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Mots et chemins

 

Marie Desmaretz, meurtrie par la perte de son compagnon il y a quelques années, fait preuve d'une belle attention à la souffrance des autres dans ce petit recueil. Elle ne se referme pas sur son malheur (même si l'on ne fait jamais son deuil de l'être aimé) comme elle aurait pu le faire, car elle sait ce qu'est le malheur : aussi l'empathie qui traverse ces poèmes a-t-elle un rare accent de sincérité.

    Pas d'éclats de voix, pas de pitié aussi indécente qu'inutile, pas de posture pour attirer l'attention, mais la plus grande simplicité, une voix retenue, une approche patiente de la dureté de vivre… Ces courts poèmes vont à l'essentiel et c'est sans doute pour cela qu'ils vont droit au cœur du lecteur. On sait ce que dissimule mal l'expression convenue "longue maladie" ; Marie Desmaretz sait parler de celui qui souffre, avec des mots justes, sensibles et renouvelés: "Il se tient fatigué / au cœur d'un vieux pays / qu'il ne reconnaît plus / et qui l'abandonne". Avec peu ("la fissure du temps" ou "la lumière s'efface"), dans l'union des contraires ("Comme un galet glacé / au cœur du fruit"), elle dit pudiquement la nuit qui enveloppe celui qui lutte contre la mort. Mais cela ne va pas sans rayons de lumière car le désir ne déserte pas le lutteur qui veut "retrouver dans le feu / l'éternelle étincelle". Cette suite de poèmes est comme un journal de combat contre le désespoir où reprennent toute leur importance l'être aimé avec qui on partage ses jours, l'enfance qui est toujours là, l'obstination à vivre…  Si le souvenir est "un buisson de lèvres et d'épines", il n'est pas moins invitation à profiter de la présence de l'autre. Et la poésie sert alors à nommer l'essentiel.

    Mais demeure cette question qu'on se pose, le recueil refermé, pourquoi faut-il que l'on sache enfin tout cela au prix du malheur et alors qu'il reste parfois si peu à vivre ?