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Nouveaux poèmes d’Elie-Charles Flamand

 

 

DÉPLOIEMENT

 

La tête en espoir de fulgurance
Est penchée sur l’implacable ouvrage
Dans la chambre que réchauffe parfois
Le foyer de la rigueur

Au plus près d’une haute couleur
Se glane la faveur des repères
Qui s’échappent de la toute-présence opalescente
Recouvrant l’arrogance du réel

Mais une partie du vieux rebord
– Défense contre les ténèbres pourtant à défricher
Puis à déchiffrer peu à peu –
Vient d’être dissoute par l’eau stellaire

Alors à la proue de toi
Les plus vulnérables certitudes tombent en poussière
Disséminée sur l’océan des mondes
Les nuages des journées blanches se déchirent
Et dans la trouée les cieux s’enroulent
Autour de la perle du feu suprême
Enfouie au centre du silence

 

 

 

L’AUBE INVERSÉE

 

Adoucissements et frissons
Entours qui s’effacent peu à peu

Nos défaveurs vont-elles aller en s’amplifiant
Dans le jour corrodé
Alors que le crépuscule tisse sa toile ?

On s’attarde sur la margelle de l’ombre
Et la nuitée pointe son mufle
Or même si l’incertain menace
D’englober toute délectation
Nous voyons s’entrouvrir avec délicatesse
L’huis de l’envers
Et l’écart pacifié nous tendre
Une main satinée

À la brune nos désirs sont affinés par le gris
Et dans l’aura d’une lampe
Vite couronnée par des phalènes
Viennent fusionner pour impulser un élan novateur
Les très adverses reflets

Mais déjà aux profondeurs nigrescentes des forêts
Les mystères affûtent leurs questions

 

 

NON À LA SUPPLIQUE DU RETOUR

 

Il n’est pas trop tard pour briser
La serrure qui depuis si longtemps verrouillait
L’enceinte surmontée de piques ensanglantées
Emprisonnant les effluves des bienfaits
Ils s’impatientaient déjà prêts à jaillir
Sur ces journées croupissantes

Ne t’assoupis pas la vivacité n’est pas tarie
Ni les routes escarpées vers le regain
Tendresse d’un destin tissé pourtant d’alertes

Ouvre ta paume à la rosée de la patiente
Nue étoilée
À fleur de souffrance et de contraintes
Évince les tumultes saccadés
Malgré leurs attraits vite devenus délétères

Les prévenances enserrées dans des lambris d’opaline
Ne sont plus hors de portée
Transfigure leurs fluctuations en passe-temps

Désormais tu as droit à une aide vigilante
Celle de l’invisible compagnon

 

 

 

DÉCISIF

 

Toujours mal étreinte l’énigme de vie
Ne se consume pas même à l’approche des faîtes
Et ces faits s’engravent dans la fange du mutisme
Ou s’éparpillent lorsqu’advient
La déflagration de soudaines idées

Feuille qui offre son jaune ardent
L’automne agence ses retraites poignantes
L’hiver arrache parmi les fumées des copeaux à sa saison
Le printemps construit une chape qui frissonne de surabondance
L’été croise des lames fulgurantes
Sa coupe caniculaire déborde
D’une écume qui m’éclabousse
Alors qu’en tout temps la mort bouscule son contraire

Cesse d’errer d’effleurer les aspérités des discordances
Tourne désormais ton regard vers l’ici
Qui concentre des vastitudes
Et jumelle-le avec un maintenant
Ruisselant de définitives succulences

 

 

 

L’ATTENTION IMMÉDIATE

 

La pente s’est inversée
Et le campanile de la quiétude resurgit
Les formes pétrifiées se mettent à trépider
Elles secouent leurs hardes de tristesse

Voici donc que la coquille du sommeil
Maintenant brisée laisse se répandre
Des prodiges opportuns

Le surcroît sèchement retombe
Lui aussi s’est usé contre l’immobile
Pourtant un âge fastueux reste entier
Il se blottit dans la souplesse de plénitude
Et à la dérobée il se rapproche d’un très aimable désert

Ce qui doit paraître dans la grotte centrale
Surmontée d’une tour qui grandit
Aura la netteté du tranchant en alerte
Épée de soleil pour essarter nos nuits
Les plus intensément ténébreuses

Plonge sous la surface d’une délivrance peut-être éphémère
Pour échapper aux harpons des apothéoses qui s’étiolent
Et dont les dégâts empreints d’événements racornis
Lèchent les blessures portées par la fausse lumière
Se décomposant car nouée à l’ombre
Alors que l’orage ploie la destinée

Force reste à la part qui amplifie nos lendemains
Et défie les solennités se retenant aux brises les plus ténues
Tandis que le tourbillon des bonheurs farouches
Danse sur l’esplanade érigée à la lisière des tourments
L’abrupt redoublera l’audace de ces escalades
Dans la brume que tisse l’esseulement

Au bas des murailles de plomb
Rampe le ruisselet des instants lucides

Se porter au-devant de soi-même
C’est détruire le château en sable des illusions contraignantes
Et s’inventer et se réinventer

 

 

 

 

 

 

 

 

L’AVÈNEMENT DU HAUT LANGAGE

 

Le cortège de la tribulation se fige
Les mots encor robustes s’en échappent
Et s’élancent d’abord vers des friches nonchalantes
Avant de s’abandonner à l’effusion des attraits
Les mettant sur les traces d’un bouquet de cristallisations
Limpidité en plénitudes
Éclairs qui perdurent

Arrivés au terme de la résurgence
Les penchants s’embrasent

Dans la clairière où tout est calme
La torpeur s’est déchirée
Entends de lointaines paroles qui se rapprochent
Elles tremblent puis se raffermissent dans le dessein
D’édifier un sanctuaire fragile
Ainsi l’on pourra célébrer la parole de l’éveil

La coupole vibre et s’entrouvre
Pour laisser place à l’irradiation des signes séculaires
Sondant l’immensité dont une goutte de rosée
– Semence céleste
Foyer qui jamais ne s’éteindra –
Tombe et fervemment se disperse

 

 

JUSTIFIER L’ÉNIGME

 

                                                                                  Geheimnisse sind Nahrungsmittel

                                                                                  – inzitierende Potenzen (1). NOVALIS

 

En ma présence le mal arrache la rambarde
Qui empêchait certains corps agiles
De se noyer dans le bourbier grimaçant de la détresse
Oui mais le souffle de l’attente finit par guider mon allure
Vers les limites où parfois s’animent
Diverses formes légères mais rapidement ascendantes

Le vantail du printemps s’écartait moins qu’à demi
Et déversait le rai de ces MYSTÈRES d’abord tant dédaignés
Un socle qu’affermit pourtant un bien terne assentiment
De là ils s’en vont rallumer trop peu souvent les fanaux
Disposés de très loin en trop loin
Par un siècle déjà fort obscurci

Le mont érige ses certitudes
Témoin tu le gravis lourdement
En t’accrochant aux seules branches vives
Près de tes pieds se creuse le précipice au fond phosphorique et nuageux
Qui se complaît à surélever encor
L’indiscernable sommet

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(1) Les mystères sont des nourritures – des puissances d’incitation.

 

Signalons, du même auteur, la récente publication d'UN STRELITZIA MONTE DE L'ENTREFAITE, aux éditions de La lucarne ovale, dont Recours au poème rendra compte prochainement.