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NEIGES

 

I

Une pluie d’automne
s’abat sur Paris
ce soir du début d’octobre
et les feuilles d’un arbre
pris entre les pavés
tombent d’un coup dans la nuit
comme les flocons dorés
des hivers anciens.

II

Que se passerait-il si se produisait
le silence — une nuit une neige
la lumière accrue ?

La lune de l’hiver était noire et avec
le froid les étoiles semblaient briller
plus intensément que d’habitude.

Le vent n’agitait plus que faiblement
les branches des arbres.
On n’entendait pas d’autres bruits
en cette heure tardive
que les cris de quelques bêtes.

Le lendemain matin j’espérais la neige :
le ciel, traversé de nuages légers
diffusait cette lumière propre à l’hiver.

Il tomba bien quelques flocons — mais épars,
comme les mots des paroles solitaires —
et avant même que blanchissent les flaques
gelées une pluie s’est mêlée à la neige.

III

Voici maintenant la première neige :
ce saule qui de ses feuilles protège
encore la terre et abrite ses odeurs
saura-t-il pour l’enfant de l’été tardif
être sa paume de sommeil et d’abondance ?

IV

Quelques brins d’herbe jaune éparpillés
sous la lumière couleur de gui : l’équivalent
des flocons de neige bientôt changés en pluie.

L’heure tourne. Le nuage qui se déchire
laisse paraître un rien de bleu entendre
l’un au nord, l’autre au sud, un avion, un oiseau.

V

Que sont nos joies quand nous ne devons nos peines
qu’au vide ? Où est l’espoir sinon dans la neige
qui tombe avant l’aube et couvre lentement
rues, quais, rails, chemins, arbres et toits – la neige
qui se soulève au passage du train
et se mêle à la fumée du feu qui couve
dans le jardin triste où dorment les plantes ?
Où est l’espoir sinon dans cette eau de rivière
devenue verte par l’effet du ciel
qui s’éclaircit et de février qui s’achève ?

VI

Ses mots, ses phrases traduisent l’égarement
la perte ; sortant de l’hôpital on entend
un carillon qui sonne à un clocher : trois notes
un soir dans la ville indifférente et noire.

Un soir – le premier soir de la fin de l’hiver –
monte ce sentiment impossible à nommer
– en marchant le long d’un jardin quand change
après les pluies la lumière à l’horizon
des toits, des arbres – qu’il y a des signes :
pourquoi un instant s’avivent les odeurs,
s’assemblent reflets et feux – tant de vigueur animale ?

Lumières blanches dans la nuit absolument
noire : ce premier jour de mars tombe une neige
fragile. Que les conversations s’interrompent
qu’un peu de silence accompagne ce silence
des flocons – fragments de nuage entre ciel et terre.

(Comme des larmes coulent jusque dans les rêves.)

VII

Cette année
c’est sous une étrange lumière – une absence
en fait de lumière que le cerisier
fleurit : un ciel gris, un brouillard d’étuve
mais froid comme si allait tomber une neige
grise et le soir quand le ciel s’assombrit
c’est depuis les fleurs que se déploie la lumière.