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L’ouvreuse

 

(d’après un tableau de Hopper)

Lampe des salles obscures, elle introduit à l'opium véhément des images et déchire le ticket sans bien le vérifier : un regard de tolérance pour vos désirs d'évasion et elle disparaît.
Adossée contre le mur en retrait du balcon, elle a plongé dans la nuit, boude un écran qui l'ignore et songe à son Léon qui l'inquiète.
Yeux malades des jeux-vidéo jusqu'à point d'heure, consoles à mitraillette.
Entre deux séances, aller lui acheter de la bière à la cerise. Aurait dû m'écrire sa marque préférée.
N'écoute plus rien ; tant pis, son nom me reviendra une fois devant le rayon.
Tous ses grignoteurs affalés dans l'ombre et jetant leurs déchets. Rien qu'à les ramasser, nausée  de toutes les couleurs : des estomacs, des dents, des bouches, des appétits, des hommes.
Il y a trente ans que j'aurais dû quitter ce dépotoir.
A l'époque au moins, les déjantés avaient du style.
Cet Italien qui vous offrait toujours des cigarettes de luxe en vous fourrageant les seins du regard. Avec le projectionniste, des heures à parler du dernier de Sica. Mort à Hong-Kong renversé par. Une soirée sans doute trop arrosée. Pourquoi tant d'hommes si … qui ne veulent pas être sages ?