. Peut-être. Flottement désabusé des corps. Hors d’attente. Vibration. Onde de choc. Qui sont-ils ? Qu’ont-ils à dire dans leur mutisme ? Quelque chose de nous passe dans ces corps jusqu’à nos corps flottants. Quelque chose qui interroge notre regard, le provoque jusqu’à l’insoutenable.

Je sors de la galerie. La lumière, plein fouet. Les parfums. Le ciel. La chaleur, écrasante. Le crissement continu des cigales.  Les collines apaisantes de la Conca d’Oro.  Les visages inconnus de certains invités. Pas tous. Ange Leccia passe.  On entre ; on circule d’une salle à l’autre ; on échange quelques mots. Je feuillette le catalogue de l’exposition. Je découvre une œuvre, un peintre. Djamel Tatah. Il sera là tout à l’heure. Il est là. Grandeur nature, pareil à ses silhouettes. Je reconnais son visage. Je l’ai rencontré dans ses toiles.  Le regard pétillant en plus. Et le sourire.

Le vernissage se poursuit à l’extérieur. Les groupes se forment. L’ambiance est chaleureuse. Charcuterie corse et frappe à volonté. Le vin est servi  en abondance. Nous sommes  à Morta Majo (Patrimonio), dans l’espace d’Art Contemporain du domaine Orenga de Gaffory. C’est l’été.

L’exposition Djamel Tatah se poursuit jusqu’au 29 septembre 2013.