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L’Opiomane 2

 

Le Tartare coréen

 

Nous sommes conviés dans la pièce assombrie par les stores
Pour le confort des reliures
Le décor hésite entre alcôve et temple bouddhique
Autel pour le culte des ancêtres en laque noir et or
Accordé aux brassées de têtes de pavots
Penchées sur le nécessaire raffiné du fumeur d’opium
Assis à la table basse, nous voyons venir à nous des assiettes
Remplies de lanières de bavette d’un beau rouge cerise
Macérées dans l’huile de sésame l’ail et le piment vert
Le tout assaisonné du soju bien frappé
Le cuisinier qui a préparé ce mets savoureux
Est une gracieuse fleuriste coréenne
Chue depuis une décennie dans le samsara francilien des destinées
Elle sait à bonheur égal apprêter un bouquet de fleurs de pavots
Ou ce régal de carnivore
Elle connaît le rouge plaisir relevé du vert de la ciboule hâchée
Et la touche voluptueuse d’atomes de poire dissimulés dans la chair
Et sans doute d’autres secrets
L’effet de ce tartare est si puissant qu’une des filles invitées
Se sent mal
Elle doit s’allonger et il faut lui masser les orteils