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L’océan par la vitre (extraits)

 

L'océan par la vitre. A cet instant, on ne le voit plus. On le sait là, quelque part entre le front du petit jour et les phalanges noires qui se replient derrière. Le reste a disparu. Pas seulement dans le brouillard mais aussi dans les ventres. Ça n'a pas tenu plus loin. L'impression de chaleur quand le blizzard fait face. Quand on revient du gris, sans se soucier des foules qui pressent en sens inverse. Une même sensation quand la lumière résiste à l'autre bout du ciel. Ça ne tient pas. La distance en avant.  Cette proximité-là. Chaque matin y est bancal.

 

 

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Revoilà les souvenirs mouillés. Les grosses piques noires qui dentellent la plage. Les poèmes écrits au crochet. Personne ne vient sur le débarcadère. Personne ne s'avance pour accrocher le ciel à la fenêtre de l'aube. Il n'y a que la pluie et ces éclaboussures tout au fond de nos yeux. On a perdu la vue sur l'océan. Les frissons du dimanche. Le goutte à goutte du crépuscule. Le soleil serré contre la poitrine du large. Une étuve. Quelques regrets. Une pointe de douceur plantée entre les côtes. Plus personne pour la retirer.  Plus rien.

 

 

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Ramasser quelques coquillages. Se détacher de la grisaille qui s'allonge en dedans. Sous les pieds. Sous la peau. Sous la corne blanchie par les brûlures salines. Si timides que l'on avance encore vers un jour de plus. Les poches pleines de sable. Les mains tachées de mots, comme on oublie de raconter. De dire mieux la colère, la peur à marée basse. De retrouver un peu de charme là où plus rien ne vit. Ça peut suffire et on le sait. Le temps est immobile. Les nuages posent sur l'horizon comme sur un chevalet. On n'attend plus que les couleurs. De l'eau à petites gorgées. On est là. On se tient prêt.

 

 

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Des fois on ne s'attend à rien en ouvrant les volets. Un bock de soleil renversé sur la table. Un vieux chat qui le lape. Des bulles. De la tiédeur. Un peu de mousse jaune dans la barbe du ciel. Une brise sucrée. Les enfants qui courent vers la plage en laissant loin derrière leurs ombres essoufflées. Une mer  entrouverte. Les dunes désertées. Les nuages collés à la vitre comme de petits post-it froissés. La buée les fait glisser tout doucement jusqu'à nos yeux. Mais on n'y lit qu'une tempête.

 

 

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Toutes les vagues ne se ressemblent pas. Certaines montent trop haut pour que l'on ose l'expliquer Détailler les embruns. Les immortaliser. On les regarde prudemment alors la vitre s'embue. Quelque chose a cassé à l'intérieur. Trop de tension. Trop d'images à la suite. Et peu importe le reste. Une sirène troue le silence. La plage change de format. On en perd la distance à chaque ondée de gris. C'est un banc d'émotions qui s'approche du bord. On y veut des couleurs. On lance le filet de nos yeux. Mais comme en soi, ça remue trop.