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L’Intranquille n° 10

 

 

            De beau format (21 x 25 cm), L'Intranquille a fière allure… La revue s'ouvre sur de faux haïkus de Jean-Claude Pirotte que j'ai beaucoup lu depuis quelques années, recevant ses livres en SP. C'est dire que j'apprécie l'écrivain qui ne m'a jamais vraiment quitté. Ses faux haïkus (faux parce que Pirotte ne respecte pas la règle sacro-sainte des 17 mores, mais uniquement -et encore, pas toujours !- celle des trois vers, faux parce qu'il ne parle pas de l'évanescence des choses) sont un vrai régal, humour en prime. Qu'on en juge : "Sois sage ô ma douleur / Et tiens-toi plus tranquille / Attends le rebouteux" ! Pirotte, l'iconoclaste...

            Suit un "dossier" placé sous le signe de La Boétie et de son "Discours de la servitude volontaire". J'en retiens le texte de Christophe Manon : il aurait pu l'écrire au bien comme Paul Éluard pour vanter ou appeler de ses vœux la Révolution ! On apprend en lisant l'éditorial de Françoise Favretto qu'un  dossier "Révoltons-nous" suivra celui-ci… En attendant, ce cahier sur la servitude nous en fait découvrir de bien belles sur les illusions des hommes. Mais  Christophe Esnault ne fait-il pas qu'avouer ses propres limites ? En tout cas, il pose bien le problème ! Reste alors le mot d'Achille Chavée : "Je suis un vieux Peau-Rouge qui ne marchera jamais dans une file indienne". Les textes les plus intéressants sont les études et les essais, comme celui de Jean-Luc Coudray : "La seule liberté qui reste à l'individu, c'est de dépenser son argent". Il en arrive à cette conclusion que l'état moderne, c'est la dépersonnalisation du citoyen. La question est posée : que faire, comme disait Lénine. Autre essai stimulant : celui de François Huglo qui note : "La grande question n'est pas celle du chômage, mais celle de l'inégalité dans la répartition des richesses…" Voilà qui sonne clair en ces temps de lutte contre la loi travail ; en tout cas, la discussion est ouverte… Il faut désormais passer à l'action. Autre étude éclairante, dans un autre registre (celui de l'islamophobie galopante qui gangrène le monde occidental), celle d'Iraj Valipour, qui analyse finement les écrits de Mollâ Nasreddin. Un hommage mérité à Pierre Courtaud (disparu en 2010), l'éditeur de La Main Courante, complète cette livraison. Ivar Ch'Vavar donne un article très intéressant sur le vers comme moyen mnémotechnique. J'ai beau aimer la prose poétique, cette approche théorique est convaincante. Le domaine critique (une dizaine de pages) enfin s'ouvre aux publications en langues étrangères…