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les Voix, réunies, d’Antonio Porchia

Les Voix d’Antonio Porchia font partie des très grandes œuvres de la poésie mondiale du siècle passé. Elles n’avaient jamais été entièrement réunies et traduites en langue française, nous n’en connaissions que des parties et/ou des fragments, selon les éditions. Publier l’ensemble de ces « voix », dont la parution en langue originale a commencé en 1943, était donc à la fois une nécessité et un défi. Le lecteur ne pourra que remercier Danièle Faugeras et Pascale Janot, animatrices de la collection Po&Psy des éditions Erès, laquelle s’impose peu à peu et de fort belle manière dans le paysage poétique français actuel. Nous sommes d’autant plus heureux de voir enfin paraître in extenso les Voix de Porchia que les éditions Erès et Po&psy nous avaient fait cadeau d’une « avant première » il y a quelques mois, permettant à Recours au Poème d’être la première revue de langue française à publier certaines des « voix » inédites de Porchia. On lira donc des extraits du volume venant de paraître ici :

http://www.recoursaupoeme.fr/po%C3%A8tes/antonio-porchia

La fraternité en terres de poésie, ce n’est pas rien, et tout ce qui peut permettre de mieux faire connaître l’œuvre d’Antonio Porchia en langue française est le bienvenu.

Ecrivain d’origine calabraise ayant vécu en Argentine et écrit en espagnol, traduit pour la première fois en français par un Caillois admiratif, Porchia a gardé une part de mystère, poète atypique publiant son œuvre de façon tout aussi atypique : les premières « voix » paraissent en 1943 à compte d’auteur à un millier d’exemplaires. Ayant ces volumes sur les bras, Porchia en fait don à une organisation qui coordonne le réseau des bibliothèques municipales argentines. Les textes trouvent alors de très nombreux lecteurs, un vrai public à la fois enthousiaste et admiratif. Car les Voix ne sont pas reçues – et ne peuvent être reçues – uniquement comme de la poésie. Elles sont par leur forme et leur fond une sorte de « sentences » ou de guide de sens, et donc de vie. C’est ainsi qu’elles ont été lues dans les provinces les plus reculées de l’Argentine, puis partout dans le monde. Car :

 

Le temps est une chose fixe qui ne fixe rien
 

Ou :
 

être inférieurs aux autres, nous pouvons encore l’accepter ; être égaux, non.
 

Ou encore :
 

La raison se perd en raisonnant.
 

D’une certaine manière, cette poésie pourrait être qualifiée de mystique. Et de fait, elle l’est, au sens des textes mystiques ou sacrés des religions de l’Orient, ou bien à celui des textes de théologiens tels que Maître Eckhart ou Silésius. Sur le versant sud-américain, on pense aussi parfois à Gomez Davila. Il ne faudrait pourtant pas voir en ces Voix des textes « religieux », ce qu’elles ne sont pas. Ce sont plutôt et fort simplement des fulgurances issues des profondeurs sacrées de l’être humain, et ces fulgurances ne sont pas nécessairement tendres avec les hommes ou leurs institutions, fussent-elles religieuses.

 

Je suis un habitant, mais d’où ?
 

Avec ces Voix, Porchia a donné, en courtes maximes ou sentences, un texte total, à la fois poésie, sacré, littérature, pensées et philosophie. Un texte ou un ensemble de courts aphorismes qui peuvent accompagner les hommes au long de leur vie, comme un recours. Les lire maintenant, en entier et en français, dans cette superbe traduction signée Danièle Faugeras est une chance. À l’évidence, dans un pays, la France, où les règles du jeu « littéraire » seraient saines, un tel événement devrait faire la Une des suppléments littéraires des quotidiens nationaux. Tel n’est pas le cas, et cela dit énormément sur l’état mental de ce pays.

 

Lire des extraits de cette traduction des Voix de Porchia dans Recours au Poème :

http://www.recoursaupoeme.fr/po%C3%A8tes/antonio-porchia