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L’ironie christique, un art poétique

In memoriam Gaspard Olgiati

 

Ce livre de jean Grosjean, L’Ironie Christique, est assurément l’un des plus déroutants de son œuvre, peut-être l’un des plus difficiles d’accès également, non pas seulement parce qu’il s’agit du commentaire d’un évangile, mais aussi parce que Grosjean ne nous livre aucune clé de lecture : ni préface, ni postface ; pas même une bibliographie. Rien, pas une ligne qui éclairerait sa démarche. C’est à croire qu’il s’est emparé de cet évangile pour en livrer une lecture toute personnelle et, en poète, absolument libre ! Et c’est bien ce qu’il a fait, tandis que l’on sait les mille précautions que prennent les exégètes lorsqu’ils s’emparent d’un texte biblique… Ce commentaire vient trente cinq ans après la publication de sa traduction de l’évangile de Jean, trente cinq années de méditations que j’imagine quotidiennes tant il aimait cet évangile, tant il se sentait intimement proche de Jean. Le commentaire qu’il nous livre là est le fruit de cette méditation.

D’emblée, c’est le titre qui pose problème : on ne peut s’empêcher d’y déceler, entre « ironie » d’une part, « christique » d’autre part, quelque oxymore qui nous avertirait d’emblée que l’on est davantage dans le champ du littéraire que dans celui du théologique.

L’ironie — avec la distinction « ironie verbale » et « ironie situationnelle », est une « figure de rhétorique par laquelle on dit le contraire de ce qu'on veut faire comprendre. » Créant un décalage entre discours et réalité, elle, l’ironie, produit un malentendu. Bien sûr, lorsqu’elle est intentionnelle, l'ironie peut servir une intention particulière, psychologique voire idéologique. Elle peut être produite de différentes manières et certaines correspondent à des figures de style classiques : l’antiphrase, l’hyperbole, litote, etc.

Reste que l’ironie, et c’est là que le bât blesse, est souvent perçue, dans son vécu par le principal intéressé, la cible, comme mordante, blessante. Si elle est considérée comme une marque de finesse de l’esprit — il se dit même qu’elle est un trait caractéristique de l’esprit français —, ce n’est pas pour le moins le trait d’esprit le plus avenant, le plus sociable qui soit. Il serait donc, a priori, peu conciliable avec l’esprit christique tel que nous nous le représentons, tel surtout que le véhicule son image d’Epinal. Mais c’est oublier que la révolution et le scandale que provoqua le Christ par son avènement ne se sont certainement pas imposés par de douces paroles… Pour éveiller, ne fallait-il pas un langage radical et violent ?

Dans la tradition exégétique française, les références à l’ironie du Christ sont rarissimes. Est-ce à dire que les théologiens français ont attribué ce trait d’esprit au Diable ? Ce n’est pas impossible… Alain, qui n’était pas théologien, loin s’en faut, n’a-t-il écrit que « l’ironie est le langage du Diable [1] » ! Et Cioran n’affirme-t-il pas dans ses carnets que « l’ironie est la mort de la métaphysique [2] » ? Essayons donc de comprendre où Jean Grosjean veut nous amener par ses chemins de traverses, à la lisière de l’orthodoxie.

A lecture de L’Ironie christique, trois questions surgissent : tout d’abord pourquoi Jean Grosjean a-t-il choisi cet évangile plutôt qu’un des trois autres synoptiques ? Ensuite, qu’entend-il par « ironie » chez le Christ ? — il nous faudra ici le confronter, ne serait-ce que succinctement, à la tradition exégétique. Et, enfin, quel est le projet véritable de Grosjean ? Si l’on ne se perd pas en chemin… si l’ironie de Grosjean lui-même n’a pas raison de nous, alors nous devrions découvrir que Jean Grosjean nous a livré là un véritable art poétique — et plus encore.

 

Pourquoi Jean ?

Pour Jean Grosjean l’évangile de Jean est le plus vivant des quatre. Il s’en explique plus précisément au début de son commentaire du verset Parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. Il affirme que « la singularité du texte de Jean tient visiblement moins à des procédés de grammaire et de rhétorique qu’à une fascination ». Alors que « Matthieu écrit comme un sapiential, Marc comme un chroniqueur, Luc comme un historien », on dirait que chez Jean « c’est le sujet de son récit qui façonne le récit lui-même. Sa rédaction semble n’être que le calque d’une attitude d’âme » (IC p. 24-25) A cela s’ajoute une dimension impalpable, spirituelle, qui participe du style même de Jean, de sa respiration propre qui est témoignage de sa transformation intérieure opérée par le Christ, ce qui fait dire à Jean Grosjean que l’évangéliste a « un goût pour ce que le langage a de meilleur : la vie et la lumière c’est-à-dire la transparence du mouvement et la respiration de la clarté. (IC p. 24)

C’est aussi la « discrétion » de Jean qui le séduit, ainsi qu’une certaine innocence, notamment lorsque Jean « rapporte les circonstances où le Messie parle comme le buisson ardent de l’Exode ». (IC p 25) « Son texte, nous dit-il, n’a ni la hâte de Marc, ni les précautions de Luc ». Alors que Marc accumule des faits, « Jean, qui rapporte moins d’instants, trouve moyen de les éterniser avec des notations plus sèches et des dialogues plus abruptes. L’écriture de Jean arrive à la fois à être aiguë et lente ». Cette description du style de Jean s’apparente assez à celle des récits de Jean Grosjean lui-même. C’est sans conteste à l’école de Jean que Grosjean a épuré son écriture au fil des années, au point que même sa poésie en a subi l’effet : elle qui a d’abord été, dans la lignée de Claudel, composée de stances lyriques renouant avec le décasyllabe voire l’alexandrin, est devenue avec Austrasie plus contenue, intérieure, comme si l’amplitude s’était inversée pour entrer dans la profondeur de l’énoncé du vers plutôt que dans la matière verbale du vers lui-même.

Jean Grosjean fut également sensible à la quasi-absence de référentiel de lieu et de temps dans cet évangile. Lorsqu’il y en a, c’est incidemment, et parfois même de manière toute poétique : « c’était à l’aube », ou bien « il y avait de l’herbe, il faisait nuit » (IC p. 25). Là encore, les récits de Grosjean ont repris à leur compte cette caractéristique qui permet de rendre intemporel un texte, tout en faisant ressentir le mystère de ce qui se produit, mystère qui est cependant très concret. Grosjean ajoute : « Pour Jean il n’y a rien de merveilleux ailleurs. Ce qui se passe en Dieu, il a vu que cela se passait dans nos jours ordinaires. » Jean Grosjean a fait sien ce procédé : jamais de descriptions du merveilleux, mais le ressenti du merveilleux divin à travers des situations concrètes, des éléments naturels, ou par le biais de banals facteurs climatiques. En l’évangéliste Jean, Grosjean a trouvé un sens aigu du détail, de la scène, du tableau.

La façon que Jean a de mettre en scène les paroles de Jésus fait qu’on a le sentiment qu’il « se met à parler sans préambule et se met à se taire avec la même soudaineté ». Cela lui confère, nous dit Grosjean un « surplomb » qui « donne le vertige » (p.125). Ce qui, d’un point de vue apostolique, est plus efficace, car, « si les synoptiques nous rapportent ce qu’a dit Jésus, c’est en Jean qu’on l’entend parler. C’est en Jean qu’on découvre la vie de son langage, cette limpidité provocante […]. » (p.28)

Grosjean a trouvé en cet évangéliste un maître du récit. Toute sa vie il est revenu y puiser comme à une source autant spirituelle que littéraire.

 

La puissance créatrice du langage.

A vrai dire, il n’est pas étonnant qu’un poète se porte sur l’évangile de Jean plutôt que sur les autres. N’est-il pas celui qui qui fait appel à la puissance créatrice du langage ? — notons dès à présent que la traduction classique évoque le « Verbe », que Grosjean appelle lui « langage », nous y reviendrons.

Dans son commentaire du premier verset, Grosjean affirme que ce qui importe n’est pas tant « la naissance du monde », mais l’« acte créateur comme début absolu », d’où sa traduction : « D’abord il y avait le langage » (p. 11) Ce qui ne signifie pas que le langage soit la source de Dieu, qu’il lui préexiste, car « le langage était chez Dieu ». « C’est la nature de Dieu d’être hanté par le langage » (p. 12) N’est-ce pas aussi le sort des poètes, du moins les lyriques, d’être hantés par le langage au point de sans cesse nommer le monde jusque dans ses moindres détails et de le célébrer ?

Le parallèle établi entre l’acte créateur de Dieu et celui du poète est un poncif qui a traversé les siècles, mais auquel les poètes — parfois malgré eux — souvent même — restent attachés, me semble-t-il. Cependant, « nommer », énumérer, à la manière de la Genèse n’était qu’une étape (Grosjean affirme là que la pensée de Moïse « plafonne ») ; avec le Christ, qui est le langage de Dieu fait homme, il y a comme une intériorisation du langage, qui est en fait déjà celle du Père :

« Dieu est Dieu parce qu’il est en conversation, parce qu’il y a du langage chez lui. », […] « On dirait qu’avant d’avoir eu la moindre intention de créer quoi que ce soit […] Dieu ait passé son temps, si j’ose dire, à se signifier sa propre existence, car le langage de Dieu n’avait que Dieu à dire à Dieu […] Ce langage était l’acte unique de Dieu et il livrait tout Dieu. Il contenait l’excellence et l’intensité de sa source. » (p. 12)

 

Le commentaire de Grosjean se fait ensuite plus personnel, méditatif, et peut être lu aussi comme une extrapolation de l’acte même d’écrire : « L’univers est ourdi, tout le temps, par le mouvement du langage, c’est-à-dire par une audace. Puisqu’on ne sait jamais où va aboutir une phrase, on ne sait pas non plus où va l’histoire du monde. Jean nous dit seulement qu’elle est vivante, car c’est dans le langage que se trouve la vie » (p. 13)

Si Grosjean préfère Jean, c’est parce que celui-ci a compris « que le Messie […] était précisément le langage qu’il y a en Dieu et par lequel Dieu a fait exister l’univers. » (p. 26) Grosjean compare même « l’élan du langage » qui est chez Dieu à un « geste vital » (p. 14), rejoignant peut-être là, inconsciemment, l’hypothèse de Marcel Jousse pour qui à l’origine il n’y a pas le langage mais le geste [3].

Grosjean va plus loin lorsqu’il nous dit que « depuis Adam le langage est à l’œuvre contre l’abrutissement, mais le Nazaréen lui donne sa netteté » (p.228) ; et que « le monde est une séquelle d’échos que le langage seul démêle. La création n’est qu’une ombre de vérité et le Fils seul l’éclaire ». (p. 228) Le langage qu’est le Christ est la vérité ; écrire, user du langage humain, faire œuvre poétique, c’est se rapprocher autant que possible du langage du Christ, s l’on se place bien sûr du point de vue d’une anthropologie chrétienne. Si l’on pousse à son terme cet élan mystique de Grosjean, en incarnant la geste christique, le langage (humain), alors, n’est plus indispensable : le mouvement du cœur, comme celui du corps suffisent. Ce serait là l’incarnation parfaite du langage christique — ce vers quoi il nous faudrait tendre, peut-être…

Par ailleurs, si l’acte créateur demeure un mystère, il n’est pas question pour Grosjean « d’élucider l’indicible par des paroles, de résorber le mystère par des raisonnements. L’élucidation se fera par le mouvement de vie de chacun, la vie restera informulable, mais elle deviendra le mouvement même du langage, tandis que les formules sont des idoles. » (p 15) Grosjean rejoint ici le principe théologique de l’humano-divinité selon lequel l’homme est appelé à devenir Dieu et est co-créateur du monde par ses gestes, sa pensée, par sa vie même.

 

Jean Grosjean emploie « langage » dans sa traduction, ce qui n’est pas anodin. Derrière ce mot, l’on ne peut s’empêcher de penser au champ de la linguistique qui n’est pas sans avoir desséché et désenchanté la langue au cours du XXe siècle. Grosjean, qui n’a donc pas employé « verbe » (trop latin), ni même « langue » ou « parole », se réapproprie ce mot « langage » avec l’intention peut-être de lui rendre sa noblesse en lui conférant un souffle, celui du Dieu créateur. Car le langage est par excellence ce qui est construit, structuré grammaticalement, a fortiori dans le champ littéraire ou poétique. Cela rejoint l’un des commentaires courants des exégètes de l’entame de cet évangile dont on dit qu’elle est une « grammaire du créé », une « grammaire du monde ».

 

Le souffle, source le lyrisme.

Jean Grosjean a aussi puisé ceci d’essentiel chez Jean et qui lui correspondait parfaitement, à savoir le souffle. Jean, nous dit-il, a « l’art de nous faire sentir comment manœuvre le langage », lorsqu’il se fait souffle, « lorsque Jésus semble nous mener sur des falaises pour ne plus nous laisser entendre que l’immense murmure »(p. 123). La référence au souffle est omni-présente chez Jean. Dans le dialogue avec Nicodème, mais aussi en Jn 6 : C’est le souffle qui fait vivre, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont du souffle, elles sont de la vie. Grosjean commente ainsi : « …ne vous fixez pas sur les mots, ne vous fixez pas sur des notions, c’est la respiration qui permet de vivre. […] nous ne pouvons respirer que par la respiration divine » Et, plus loin : « Le langage de Jésus nous donne donc moins un univers de significations qu’il ne nous communique le va-et-vient vital de son haleine. Ce langage n’illumine que par la contagion de son mouvement » (IC p. 123).

Si l’on peut faire de ce passage une lecture mystique, je crois qu’il étaye également l’attachement de Jean Grosjean à un certain lyrisme, non pas celui, narcissique, de l’expression du moi romantique, mais celui qui prône une langue portée par le souffle et le mouvement, ce qui caractérise le Christ de Grosjean me semble-t-il. N’écrit-il pas : « Le langage aussi, à mesure qu’il est dit, ne fait que périr pour que naisse le sens. Si la phrase s’immobilise dogmatique, le langage est mort. Les formules sont des idoles, les conclusions sont des idoles, mais si les phrases se précipitent en bavardage c’est aussi un blasphème car la volubilité n’est pas non plus de la vie ». Mouvement du langage porté par le souffle, mais avec mesure, modération et précision : un lyrisme contenu pour qu’il dure et vive plutôt que ne s’essouffle.

 

Jean Grosjean a donc choisi Jean parce qu’il accorde la primauté au langage et au souffle, ce qui lui correspondait intimement, mais aussi parce que Jean souligne « un trait tout personnel de Jésus que les synoptiques ne notent qu’en passant : une singulière ironie qui se mêle à la tendresse comme l’hostilité, à l’étonnement comme à la souffrance » (IC p. 28). Ironie, ce trait si humain, permet en fait à Jean Grosjean de davantage incarner son Jésus.

 

Le problème de l’Ironie dans la tradition exégétique

Originalité de Grosjean ?

Reste que l’Ironie pose un sérieux problème. En France, dans les derniers commentaires parus de l’évangile de Jean, aucune mention n’est faite d’une éventuelle ironie. Ainsi, Alain Marchadour, dans Venez et vous verrez, Nouveau commentaire de l’Evangile de Jean [4], non seulement ne consacre pas une ligne à ce trait du Christ johannique, mais ne cite même pas Jean Grosjean comme traducteur. Or, Marchadour connaît Grosjean puisqu’il cite un de ses récits, Le Messie. J’imagine donc mal que Marchadour ne connaisse pas L’ironie christique… et j’en conclus que s’il le passe sous silence, c’est volontairement. Et ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres.

En revanche, à l’étranger, en Angleterre [5] ou en Allemagne, plusieurs théologiens protestants n’ont pas hésité à qualifier le Christ, en maintes occasions, d’ironique. Mais ne soyons pas injuste : il y a tout de même un théologien et pasteur français, François Vouga [6], qui évoque l’ironie du Christ, cependant, il exerce son ministère en Allemagne, et la plupart de ses références théologiques appartiennent aux champs germanique et anglo-saxon… Il est l’auteur d’une somme intitulée Le cadre historique et l’intention théologique de Jean, paru en 1977. Rappelons ici que L’Ironie Christique date de 1991. On peut donc légitimement émettre l’hypothèse que Grosjean a eu connaissance de ce livre. Grosjean était un grand lecteur de théologie, c’est d’ailleurs pour cela qu’il s’est permis tant de rudesse à leur égard — je précise au passage que Bultman, grand exégète de Jean, n’avait absolument pas les faveurs de Grosjean qu’il fustige dans L’Ironie Christique, au détour d’un commentaire, et pour cause : Bultman fut, si j’ose dire, à la théologie ce que Jacobson fut à la littérature !

Mais ce n’est pas le lieu de s’étendre sur les querelles théologiques. Relatons simplement que les théologiens protestants eux-mêmes ne s’accordent pas entre eux pour déterminer les passages où apparaît ce que François Vouga appelle la « technique du malentendu », c’est-à-dire de l’ironie. A propos de « malentendu » justement, il est à noter que Grosjean reprend à plusieurs reprises ce mot : « Le malentendu est sa manière [à Jésus] de rompre notre discours » (p.75) ; « Le malentendu y est comme la base du dialogue qui est lui-même la base du langage ». (p. 109) Permanence du vocabulaire qui me fait croire que Jean Grosjean a bel et bien lu François Vouga.

 

Quelle est l’intention de l’Ironie ?

Pour Grosjean, l’ironie permet un cheminement d’une « finesse vitale », car « chaque parole sans s’opposer à la précédente la prend légèrement à contre-pied » (p. 109) Cette ironie peut prendre la forme, avec les malveillants, d’une fausse candeur ; mais elle peut se faire très sarcastique à l’égard des disciples.

Le théologien Wead [7], repris par François Vouga, « définit les malentendus johanniques comme un type d’ironie […] littéraire par lequel l’auteur disjoint la réalité que connaît le lecteur et l’apparence que les protagonistes du récit prennent pour la réalité [8] ». Ce type d’ironie joue à deux niveaux : d’une part Jésus pratique l’ironie face à ses interlocuteurs qui ne le comprennent pas, c’est pourquoi il multiplie les propos pour les amener à mettre en question leur compréhension de l’existence et leur mode d’être [9] ; d’autre part, le lecteur n’est pas a priori le destinataire, mais le spectateur de l’ironie : par exemple, si la Samaritaine ne comprend pas ce qu’est l’eau de vie, le lecteur lui le sait.

Reprenons la distinction que Wead établit à propos de l’ironie : il y a l’ironie de type socratique qui s’en prend aux prétentions de l’interlocuteur pour mettre en évidence son ignorance, et celle de Sophocle dont l’enjeu est de dévoiler la vraie situation dans laquelle se trouvent les partenaires afin de les amener à mieux se comprendre. D’après Vouga, ces deux types d’ironie sont étroitement liés dans l’argumentation du Jésus de Jean, argumentation qui essaie de transformer ses interlocuteurs, de les faire passer d’une compréhension de soi à une autre, de la non-vie à la vie [10].

L’ironie de Jésus a bien la rudesse de l’ironie socratique, puisqu’il s’agit pour lui de déposséder l’homme des certitudes derrière lesquelles il s’abrite, mais l’intention profonde de Jésus étant d’amener son interlocuteur au Fils et, par lui, à Dieu, son ironie n’a plus cette négativité qu’elle avait chez Socrate. L’intention théologique qui sous-tend cette ironie en adoucit la corrosivité. Faut-il parler désormais d’ironie chrétienne ?

De même Jean Grosjean pointe dans L’Ironie Christique les moments ironiques de Jésus, et affirme lui aussi que les interlocuteurs de Jésus ne comprennent pas réellement qui il est, et que « lorsque l’homme veut ou doit appréhender la Révélation, il y a nécessairement malentendu ». Imparfait, nous sommes toujours à côté, sourds, attachés à nos biens, aux conventions sociales etc. L’usage que fait Jean, selon Jean Grosjean, de l’ironie, est donc avant tout pédagogique, et, pour se faire, Jean n’hésite pas à en faire un usage violent, avec, en ligne de mire, l’amour-propre. Par ailleurs l’intérêt littéraire de l’ironie est qu’elle est un ressort dramatique en même temps qu’elle insuffle de la vie et donne de l’épaisseur, de la chair aux personnages — ce que ne rend pas un récit purement historique et factuel comme celui de Luc.

Cependant Grosjean ne fait pas que pointer les moments ironiques du Christ, il pratique lui-même une ironie qui est en quelque sorte une surenchère de l’ironie johannique. En fait, je ne pense pas que Grosjean se soit mis à l’école de l’ironie johanique, je crois plutôt que l’ironie lui était déjà très familière… et que, peut-être, l’intention de cette ironie a évolué sous l’influence de Jean.

 

Surenchère de l’ironie.

Grosjean se moquait des convenances autant que des références, des traditions, des écoles – et nous allons ici le vérifier. Souvent, cette surenchère de l’ironie ne concerne pas directement le Christ, mais, tout en prenant place dans le commentaire qui se fait là récit, fait écho à sa propre vie — celle de Jean Grosjean. Ainsi ce passage, qui est le début du commentaire de Jean VII, 53 :

« Les parvis étaient jonchés de cornets de frites écrasés et de bulletins NRF en lambeaux. Le jour qui se levait n’éclairait pas encore les épaves des caniveaux, bouteilles cassées, boîtes à sardines, écorces d’oranges. »

Au sujet de ce passage, il faut aussi préciser que les « parvis » étaient un lieu si fondamental pour Grosjean qu’il donna à l’un de ses recueils le titre de « Parvis » : c’est un lieu de vie par excellence, en dehors de la sinagogue — de l’église — puisque devant, un lieu où les hommes parlent et font vivre et circuler la parole, un lieu où le Christ aimait parler. Quant à la pique contre le NRF, faut-il y voir un règlement de compte interne à la maison ?…

Par ailleurs, à propos du verset Etonnés les Juifs disaient : Comment connaît-il les textes sans avoir étudié ? Grosjean commente : « Le Messie n’offusque pas seulement le clergé, mais aussi le corps professoral. Certes, il faut apprendre. Les hirondelles entraînent leurs jeunes à voler en rond dans la cour, puis en zigzags entre les arbres du verger. Il y a des obstacles à contourner dans l’écriture et une patience à acquérir pour aller d’Avant-lès-Marcilly à Dar-es-Salaam ». Avant-lès-Marcilly est le lieu de la maison de campagne de Grosjean ; Dar-es-Salaam : point de référence ici à cette ville de Tanzanie, bien sûr, mais à ce que cela signifie, mot à mot, à savoir « Maison de la Paix ».

Enfin, pour nous familiariser et nous faciliter l’appropriation de cet évangile, Jean Grosjean en transpose le contexte dans notre quotidien, dans notre univers mental, et ce sur un ton ironique afin d’accentuer l’effet, la profondeur autant que la radicalité du Christ. Ainsi, à propos du verset C’est là le pain qui est venu du ciel, non pas ce que les pères ont mangé et ils sont morts. Quelqu’un qui mâche ce pain va vivre pour toujours (Jésus s’en prend ici « à l’auréole des Anciens qui encombre les cœurs »), Grosjean écrit : « Mais on vient leur dire que Napoléon était un imbécile, Jeanne d’Arc une menteuse, Vercingétorix un froussard, que la Marne fut une boucherie inutile, etc. […] » Son intention est d’amener le lecteur à saisir « à quelle profondeur (notre) culture va être dévastée par ce maître-là » (IC p. 121) pour peu que l’on se fie à lui totalement.

Cette liberté de ton s’exerce aussi à l’encontre des institutions qu’il critique vertement, avec cette fois-ci une ironie plus violente. Quoi qu’il en soit, tout le monde en prend pour son grade, et, en priorité, ceux qui détiennent le pouvoir : « Les pouvoirs sont vite abusifs (même et surtout s’ils sont religieux). » ; ou encore :  « Les religions, qu’elles soient des institutions ou des spiritualités, redoutent le souffle corrosif de l’inspiration. Le prophète n’est utilisable que mort : on l’embaume, on l’interprète. » (p.36) Le Christ de Grosjean est celui qui casse les idoles, les coutumes, les idées : « Tous les moyens d’aller à Dieu sont renversés pour que ce soit Dieu qui vienne à sa guise, imprévisiblement ». Par ailleurs, à propos de l’expression « Souffle corrosif de l’inspiration », il y a fort à parier que Grosjean ne pense pas seulement aux prophètes. Il a forcément à l’esprit les poètes, du moins ceux qui reconnaissent la participation du Souffle dans l’acte créateur, et qui s’en remettent à l’inspiration.

Critique des lettrés également : « Les lettrés ne savent pas lire : ils cantonnent l’écriture dans une autonomie qui la rend sourde-muette » Cette critique, qui s’adresse aux exégètes, me semble aussi valable pour tout un pan de la création littéraire contemporaine, celle héritière du textualisme, celle qui s’est coupé du souffle. Grosjean, au détours de ses commentaires, s’inscrit certes dans la lignée des exégètes de saint Jean, mais il en profite aussi pour se poser dans le champ littéraire.

Enfin, la tradition chrétienne n’est pas épargnée non plus : en guise de commentaire du passage « Mon règne n’est pas de ce monde… », il avance que « les Juifs qui ont ligoté l’écriture par leurs traditions, ont ligotés aussi le Nazaréen pour le livrer à Rome. Mais les chrétiens n’ont pas fait mieux. Leurs traditions ont lié les évangiles et, de peur que ces liens se rompent, on livrera les livres à des surveillances romaines. » (p. 239)

 

     Mais l’ironie de Grosjean lui-même n’est qu’une des facettes personnelles du livre. Si elle en rend la lecture « joyeuse », alerte, jubilatoire même, ses commentaires dévoilent par ailleurs les soubassements de ce que j’appellerai son « art poétique ».

 

L’Ironie Christique, un art poétique

Grosjean, en poète, se méfie de la dialectique, de l’analyse. Le langage du Christ nous dit-il, est « comme la nuée lumineuse, (…) à la fois clair et obscur. L’enrober d’un autre vocabulaire pour lui donner une sorte de netteté intellectuelle serait malhonnête » (p. 118). Pour Grosjean, « La révélation nous visite plus par osmose que par logique » (p. 119) « Par osmose », comme le souffle, en somme. Aussi la poésie est-elle peut-être le moyen le moins imparfait pour appréhender le mystère divin, car Jésus, langage fait chair, « ne peut pas sans trahison être rassemblé dans une formule » (p.130).

 

La poésie en guise de commentaire:

On retrouve dans l’IC un Grosjean attentif, comme dans sa poésie, aux détails, « aux petits riens qui disent tout [11] » de la nature, des gestes du quotidien. Il rappelle par exemple que « la quotidienneté n’est pas faite pour les chiens. Si on s’y ennuie comme sur le chemin d’Emmanüs (…), c’est pourtant là que le Messie nous fréquente » (IC p. 40) A mon sens l’essentiel de l’œuvre de Jean Grosjean peut être lu comme une méditation contemplative de la création à travers le prisme des Ecritures. D’où le reproche peut-être qui lui fut fait de trop souvent « décrire », mais, ainsi qu’il l’a rappelé à Jacques Réda dans une lettre publiée par la revue Nunc [12] : « Je ne décris pas, j’écris ». Témoignage de sa vivacité d’esprit, et, de l’ironie qu’il réservait à ses détracteurs.

Cet attachement poétique à ce qui est ténu, infime, est à rapprocher de la poésie de Pierre Oster, lui aussi attentif au moindre fétu, au brin d’herbe, à la brise, chargés de sens pour peu que l’on veuille bien prendre le temps de leur accorder quelque attention par le regard, l’oreille et le langage dont on use pour les nommer et leur donner souffle. Tout cela est question d’angle de vue. A ce propos, lorsque Grosjean commente « Viens, tu verras », il dit : « Quittez un peu votre lieu, abandonnez votre point de vue et alors vous allez voir ce que vous allez voir ». (p. 47)

C’est aussi poétiquement qu’il appréhende le temps messianique lorsqu’il commente le passage de la Pâque. Poésie toute bucolique qui passe par la personnification de divers éléments de la nature :

« Le printemps avec ses primevères qui se cachent dans les touffes d’herbe, ce n’était pas l’année dernière, c’est cette année, quand le Messie monte à Jérusalem parmi des collines bleues de beau temps. Et les Monts de Moab sont mauves de jalousie derrière la mer Morte parce qu’ils ne peuvent rien voir par-dessus l’épaule du Mont des Oliviers.[…]

La voix (de Jésus) pouvait sembler tendre par moments, mais d’une tendresse plutôt railleuse. Quant au vrai printemps avec tous ses arbres de paradis en pleine fleur, toute cette blancheur que les mésanges agitées éparpillent comme de la neige sur les violettes timides, il n’est venu que cette année, après les derniers froids, après des noces où le vin a manqué » (p. 56)

Superbe fragment de récit poétique, mais que Grosjean n’hésite pas à court-circuiter dès la ligne suivante en écrivant que « jusque là, il faut avouer que le messianisme était comme un tracteur arrêté au milieu d’un champ »… Autodérision… comme s’il se disait : « stop tu commences à te prendre au sérieux ».

Quoi qu’il en soit, nous avons là quelques exemples assez typiques de ses commentaires poétiques, mais qui mêlaient, peut-être pour les rendre moins solennels, plusieurs niveaux de langage, du plus soutenu au plus familier (cf. p.58). Nous rejoindrons ici l’analyse de J-Y Debreuille qui explique qu’« individualiser ainsi des espèces, des espaces et des instants dans ce monde si quotidien que souvent on ne le perçoit plus, c’est le faire passer de l’être-là à l’existence véritable [13] » J’ajouterai, moins savant, que c’est lui insuffler de la vie par un langage inspiré.

 

Mise en scène : l’usage du récit comme facteur de sens spirituel.

L’Ironie christique témoigne aussi de son art du récit : quand il commente le passage de la femme adultère, Grosjean reprend les termes de l’évangile : « … Personne ne t’a condamnée ? — Personne, monsieur. — Eh bien moi non plus. Tu peux t’en aller, mais maintenant… » Et Grosjean enchaîne aussitôt avec un nouveau paragraphe : « Et maintenant il fait grand jour. On voit bien qu’il n’y a plus foule au temple. Les pèlerins sont repartis vers leur province et les banlieusards sont retournés à leur gagne-pain. » (p. 145) Grosjean glisse ici des personnages supplémentaires, rajoute de la vie, comme pour étoffer le contexte, des personnages de notre temps qui plus est, créant un choc temporel, dont le but, nous l’avons vu, est de nous faire réagir, de nous concerner, afin que l’on fasse nôtre le langage du Christ. Ce procédé n’est pas nouveau chez Grosjean, j’en veux pour preuve ce passage tiré de La Gloire : « Tel est le soir à Golgotha. Au loin les trains s’enfuient. Le vent soulève déjà dans l’ombre des tourbillons blêmes [14]. »

De même, au moment de la fête des tentes, Jésus dit aux apôtres de rejoindre les autres. Fragment de Jean : « Là-dessus, il (Jésus) est resté en Galilée », et Grosjean poursuit la phrase de l’évangile, dans une prose toute poétique :

« dans l’amitié du brouillard et des corbeaux, avec les arbres qui se tiennent debout dans les premiers brouillards et qui se couvrent de corbeaux par instants. […] Alors les arbres écoutaient ces conversations de corbeaux, à mots ouverts, dont les phrases rauques se ponctuaient de silences pour laisser les larmes du brouillard s’égoutter des ramures sur une terre dont les pierres luisantes durent plus longtemps que nos amis. » (IC p. 132)

 

Mise en scène sombre qui préfigure ce que sait Jésus de l’issue tragique qui l’attend, un Jésus assombri aussi d’être ainsi abandonné de ses disciples. Pour reprendre les mots de la préface d’Erasme au Nouveau Testament, mots qui s’appliquent tout particulièrement à l’Evangile de Jean et à ce que Jean Grosjean n’aura eu de cesse de guetter : « c’est le Christ lui-même, parlant, guérissant, mourant, ressuscitant, enfin entier, que [ces écrits] rendent présent, de telle sorte que tu le verrais moins bien si tu l’avais devant les yeux pour le regarder [15] ».C’est là l’enjeu du récit qui remet en scène des personnages anciens, et, pour le Christ, de donner à entendre et rencontrer comme pour la première fois, celui qui est le langage, avec l’intention de nous amener à l’écouter et le suivre. Grosjean, pour la faire partager, quête « la vérité du dedans d’une scène évangélique [16] » Et ce qui en fait toute la force, c’est cette tension entre transcendance et immanence qui traverse toute son œuvre de poésie comme de prose.

Jean Grosjean, en quête d’un rapport entre les mots et les choses, oscille entre attitude prophétique et attitude apophatique. Tantôt la parole est projetée sur le monde, tantôt elle émane de celui-ci. Dans les deux cas, elle conduit à la révélation.

 

L’Ironie christique est bien un commentaire d’évangile, certes, mais à mille lieues de ce à quoi nous avait habitué la tradition exégétique. Il s’agit plutôt à vrai dire d’une lecture intime qui relève de la méditation poétique et même parfois mystique (on sait l’admiration de Grosjean pour la mystique Rhénane), la seule à même d’appréhender le mystère christique qui restera toujours pour la raison une pierre d’achoppement. Quel Christ nous présente Grosjean à travers l’évangéliste Jean ? Un homme de chair en mouvement et animé d’un souffle, d’une respiration qu’il fait siens, en poète. Un Jésus usant de l’ironie, mais à des fins apostoliques, ce qui lui permet, à Jean Grosjean, de renouer avec la radicalité et le scandale du langage de Jésus.

D’autres écrivains revisitent depuis plusieurs décennies les Ecritures. Il y a bien sûr le célèbre écrivain italien Erri De Luca, mais il ne faudrait pas oublier le Français Claude-Henri Rocquet auteur de plusieurs récits bibliques. Par ailleurs, je voudrais également citer l’américain William Goyen, auteur d’un magnifique Livre de Jésus, qui n’est autre qu’une ré-écriture de l’évangile sous le signe du feu, et qu’il a composé après sa conversion survenue à l’issue d’une énième mais décisive lecture de l’évangile.

Mais Jean Grosjean, en poète, nous parle aussi de son Christ tel qu’il le vit, du Christ qui l’a accompagné tout au long de sa vie, bien qu’il ait quitté l’Eglise : par sa manière de le mettre en scène, de l’entourer de poésie, il nous le fait revivre et sentir, afin de vive sa parole à travers son écriture — n’est-ce pas toute l’œuvre de Jean Grosjean qu’il faudrait relire à l’aune de cette intention ? Dans le même temps Jean Grosjean se livre et dévoile sa personnalité, qui peut être dure, espiègle, ironique souvent — à moins que… comme l’écrivait José Bergamin, dans La tête aux oiseaux, « la véritable ironie ne [soit] pas celle que l’écrivain met dans son œuvre, mais celle qui s’interpose entre son œuvre et lui »…

 Enfin, j’avancerai l’idée que L’ironie christique est la clé de voûte de l’œuvre de Jean Grosjean,  en même temps qu’une véritable synthèse. Tout y est présent : sa foi (ou plus précisément « sa manière de fier »), ses humeurs, ses colères, sa poésie, son art du récit poétique : en somme, c’est une forme d’auto-biographie littéraire. L’Ironie christique témoigne parfaitement du projet littéraire qui fut le sien et qu’il a exprimé ainsi : « Attaché à la langue française dans son génie propre et à la Révélation qui a été rédigée selon une autre structure mentale j’ai tenté de faire passer celle-ci dans celle-là ou de tirer celle-là vers celle-ci [1]. »

 

 


[1] Cité par Jean-Luc Maxence, op. cit., p. 69.

 


[1] Alain, Les Arts et les Dieux, « Définitions », Paris, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1958.

[2] Emil Cioran, Carnets, 1957-1972, 5 nov. 1960.

[3] Marcel Jousse, L’Anthropologie du geste, Gallimard, col. Tel, 2008.

[4] Alain Marchadour, dans « Venez et vous verrez, Nouveau commentaire de l’Evangile de Jean, Paris, Bayard, 2012.

[5] Citons par exemple le livre de George Johnston intitulé The Glory of Christ in the New Testament et plus particulièrement le chapitre « Ecce Homo! Irony in the Christology of the Fourth Evangelist »

[6] François Vouga est un pasteur et théologien français, mais exerçant son ministère en Allemagne ce qui le range davantage dans le champ théologique germanique et anglo-saxon.

[7] D.W. Wead, The literary Devices in John’s gospel, Bâle, 1970, cité par François Vouga.

[8] François Vouga, Le cadre historique et l’intentionnalité théologique de Jean, Paris, Beauchesnes, p. 33

[9] François Vouga, ibid., 1977, p. 33

[10] François Vouga, ibid, p. 34.

[11] Jean-Luc Maxence, Jean Grosjean, ops cit. p. 58.

[12] Nunc n°21, « Dossier Jean Grosjean » p.

[13] Jean-Yves Debreuille, « L’invitation à sourdre de Majestés et passants à Hiver », dans Jean Grosjean poète et prosateur, L’Harmattan, 1999, Actes du colloque de Besançon, p. 78-79.

[14] Jean Grosjean, La Gloire, Gallimard, col. NRF/Poésie, 1969, p. 199.

[15] Cité par Alain Marchadour, « Venez et vous verrez », nouveau commentaire de l’Evangile de Jean, Introduction, p. 18.

[16] Jean-Luc Maxence, Jean Grosjean, Seghers, col. « Poète d’aujourd’hui », p. 59.