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Lichen, premier signe de vie à revenir…

Une revue mensuelle de poésie en ligne, façonnée par Elisée Bec, Lichen propose une ligne graphique épurée mais riche, très riche, et placée sous le signe de la convivialité. Les rubriques en témoignent : "Espèces en voie de disparition", "L'atelier des mots", "La grange aux mots reçus", "Le hangar des mots moches". Le champ lexical de l'agriculture est ici présent, ce qui permet de créer le lien entre la poésie et le travail de la terre.

Mais il ne s'agit aucunement de simplicité. ce qui est suggéré c'est que le travail des mots est l'espace d'un savoir ancestral et inné, un savoir-faire manuel et charnel, comme cultiver son champ requiert des gestes transmis de génération en génération... Le matériau langage, glaise malléable et offerte à d'infinies potentialités, puise sa puissance dans le socle commun qu'est la vie, simplement jour après jour, et dans la communauté des hommes.

Des noms apparaissent, comme Dominique Mans, Sylvie Franceus, et Perle Vallens, qui dans la rubrique "Espèces en voie de disparition" proposent des poèmes en prose. Des noms peu vus par ailleurs, et des textes dont certains nous donnent envie d'en lire plus de ces auteurs. 

 

"L'atelier du don des mots", rubrique suivante (dans l'ordre des onglets de la page d'accueil) publie des textes écrits à partir d'une liste de mots donnés par la revue. Ce mois-ci quinquagénaire, facéties, goupil, esquive, gariguette... Un jeu, oui mais enfin, aussi une gageure extrêmement sérieuse : motiver le texte par un arbitraire qui offre des occasions inédites de créer un écrit en sortant de ses territoires habituels, connus, fréquentés en tout confort...

Et puis c'est également allégorique d'une conception de l'art conçu comme un artisanat, avec pour matière première le langage... Mais qu'est-ce d'autre ?

Ici encore des noms que nous n'avons pas l'habitude de rencontrer, et des poèmes en prose à découvrir...

"La grange aux mots reçus", où trouver la liste des matières premières, les mots, qui permettent d'écrire les textes de la rubrique précédente, avec pour introduction une explication quant à son nom : 

 

À l'instigation d'une lectrice de Lichen, nous avons changé le nom du "répertoire" en "grange" : « [...] grange parce que je n'aime pas le mot répertoire, la grange, c'est joli, ça sent la paille et les vieilles cagettes, ça a des trous dans les murs de bois et des clayettes pour les pommes et des fils suspendus pour les grappes de tomates et de raisins. Il y a des brouettes et des échelles, des fourches et des pelles. Alors le répertoire... » (Sylvie Franceus, 4 avril 2019). Clément, qui était l'initiateur de cette liste fort utile, est tout à fait d'accord.
NB : Les mots venant d'être engrangés sont indiqués en bleu.) 
Dernière mise à jour : 16/04/19.

 

Même modus operandi pour la rubrique "Hangar des mots moches" :

 

Sylfée nous soumet une idée : 

« À côté de "La grange des mots",  il pourrait y avoir un hangar, le "hangar des mots moches", une sorte de grosse benne à mots. Et dedans, on pourrait ranger les mots qu'on n'aime pas tels que : répertoirecordialementpromotion... 

Ce serait une sorte de torsion de la bienséance, une collecte de la laideur, une réserve hideuse. C'est juste une idée. (...) Quelque chose qui nous éviterait de pencher toujours du côté du beau et qui équilibrerait les forces vives de nos goûts et de nos dégoûts. (...) L'antipode de l'esthétique. L'hommage aux répulsions. », m'écrit-elle. 

Et elle ajoute : « Ainsi, je dépose sur la clayette qui est là, juste face à vous quand vous poussez la porte du hangar, je dépose mes rebuts de mots...

 

 

Une revue participative, une revue où le partage et l'accueil forment le ferment fertile d'une poésie née d'une communauté humaine. Autant dire que là est le socle de tout poème ! Pour preuve, cet espace laissé aux commentaires, au bas de chaque page, où chacun peut intervenir, dans le respect et le désir de partager.

Partir de ceci, c'est déjà garantir un vecteur propice aux productions les plus prometteuses. Il n'y a qu'à lire la liste des "auteur(e)s", longue et riche, variée et édifiante : le poème n'est pas l'apanage des 'Happy few", n'en déplaise à Stendhal qui en énonçant ceci désespérait seulement de n'être pas compris... Il aurait aimé Lichen, à coup sûr, lui qui promenait son "miroir au bord du chemin" pour y montrer à ses contemporains le reflet édifiant d'une société qu'il souhaitait donner à comprendre grâce au roman(1)... 

 

 

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1. Epigraphe d'oeuvre du roman Le Rouge et le noir : "Eh, monsieur, un roman c'est un miroir que l'on promène au bord du chemin".