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L’INTERMINABLE RETOUR

 

J'arrive aux ports lumineux du nord avec un rêve
de mouchoirs humides devant les yeux aveuglés par le soleil du matin.
Des grues s'étendent dans le paysage
de magasins dévastés par le vent, et des hommes au visage
mangé par la salure et les algues vident
les restes d'alcool dans les bouteilles oubliées d'une nuit
de détente. Je demande dans chaque bateau s'il est besoin
d'échanger les voiles déchirées contre les mouchoirs que je
leur ai offerts ; et les commandants s'amusent, disant
que la direction qu'ils suivent n'est pas dictée par l'amour
mais par la sécheresse des boussoles. Au loin, cependant,
les nuages se dissipent sur les récifs ; et les premiers
naufragés s'approchent de la côte, apportant des nouvelles
de l'abîme avec la voix entrecoupée par un hoquet
d'anémones marines. Ils me dictent les testaments pour
que je les fixe, notaire des dernières volontés
immédiatement oubliées, à la table du bureau, prenant
note de l'horaire des départs et arrivées des bateaux
dont j'ignore la destination. « Ce que je veux savoir, dis-je
au patron aux mains gercées par l'âge, c'est le nom
de ceux qui vivent au plus profond de la coque, dans les couchettes
où la lumière n'est jamais entrée. » Et devant moi il prend les papiers,
et les lance par la fenêtre. « Jamais tu ne sauras quel jour,
quelle année, quel siècle, s'est perdue pour toujours, celle dont l'image
a été effacée par l'encre des poulpes. » Alors, je traverse
la ville jusqu'aux champs inondés ; et
je tente d'apercevoir la colline où tu m'attendais, le chemin
de terre qui montait à ta rencontre, et aucun
paysage ne m'est plus familier, comme si le ciel
avait refermé sur toi sa dernière page.

 

traduction du portugais Béatrice Bonneville et Yves Humann

 

 

O INFINDÁVEL REGRESSO

 

Chego aos portos luminosos do norte com um sonho
de lençóis húmidos nos olhos cegos pelo sol da manhã. Há
guindastes que se estendem numa paisagem
de armazéns devastados pelo vento, e homens de rosto
comido pela salsugem e pelas algas esvaziam
restos de álcool nas garrafas esquecidas de uma noite
de ócio. Pergunto em cada barco se precisa
de trocar as velas rasgadas pelos lençóis que lhes
ofereço; e os comandantes riem-se, dizendo
que o rumo que seguem não é ditado pelo amor
mas pela secura das bússolas. Ao longe, porém,
as nuvens dissipam-se sobre os recifes; e os primeiros
náufragos aproximam-se da costa, trazendo notícias
do abismo com a voz entrecortada por um soluço
de anémonas azuis. Ditam-me testamentos para
que eu os fixe, notário de últimas vontades
que logo esquecerei, à mesa do escritório, tomando
nota do horário de partidas e chegadas de barcos
cujo destino ignoro. «O que eu quero saber, digo
ao patrão de mãos gretadas pela idade, é o nome
de quem vive no mais fundo do casco, nesse beliche
onde a luz nunca entrou.» E ele tira-me da frente os papéis,
e lança-os pela janela. «Nunca saberás em que dia,
ano, ou século, a perdeste para sempre, essa cuja imagem
a tinta dos polvos apagou.» Então, atravesso
a cidade até chegar aos campos inundados; e
tento avistar a colina em que me esperavas, o caminho
de terra que subia ao teu encontro, e nenhuma
paisagem se torna familiar, como se o céu
tivesse voltado sobre ti a sua última página.