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Martine Callu, Le Possible et autres poèmes

LE POSSIBLE

 

s’il n’y a pas d’oiseau pour l’emmener
où ira le vent levé
où se perdra l’âme égarée
allons camarades de la glèbe
ne trépassons pas trop tôt
ayons le courage d’arpenter le possible

 

 

CHARTRES

 

la Beauce ouverte au ciel mouvante exactitude des marcheurs dans l’ombre des églises closes
maintenant

quel blé quelle moisson

les sillons s’étouffent de tant d’appauvrissement

les pales des éoliennes trahissent le vol des ramiers

les bosquets transparents de tant de coupes peinent à tenir au chaud l’ombre du soleil

pas à pas la poussière

osant le ciel les deux épines de la cathédrale

ces pas si accordés ce sont ceux de Péguy qui nous dépasse il est déjà loin que nous sommes
encore à tarder

il n’a pas fini d’écarter ce qui retient

 

 

EPAULE RONDE

 

faut il que la colère s’enraye pour percevoir l’unité
fut ainsi la démarche
le soleil brille
la terre respire
les arbres croissent
les oiseaux s’envolent
faut il que marcher pas à pas apaise

le sentier lourd de haies pleines de mûres
que la cueillette soit que la confiture prenne

que le sens s’annonce dans la courbe

il y eut des épaules rondes

 

 

LA PREMIERE MARCHE

 

nous sommes sur la première marche
celle qui pèse

on a fait un remblai de cailloux de chiffons de glaise collante
de mots pour tenir l’ensemble
de mots écrits sur les planches
de mots dessinés à la craie
de mots pour le futur

debout sur la première marche

on arrivera peut être à monter sur la deuxième puis sur la troisième
dans l’espoir d’oser regarder qui penche

est-ce le Christ sur sa croix
ou l’ombre d’un bananier précoce

il y avait au carrefour un Calvaire entre deux arbres magnifiques
il n’en reste plus qu’un
l’autre est mort
desséché

mais sans espoir ni désespoir l’oiseau chante à l’unisson des syllabiques errances
quand l’aube jaillit pour plaire

 

 

SOLDAT

 

sen retourna
casque dorties blanches
les fleurs pourrissent vite
sen retourna
breton
le granit tient la route vers le ciel
dur

 

 

UN JOUR DE PRINTEMPS

 

la nappe brodée de soleil et d’air
tranchait sur le vert
ils s’y déposèrent en silence pour franchir l’inconnu paysage
s’y déposèrent de tous leurs os et tendons
de leur âme ils ignoraient qu’elle fut ce lieu de gravitation
ils ne savaient pas qu’ils avaient le droit de croire

un jour de printemps léger de lumière
ils allèrent sur la colline

la nappe si blanche brodée de soleil et d’air
tranchait sur le vert
ils s’y déposèrent en silence pour franchir l’inconnu paysage
s’y déposèrent de tous leurs os et tendons
de leur âme ils ignoraient qu’elle fût ce lieu de lévitation

le pain le vin partagèrent