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L’œil imaginaire (2)

 

Des fantômes d’objets mêlés aux spectres d’êtres
débordaient les marges du ciel.
Le dedans, le dehors, l’ici et l’invisible
abruptement se pénétraient
en une insurrection de pollens, de poisons sauvages,
          d’aube dégoupillée.
Un battement de cils enfantait l’étendue :
l’œil chasseur ajustait une à une ses proies
dans le colimateur des éternités provisoires.
Le dolmen de la nuit pesait de tout son poids
sur des cécités sourcilleuses
afin que l’ampoule pût brûler, impolluée
s’éclairant elle-même avec férocité.
On peut imaginer d’autres commencements
fondés sur la nativité inverse du néant,
des astronomies d’engrenages et de filets dormants
des théologies de ratures transfigurées,
la mort attendant de prime saut le client
la crèche sur le Golgotha
toute une liturgie de collets, traquenards,
miroirs aux alouettes, attrapes et appâts
ou bien, à l’opposé, le sourire intouchable du Bouddha
avant l’éclosion du temps, dans l’absence infinie d’espace
quand, bercé par le lait des musiques premières
le verbe enfant au ventre de la mère
suçait son pouce en rêvant la lumière.