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Marie-Françoise Ghesquier, De tout bois si

Traductrice de formation, Marie-Françoise Ghesquier (qui a aussi signé Di Fraja) vit près de Chalon-sur-Saône. Elle écrit dans des revues (Décharge, Comme en Poésie, Traction Brabant, Nouveaux délits), et a publié trois recueils : Aux confins du printemps, À hauteur d’ombre et La parole comme un cristal de sel ((Encres Vives, 2013 ; Cardère, 2014 (photos de l’auteure et de Cathy Garcia) ; Cardère, 2016 (monotypes de l’auteure))). Un feu qui brûle par son absence et une condition hors-champ : ce titre singulier se retrouve dans le dernier vers d’un des poèmes – « je feu de tout bois si ».

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Marie-Françoise Ghesquier, De tout bois si,
Éditions Henry, 2017. 74 p., 8 €.

 La suspension finale demeure, tandis que l’ellipse du verbe accentue la revendication d’une liberté totale. On trouvera souvent ce jeconstruit en prise directe avec un groupe nominal ou un participe – jeau rebond des refus, je décliné jusqu’au noir, etc–, et des phrases qui se terminent dans le vide – Comment voulez-vous / que toute notion d’incarnat ?

Ces ellipses sont le point limite d’une écriture qui scinde / le sens et brasse des motifs à la tonalité surréaliste, à la langue constellée de mots obsédants (branchies, dupliqué) et de jeux sonores (cardée au myocarde, hameçon-âme son), parfois précieuse – l’éristale enclave la parole hélicoïdale– ou brisée jusqu’à la désarticulation :

 

Je louvoie parmi doutes assaillants       d’août

et fleurs furieusement

d’aucun ne voudrait

parole graminée        minée par dessous

 

La lecture peut buter sur ces passages étranges, mais ils sont vite perçus comme la seule voie laissée par le dire impossible.Jamais n’est rompu le fil qui nous relie à l’auteure aux prises avec la fragilité du corps et du cœur, en proie à la sensation aiguë de l’infini des possibles, et attentive à une nature vibrante. D’autant que sa poésie, fidèle au titre, est loin de se limiter à ces formes de déconstruction et de codage. Dans son kaléidoscope passe plus d’une image fluide – Je jette mes rêves comme des éclats de lune / entre les branches mortes. Et même cette plénitude fugitive si nourricière :

 

Parfois la libellule passe à travers

les jeux de lumière

 

Aiguille d’acier pour recoudre

les clartés déchirées

 

De fil en aiguille

                                                                                 au plus pur du bleu