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L’oubli, la trace de Jacques Sommer

L’œuvre littéraire et poétique de Jacques Sommer s’est installée doucement, discrètement, dans le paysage intellectuel français, depuis son roman Les Seuils (Albin Michel, 1974) jusqu’à cet autre roman, Le meurtre, paru en 2013 chez Pierre-Guillaume de Roux, en passant par La Prose d’Aubervilliers, poème paru chez Dumerchez en 1996. Et comme souvent, les œuvres qui s’installent discrètement, comme avec assurance, surgissent d’un coup devant les regards, apparaissant pour ce qu’elles sont : des œuvres fortes et vraies, loin des flonflons redondants du court terme dit « littéraire ». Il y a beaucoup d’écrivains, beaucoup de poètes. Fort peu d’œuvres. Et à cela aucune idéologie virtuelle ne pourra jamais rien. Tout être humain n’est pas animé d’un démon, au sens socratique du terme évidemment.

L’oubli, la trace a paru en 2012 dans la collection Les Rares des éditions Alexipharmaque, emmenées par l’écrivain Arnaud Bordes. Une collection où l’on peut aussi lire deux immenses écrivains, visionnaires et trop méconnus : Camille Mauclair et Jean Parvulesco. Ce nouvel ensemble poétique de Jacques Sommer est comme un prolongement de l’ouvrage entamé dans La Prose d’Aubervilliers, sur le plan de la forme d’écriture : le poète se « promenait » dans la ville d’Aubervilliers autrefois, il se « promène » ici dans l’œuvre du photographe Gilles Desrozier. L’oubli, la trace, ce qui reste quand tout semble ne plus être là. Apparences. La trace, cela même qui reste est le plus important, le plus vivace, ce qui est en profondeur, creusé par le sillon. C’est pourquoi nous ne devons pas craindre le moderne, lequel prétend être un aboutissement tandis qu’il n’est en réalité qu’une minuscule bribe provisoire de l’histoire de la vie. Comme tout ce qui navigue en surface. Ce qui compte vraiment, c’est ce qui se trame en profondeur. Et c’est pourquoi la poésie, malgré les apparences, demeure un fondement.

Qui est Jacques Sommer, écrivain et poète à ce point discret que l’on ne trouve pas trace de lui, en ces temps où dit-on l’oubli est impossible, par la volonté de google ? Peu importe. Ce qui compte ce sont les traces et ici elles font œuvre :

 

Le feu abstrait
d’elles
quels noms
a-t-il laissés   

 

et plus loin :

 

Proche alors
est la présence
en la perception
soudain
de la claire énigme

 

« Les mondes enchantés sont devant nous mais nous ne savons pas les voir car ils sont ensevelis ou endormis, et nous ne possédons pas le sésame pour les inventer ou les éveiller. Le vrai poète, lui, possède cette faculté quasi magique », écrivait Michel Marmin, en 2012, au sujet de Jacques Sommer. Cela est juste et dit clairement ce que sont cet oubli et cette trace.

 

Sur un autre livre récent de Jacques Sommer, Le meurtre, éditions Pierre-Guillaume de Roux, l’émission Un livre, un jour d’Olivier Barrot (France 3).

 

Pour faire connaissance avec les éditions Alexipharmaque :

http://alexipharmaque.eu/

 

De Jacques Sommer, on lira avec profit des proses parues dans le numéro 134 de la NRF (mars 1979) sous le titre La Mare.