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Michel Dugué, Tous les fils dénoués

On pénètre toujours à pas feutrés dans l’œuvre de Michel Dugué. Rien d’abstrait, pourtant, dans son écriture. « L’air invisible a sa part de mystère ou d’hésitation », note le poète.  Il y a, dans ses textes,  des recoins, des chemins buissonniers, des embardées et des moments pour reprendre souffle. Mais toujours sous un ciel plutôt sombre. « Le sentier serpente au bord de la falaise. De loin on dirait la corde d’un pendu tant il est étroit, tant le vide qu’il côtoie est sans rémission ».

Michel Dugué vit dans la campagne rennaise et, de temps à autre, sur la côte trégoroise. A ses yeux – il nous le dit au fil des pages- s’offrent les ronces, les mimosas et les roses trémières. A son oreille parviennent les cris des mouettes, des pigeons ou des passereaux. Il y a, sous ses pieds, la lande ou le chemin empierré. Il y a, au-dessus de sa tête, « un ciel de cirrus ». Il y a, bien sûr, la pluie dans « ce ciel comblé de gris ». Il y a « les mots chuchotés/au bord de la table ».

Le poète en fait son miel. « On y décèle une attention particulière au paysage, à la lumière, à ses bruissements », notait le poète Jacques Josse à propos d’un de ses précédents ouvrages (Le jour contemporain, Folle Avoine, 1999). Michel Dugué le confirme dans ce nouveau livre au titre énigmatique (Tous les fils dénoués), inspiré d’une phrase de Pierre Reverdy : « Tous les fils dénoués au-delà des saisons reprennent leur tour et leur ton sur le fond sombre du silence ».

Saisons. Oui. Fond sombre. Oui, aussi,  de bout en bout, dans un livre où l’on découvre un auteur en quête de sérénité dans une fréquentation assidue de la nature. « De quelle erreur procédons-nous ou/de quel deuil ?/Pour soupirer ainsi/après les premières jonquilles ». Ailleurs il écrit : « Le ciel a véritablement une âme, celle amusante de l’écureuil dans son arbre. C’est un chant fredonné mezza voce. Il peut s’avérer secourable et rendre notre humeur enjouée ».

Mais la mort rôde (« le cri des ombres ») et, plus encore, la décrépitude. Dans le beau texte intitulé Nocturnes, qui clôt le livre, il y a des « yeux déshabités » et « le règne du désordre ». Evocation à demi mots – douloureuse - d’une fin de vie de quelqu’un de cher à l’auteur « marchant dans l’ombre/qui s’engrange ». Poignant