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LES TRAVAUX DE LA NUIT

 

D'abord c'est triste le poème
et même un peu comique de couler
des larmes dans l'insignifiance. C’est peu de dieu
c'est comme une chanson dans la Shoah
un fil de fer qu'on voudrait couper entre nous
à Kigali
quand ils canonisent les papes
et baisent les portes des banques, c'est
toujours raté un poème, quand ça dénonce.
Mais j'ai soif.

 

*

Peut-être faudrait-il voler un œuf
pour devenir une vache innocente
une vache aux yeux lents
une vache qui rumine avec un regard triste,
une panse donnée à toutes les mamans du monde
et des petites cornes pour rigoler.
Une bête vache qui sait tout,
et qui regarde tout
qui va mourir, donner sa panse
et son petit pis rose plein d'espoir.
Il suffit de voler un œuf pour comprendre
que les vaches sont plus érotiques
et plus sages que les marchands,
et qu'elles nous pardonnent nos larcins
en s'excusant de sentir si mauvais.
Comme s'il ne fallait pas puer
pour le pardon.

 

*

 

Dans l'âme il y aurait dit-on quelqu'un  qui cherche
l'âme et dans l'oiseau tout un gosier cherche l'oiseau.
Et même dans la bêche, Beethoven
entend trouver de la musique.
Le monde creuse patiemment.
Dans la peinture
on veut le verso des couleurs
et quand le sommeil prend les reins
on se demande où sont les jolis coquelicots,
mesdames. Les poules sur le mur
picorent infiniment
le pain dur, mais dans le pain encore
on cherche et dans ce poème on sourit.

*

On se contenterait du tricot léger des tendresses.
On se contenterait parce que se contenter c'est beaucoup.
On se contenterait de peu dans les vagues très imprécises
et dans les édredons froissés.
Mais c'est beaucoup.
Répétez-le :
c'est tellement énorme la tendresse.
Alors, on reprendrait tous les pinceaux
toutes les portées
tous les modes tous les tons
et toutes les perruques de
Sébastien Bach.
Puisque c'est géant
mais construit
érodé
et calamiteux mais simple la
tendresse.