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Michel Baglin, Dieu se moque des lèche-bottes

    Aucun genre littéraire ne laisse indifférent Michel Balgin : on connaissait le romancier, le nouvelliste, le poète, l'essayiste…, avec ce nouvel opus, Dieu se moque des lèche-bottes, on découvre l'auteur de théâtre puisque ce livre se donne pour une farce théâtrale.

    Quatre actes, quatorze scènes… Le dialogue est enlevé, l'humour est bien présent, chaque personnage a son parler original malgré les noms très généraux pour désigner quelqu'un en particulier (le SdF, le banquier, la femme, la religieuse) quand il ne s'agit pas d'entités abstraites comme l'Astropithèque ou la Synthèse…. Mais, face à Dieu, pouvait-il en être autrement ?

    Pas de didascalies : on sent que Michel Baglin est avant tout  l'homme des mots car il privilégie le dialogue à travers lequel il donne vie à ses personnages. Très rapidement, et je ne veux rien dévoiler de l'intrigue, le SdF se révèle être Dieu qui est venu incognito sur Terre pour étudier les résultats de sa création ! Le blasphème et l'intolérance s'expriment librement, non sans humour. Mais, mine de rien, Michel Baglin remet en cause, tout en les tournant en dérision, toutes les prescriptions de la religion (une invention des hommes, inscrite dans l'histoire), les dogmes comme  la réincarnation ou la mort. Et même le langage qui, avec ses mots, permet à l'homme de se poser des questions "métaphysiques" ; c'est jubilatoire.

    Tout passe au crible de la fantaisie de Baglin : le suicide, l'euthanasie (on a parfois l'impression de lire un catalogue des questions dites "sociétales" !). Il est sans pitié pour tout ce qui opprime l'homme, ce qui l'amène à faire preuve de tolérance à l'égard de celle (la religieuse) qui a bénéficié des largesses du mécréant (voir II, 5 qui est le moment fort de la démonstration de Michel Baglin). Il fait dire à l'un de ses personnages : "La charité est généralement surfaite : une manière de payer son salut". Mais voilà, tout est dans l'adverbe généralement. Dieu apparaît comme un personnage sympathique, l'antipathie s'abattant sur les prêtres et autres fonctionnaires des religions.

    Mais il est inutile de résumer cette farce. Il suffit de dire que Michel Baglin a une vision de poète des choses : n'affirme-t-il pas que "Personne n'est davantage en prise avec le monde que les poètes" ?  Il sait faire la différence entre les croyants dignes de respect et les croyances qui méritent son ire…

    Le chemin s'invente en marchant ; il n'y a pas de solution toute faite. Dieu, ce personnage plutôt libertaire, s'exclame vers la fin de la  farce : "La suite vous appartient". Tout est dit.