Bonnes feuilles PO&PSY : Gerald Vizenor, Ouladzimir Stsiapan, Guilhem Fabre

Gerald VIZENOR, Champ libre

 

Les 60 poèmes présentés ici en version bilingue, écrits en 2024 à la demande de po&psy sont une première édition y compris dans leur langue originale.

Gerald Vizenor est le plus prolifique des écrivains amérindiens contemporains. Il a publié plus de trente ouvrages dans tous les genres : nouvelles, romans, essais, pièces de théâtre, poésies et critiques d’art, ainsi qu’une anthologie de son propre travail. Il est également le principal rédacteur de la Constitution de la nation White Earth. Deux fois lauréat de l’American Book Award (1988 et 2011), ses réalisations ont été reconnues par de nombreuses distinctions prestigieuses. Mais son influence considérable dépasse le domaine des études littéraires amérindiennes. Les discours publics et universitaires sont imprégnés de sa théorie de l’expérience amérindienne, et une grande partie de cette théorisation peut être attribuée à sa biographie.

Né à Minneapolis le 22 octobre 1934, son père anishinaabe a été assassiné alors que Gerald Vizenor avait à peine deux ans, ce qui l’a amené à passer des années entre la maison de sa grand-mère paternelle sur la réserve de White Earth, les familles d’accueil et les périodes de vie avec sa mère, une Américaine suédoise de troisième génération. Cet environnement a permis à Vizenor de se familiariser avec la vie en tant que personne d’ascendance mixte : une identité post-indienne qui, dans son œuvre, est en tension avec le stéréotype colonialiste de "l’Indien".

Gerald Vizenor, Champ libre, Poèmes imagistes inspirés des « chants de rêve » anishinaabe. (Titre original : Chance of liberty. Native Imagistic Dream Songs) Traduit de l'anglais (E.U.) par Marie Cayol Dessins de Pierre Cayol, po&psy princeps,  88 pages, 15 €

La puissante influence de la culture anishinaabe de sa grand-mère a produit dans ses écrits non seulement le trope caractéristique du trickster mythique1, ainsi que des histoires traditionnelles « réexprimées », mais aussi des concepts tels que la « survivance », les « manières manifestes », les « croyances terminales », la « présence autochtone » et la transmission qui informent à la fois ses écrits et les approches scientifiques.

L’expérience historique des autochtones, que Vizenor connaît bien grâce à son activité au sein de la communauté, est à la base de ces concepts, mais ses écrits se caractérisent également par une densité théorique qui reflète son statut universitaire : il est professeur émérite de l’université de Californie à Berkeley et de l’université du Nouveau-Mexique.

 

Extraits :

 

feuillages flamboyants
érable rouge et bouleau
danseurs de l’ombre
rebondissant sur les fenêtres
rumeurs d’octobre

*

grand incendie de septembre
natifs au lac bakegamaa
cendres d’histoires de cœur
prédateur et proie
poursuite du silence

*

loups au loin
hurlant dans les pins blancs
pratique de coureurs des bois
se moquant des cris du castor
ballots de fourrures

*

les magnats du bois
ont abattu des forêts de pins
pays de souches
outrepassant l’éclaircissement
mercenaires en hauts-de-forme

*

fantômes de neige
avalanche de paroles suicidaires
insaisissable attrait de la honte
cavaliers natifs solitaires
sauvés par la dérision

*

ceux-qui-jouent-des-tours1
crient et ne grimacent jamais
maîtres des trous de panique
nourrissant les prairies
tombes de misère

*

éolienne rouillée
prise dans un orage
toute la nuit à grincer
ferme abandonnée
souvenirs solitaires

*

des canards colverts
filent sur les eaux gelées de la baie
devant des cabanes de glace
histoires d’appâts et de poissons
à l’amarrage sur le rivage

*

corbeaux d’amérique
se pavanant dans les ruelles
toute la nuit rebuts de restaurant
air de grands seigneurs
tapageuses rave-parties

*

épouvantail dépenaillé
leurre de service dans un champ de maïs
tiges et panicules
des corbeaux sur ses épaules
se moquent pas mal de la peur

*

la lune toute entière
prise dans un nuage de pluie
lentement s’en dégage
ceux-qui-jouent-des-tours
cherchent la lumière

*

empreintes de pas matinales
enfants et châteaux de sable
traces de récits de création
effacées pendant la nuit
bruissement de jusant

*

des phalènes
ricochent dans les lanternes en papier
inclinaison des lumières de jardin
simulacre de lever de soleil
faveurs d’une nuit 

*

vent froid
un rush de feuilles sèches
se répand sur le kiosque à musique
souvenirs d’été
danseurs retardataires

*

les journaux
empilés sous la baie vitrée
gros titres
élections et économies
haussent le chat noir 

*

des feuilles d’érables
gelées l’hiver dernier
brillent dans la glace claire
premières à s’épanouir
cycles de la mémoire

*

rafales de vent
fleurs blanches de prunier
décorant le jardin
rangées de fanes de radis
prestige de l’élégance

*

éolienne délabrée
des corbeaux atterrissent sur les pales
légers battements d’ailes
se moquant du dernier mouvement
souvenirs d’une ferme

*

taons vigoureux
piégés dans une toile d’araignée
suspendue au-dessus d’une selle western
rênes de nostalgie
corral abandonné

***

Ouladzimir Stsiapan, Mouettes au-dessus de Minsk

 

Ouladzimir Stsiapan, né en 1958 à Kastsioukowka, en Biélorussie, est un artiste, écrivain, poète et journaliste  biélorusse. Diplômé de l’École des Arts de А. Hlebaw, puis de l’Académie des Arts de Biélorussie, il a pratiqué le graphisme de livres. Pendant presque 20 ans, il a travaillé pour la télévision biélorusse à la rédaction des programmes littéraires et dramaturgiques, en tant que rédacteur en chef, auteur de programmes, présentateur, scénariste de documentaires et de longs métrages. Depuis ses études, Stsiapan s’adonne à la création littéraire. Il a débuté avec des poèmes qui sont parus dès 1982 dans l’hebdomadaire “La littérature et l’art”, puis dans toutes les revues littéraires biélorusses et dans quelques recueils collectifs. Le présent recueil de haïkus est paru en 2018 dans “La petite bibliothèque” du magazine Le Verbe. Aujourd’hui, Ouladzimir Stsiapan est surtout connu comme un maître de la prose. Il est l’auteur de recueils de nouvelles, dont certains ont été primés, et de deux romans. Sa prose et ses poèmes ont été traduits vers le russe, l’ukrainien, l’anglais, l’allemand.

Ouladzimir Stsiapan, Mouettes au-dessus de Minsk, traduit du biélorusse par Danièle Faugeras et Yana Hultsiayeva, po&psy princeps, 90 pages, 15€

Extraits :

Comme au-dessus de la mer,
des mouettes au-dessus de Minsk crient…
Début de printemps.

*

Le premier du parc
à verdir, le monument
de bronze au poète.

*

Il est empilé 
le vieux bouleau... Mais
le nichoir, on va le mettre où ?

*

Sur la vitre embuée 
je mets ma signature. Comme si
j’avais peint le parc moi-même.

*

Si chaude, la pluie
que sur les barbelés poussent
des petites feuilles.

*

Cerisier en fleurs.
Du côté ensoleillé
du nouveau cimetière.

*

C’est peut-être vrai
que sous les cerisiers blancs
l’âme s’éclaircit…

*

Je marche sur l’avenue 
en évitant les lombrics…
Averse d’avril.

*

Il y a des photos
où on dirait que je suis de trop...
Surtout celles de mer.

*

Inimaginable...
Ce chêne gigantesque et moi
nous sommes du même âge.

*

Sable chaud,
eau fraîche – besoin
de si peu.

*

Je me réveille…
Le verger me regarde
avec ses yeux de pommes.

*

Dans le brouillard dense
le voisin porte des seaux
de transparentes blanches.

 *

D’une croix à l’autre 
il vole ça et là, l’oiseau.
Pas de quoi s’ennuyer.

*

Cadenas rouillé, 
de qui donc protèges-tu
la maison détruite ?

*

Dans la vieille armoire
des cintres vides – épaules nues
libres et tristes.

*

Doucement tombe la neige.
Transformant les barbelés
en guirlandes de Noël.

***

Guilhem FABRE, Instants éternels

 Guilhem FABRE est sinologue, coordinateur de Révo.cul dans la Chine pop. : anthologie de la presse des gardes rouges, 1966-1967 (Éd. 10/18, Paris, 1974) et traducteur avec Huang San de deux romans de Yu Luojin, Le nouveau conte d’hiver et Conte de printemps (Christian Bourgois, 1982 et 1984).

Il a aussi traduit les poèmes choisis de Liu Hongbin (Un jour dans les jours, Ed Albertine, 2008) et de Liu Xiaobo (Vivre dans la vérité, Gallimard, 2012 ; Elégies du 4 Juin, Gallimard, 2014).

Ses écrits comprennent un tarot poétique illustré par Marq Tardy, L’empire de l’invisible, 2009, et plusieurs recueils de poèmes : Calculs de la poussière (2016), aux éditions L’Atelier du Grand Tétras et, aux éditions Phloème : Le dit de la grande peur (2017), Ciel de faim, (2018), Entre chien et loup (2019), Le Temps des vents (2021), L’homme au regard de soie, avec des encres de François Bossière (2023).

En revues sont parus : « De la stratégie inspirée », dans Caravanes, n°6, Éd. Phébus, 1997 ; « Territoires de la nuit », dans Action poétique n°198, décembre 2009 ; « Des nuits abandonnées », dans Voix d’encre n°54, mars 2016.

***

4ème de couv.

La poésie chinoise est au cœur d’une civilisation qui s’est perpétuée par les signes, en l’absence de monuments antiques. Instants Éternels rassemble les poèmes les plus connus, et détaille pour la première fois les usages contemporains des vers ou des quatrains célèbres, qui ont assuré leur transmission au fil des siècles.

La fréquentation assidue du terrain et des sources a permis de replacer les textes dans leur contexte, en dessinant une galerie de portraits qui incarnent l’histoire de la Chine à travers 56 de ses créateurs préférés, surtout les poètes des dynasties Tang et Song, du VIIe au XIIIe siècle.

Guilhem FABRE, Instants éternels,  Cent et quelques poèmes connus par cœur en Chine présentés et traduits par l'auteur - poèmes en édition bilingue photographie de YANG Yongliang po&psy a parte, 424 pages, 35 €.

La traduction tente de recréer le flux et la vitalité des images portées par le tracé dense des caractères chinois qui sont placés en vis à vis. Elle s’attache à recréer l’effet du poème original dans un poème français à part entière.

Extraits :

Tao Yuanming (352 ou 365-427)
Le retour à la terre

J’ai semé des pois sous les monts du sud
L’herbe est foisonnante mais les plants épars
Dès l’aube debout à débroussailler
Je rentre à la lune la houe à l’épaule
La voie rétrécit dans l’épaisse verdure
La rosée du soir mouille mes vêtements
Mais qu’importe d’avoir mes vêtements mouillés
Pourvu que je vive selon mon souhait

Zhang Jiuling (678-740)
Rêveries au clair de lune

Le clair de lune se lève sur la mer
Ce moment partagé à l’autre bout du monde
Quand les amants en veulent à cette longue nuit
Qui soulève sans fin leurs pensées l’un pour l’autre
La chandelle s’éteint une clarté aimante envahit l’air
Je couvre mes épaules ressentant la rosée
Et n’osant vous offrir ces mains pleines de lumière
Je vais me rendormir pour des rêves de beauté

Wang Wei (700-761)
La villa des Monts Zhongnan

Au milieu des années j’ai pris goût à la voie
Et au soir de ma vie j’habite les Fronts du sud
Souvent l’envie me prend de partir solitaire
Vers des merveilles dont j’ai seul le secret
Mes pas m’amènent jusqu’aux limites des eaux
Où assis je contemple l’ascension des nuages
Dans la forêt je tombe sur un vieillard
Et devise gaiement sans songer au retour

  

Li Baï (701-762)
         Pensées d’une nuit calme

La lune brille devant mon lit
Comme si le sol était de givre
Levant la tête je la contemple
Baissant la tête je songe à mon pays

 

 Du Fu (712-770)
Pluie de joie dans la nuit printanière

La bonne pluie sait la saison
Elle arrive avec le printemps
Suivant le vent elle se glisse dans la nuit
Mouillant sans bruit en douceur toutes choses
Les sentes sauvages se perdent dans le noir des nuages
Seule lumière les feux d’un bateau sur le fleuve
L’aube verra ces lieux baignés de rouge
Les fleurs s’alourdiront par la Cité des soies

Li Yi (748-829)
À peine réjoui de revoir un cousin nous parlons du départ   

Séparés dix années par les troubles
Adultes nous voilà face à face
Surpris de nous voir le même nom
Nos prénoms nous rappellent nos anciens visages
Sur l’océan du monde depuis notre départ
Les langues se délient jusque tard dans la nuit
Demain je reprendrai le chemin de Baling
Dans l’automne des monts combien restent à franchir ?

Li Shangyin (812-858)
Sans titre

Il est dur de se trouver dur aussi de se quitter
Le vent d’est a faibli les cents fleurs sont fanées
Au printemps le vers à soie jusqu’à la mort tisse son fil
La flamme de la bougie devient cendre avant que ses larmes ne sèchent
Miroir de l’aube reflétant la tristesse de ses cheveux changés
Chants de la nuit gagnés par la froideur du clair de lune
Du Mont des immortels la route n’est plus longue
Oiseau bleu prévenant explore-la pour nous

 Li Yu (937-978)
La joie de se revoir

Seul tu montes sans un mot au Pavillon de l'ouest la lune est comme un croc  
Dans le fond de la cour le platane solitaire enferme l'automne clair
Couper sans pouvoir séparer et ranger quand revient le désordre telle est la douleur de la perte
La séparation a cette saveur qui vous reste sur le cœur

Su Dongpo (1037-1101)
Sur l’air « La ville au bord du fleuve »

                      Souvenir d’un rêve, dans la nuit du 20e jour du premier mois de l’année, yi mao (1075)
Dix ans déjà que la mort nous sépare une immensité noire
Je n’ai pas réfléchi mais n’ai pu oublier
Ta tombe solitaire à mille lieues d’ici
Et nulle part où parler de ma peine
À présent si nous nous retrouvions nous ne saurions nous reconnaître
Ton visage s’est couvert de poussière et mes cheveux de givre
Cette nuit j’ai rêvé que j’étais de retour au pays
À la fenêtre de ta chambrette tu te peignais te maquillais
Nous nous regardions sans un mot
Seuls coulaient des flots de larmes
Je vois déjà le lieu année après année où se brise mon cœur
Ta tombe au clair de lune le tertre de jeunes pins

 

Xin Qiji (1140-1207)
Sur l’air « La laideur de l’esclave »

Jeune je ne connaissais pas le goût de la tristesse
J’aimais monter jusqu’au dernier étage
J’aimais monter jusqu’au dernier étage
Pour composer des poèmes chantés me forçais à parler de tristesse

À présent j’ai touché le fond de la tristesse
Et je voudrais parler mais rien ne sort de moi
Je voudrais parler mais rien ne sort de moi
Si ce n’est : « Quel automne glacé ! »

Wen Tianxiang (1236-1283)
En traversant la Mer Solitaire

Tant d’épreuves traversées depuis mes études classiques
La solitude des combats sur quatre années de firmament
Monts et fleuves brisés chatons de saule dans le vent
La vie se fait flottante la pluie martèle les lentilles d’eau
Sur la plage de l’Effroi je parle de frayeur
Par la Mer Solitaire soupire de solitude
Si dans la vie humaine depuis la nuit des temps nul n’échappe à la mort
Autant laisser son cœur loyal briller dans les Annales

Note

  1. Le trickster mythique ("celui-qui-joue-des-tours"), Nanabozo, incarne la vie et possède le pouvoir de la créer dans les autres êtres. Son sexe n'est pas défini et il apparaît parfois sous des traits féminins. On peut le trouver également sous l'apparence d'autres animaux tels que le corbeau ou le coyote. Comme toutes les figures mythologiques de type trickster, il est souvent réputé pour son insatiable appétit pour la nourriture et pour sa sexualité débridée. Ainsi, il offre un personnage paradoxal : il est tantôt un puissant bienfaiteur, tantôt un fou farceur et obscène.

     




Mes tchastouchki

A la fin de  mes études de russe et au début de ma carrière d’enseignant j’ai eu l’occasion de passer quatre années en URSS ( d’abord une année comme étudiant  en 1967/1968,  puis  trois  années comme assistant – lecteur de français  de 1971 à 1974 à des époques – charnières : la fin du « dégel »  et le début de la « stagnation ». 

Passionné de chant  populaire, de chanson traditionnelle et de tradition orale en général, j’ai découvert sur place à la fois le poids de la culture de masse soviétique et la richesse des contre -cultures ou cultures parallèles, orales : chanson d’auteur/mouvement dit des «  bardes  », les « blatnyie  pésni » ou chants de mauvais garçons/chants du goulag ou encore les « tchastouchki ». Ainsi me suis-je attaché à traduire des poèmes/chants de ces trois genres ainsi que des chansons  dites « soviétiques ».          

Art modeste ou mineur pour certains, expression originale des émotions et des préoccupations de la population pour d’autres, les tchastouchki dans leur forme très rigide actuelle sont des quatrains de vers de 6 à 8 pieds, au rythme surtout trochaïque, aux rimes ABAB, parfois AABB, riches en assonances et allitérations.

 Ces quatrains lyriques, satiriques, émouvants ou facétieux, naïfs ou sarcastiques, parfois franchement grivois, - toujours savoureux - seraient apparus dans les campagnes russes au milieu du XIX. Ils ont vite gagné la ville et sont toujours vivants aujourd’hui, reflet de l’actualité, miroir de l’époque. Il est important de le souligner : l’héroïne des  tchastouchki, celle qui s’exprime,  est en grande majorité – la jeune fille, la femme.

Ce choix de quelques textes tirés de la centaine de tchastouchki, allant  du milieu du XIXè siècle  à ...Gorbatchev,  reflète leur diversité et leur richesse. Il est destiné à un public franco-russe et russo-français - incluant, bien entendu, élèves et étudiants -  amateurs de poésie, de chanson et de tradition orale en général.

∗∗∗

On n’peut pas vivre sans chansonnette…

1.

Без частушки не прожить -
Говорю вам точно я.
Выходи нас веселить,
Эх четыресрочная!

2.

Всё в частушке отразится:
Новый день и старый век.
Словно в зеркальце, глядится
В неё каждый человек!

3.

Мы частушек много знаем
И хороших и плохих.
Интересно тем послушать,
Кто не знает никаких

4.

Я частушку на частушку,   
Как на ниточку, вяжу.
Ты досказывай, подружка,
Если я не доскажу. 

5.

С неба звёздочка упала,
Закатилась прямо в пыль,
Если голос потеряю,
То подамся в монастырь.

5 bis.

Начинаю припевать
Первую, начальную.
Я хочу развеселить
Публику печальную!

 

 

1.

On n’peut pas vivre sans chansonnette -
Ici je vous le dis tout net.
Apporte-nous joie et entrain
Toi, hardi et fier quatrain !

2.

Elle parle de tout la chansonnette :
D’hier, d’aujourd’hui, de demain.
Tel un miroir elle reflète
Joies et soucis de chacun !

3.

On connaît plein de couplets
Des mauvais, des réussis.
Ouvrez
l’oreille, écoutez,
Vous allez les  découvrir !

4.

Les couplets, je les enfile
Comme sur un fil à mon cou,
Prends le relai, toi, Lucille,
Si ma mémoire a un trou !

5.

Une étoile, du ciel tombée
A roulé dans la poussière.
Moi, si je  n’peux plus chanter
J’finirai au monastère !

5bis.

Je commence à fredonner
La première de la liste :
De la joie je veux donner -
Que les gens ne soient pas tristes !

Tout va bien, tout va bien à la ferme du voisin...

6.

Вы послушайте, ребята, 
Нескладуху будем петь:
На дубу коза пасётся, 
В бане парится медведь.   

 Припев :

Здорово, здорово
У ворот Егорова. 
А у наших, у ворот, 
Всё идёт наоборот. 

7

По реке плывёт корова, 
Обогнала пароход. 
На рогах сидит ворона 
И соломинкой гребёт. 

8

Сидит ёжик на берёзе,
Новая рубашечка, 
На головке сапожок, 
На ноге фуражечка.  

9.

Черти вилами поели 
Из баранины уху. 
Не пора ли нам, ребята,
Да закончить чепуху ?

6.

Écoutez donc les sornettes
Que nous allons vous chanter :
Sur un chêne broute la biquette,
Et au bain l’ours s’est lavé.        

Refrain :

Tout va bien, tout va bien
A  la ferme du voisin,
Dans la notre, au contraire,
Les choses vont tout de travers !

7.

Dans l’eau nage la Rosette,
Elle dépasse un bateau,
Sur sa tête il y a une chouette,
Qui rame avec un roseau.

8.

Sur l’bouleau le hérisson
Porte un nouveau manteau,
Une botte sur la tête,
Et, à la patte, un chapeau !

9.

Avec leur fourche les diables
Mangent un ragoût de mouton.
Il serait peut- être temps
D’arrêter nos boniments ?

 

Brin de paille, brin de blé…

10.

Ой, солома, ты солома,                      
Ты солома белая,                               
Не рассказывай, солома,                   
Что я в девках делала.       

11.

Что ты, белая берёзка,-
Ветру нет а ты шумишь?..
Что, ретивое сердечко, -
Горя нет, а ты болишь?..

12.

Полем шел- милка жала
Серебристенький овёс.
Заунывшу песню пела –
Довела меня до слёз!

13.

Мою белую берёзку
Ветром распороло
Мово милого дружка
Жорновом смололо!

14.

Я посею в поле маку,
По цветочку буду рвать...
Я из армии милого<
По денечку буду ждать.

15. 

Сидит кошка на окошке –
Белолапенький коток...
Подарила я милёнку
Беловышитый платок.

16.

Не  ходите, девки, в лес -
Комары кусаются. 
А на тех, кто краше всех,
Пуще всех бросаются.

17.

Дайте кисти, дайте краски
Живопиской буду я:
Спишу с милого я глазки
И оставлю для себя!

18.

Мой милёнок далеко
Далеко за рубежом.
«Милый имечко твоё
На сердце вырежу ножом!»

19.

Cамолёт летит
А под ним вода.
Уехал миленький
И не сказал — куда.

20.

Ой гора, гора
А под горой ручей.
Проводил меня,
Сама не знаю — чей?

25.

Девушки, зима- не лето,
Не насадишь огурцов.
Видно, нечего надеяться *
На наших молодцов!

10.

Brin de paille, brin de blé
Toi la blanche brindille, 
Ne t’en vas pas raconter
Mes frasques de jeune fille…

11.

Toi, mon bouleau, bouleau blanc,
Y a pas d’vent et tu frémis?..
Toi, mon petit cœur ardent
T’as pas d’ peine et tu gémis?.. 

12.

Aux champs mon aimée je croise,
Fauchant l’avoine argentée.
Un chant si triste elle entonne –
J’en aurais presque pleuré !

13.

Mon bouleau, mon bouleau blanc -
Le vent t’a bien fouetté ! 
Mon amant, mon bel amant –
La meule t’a bien broyé !  

14.

Du pavot, moi, je sèmerai,
Le cueill’rai fleur après fleur…
De l’armée, moi, j’attendrai
Son retour, jour après jour.

15.

A la fenêtre dort minet,
Petit chat aux pattes blanches.
J’ai offert à mon aimé
Un  mouchoir de blanc brodé.

16.

Les filles, n’allez pas au bois :
Y a trop de moustiques.
Sur les plus belles qu’ils voient
Ils se jettent, ils les piquent.

17. 

Être artiste, moi, je veux,
Vite un pinceau, des couleurs !
Je croquerai  tes  doux yeux, 
Les garderai sur mon cœur. 

18.

Il est parti, mon mignon
Loin, loin, à l’étranger.
« Avec un couteau, ton nom
Sur mon cœur, je vais graver ! »

19.

Un avion volait 
Au dessus de l’eau.
Lui s’en est allé
Sans me dire un mot !

20.

Au pied d’la montagne
S’écoule un torrent.
On me raccompagne -
Est-ce Paul ou Laurent?

25.

L’hiver c’est pas l’été, les filles –
On plante pas les cornichons.
C’est clair :  y a rien à attendre
De tous nos fichus garçons ! 

Si les demoiselles étaient des poissons...

26.

Если б девочки
Были рыбами,
За ними мальчики
В воду прыгали.                           

28.

Всё бы пела, всё бы пела
Всё бы веселилася.
К миленкину характеру
Насилу применилася.

29.

Я в Иванове была,
Себе юбку добыла:
Тут прореха, тут дыра…
Зато в Иванове была!

30. 

Меня дроля провожал
Очень осторожно:
Один раз поцеловал
Из десяти возможных !

31.

Изменил- так наплевать,
Не стану уговаривать,
С малых лет я научилась
Дураков обманывать!

32.

У меня милёнка два:
Забулдыга да балда.
Забулдыга редко ходит
А балда-то никогда!

35.

Ты милёнок, не балуй,
При народе не целуй.
Целуй меня в улочке,
В тёмном переулочке.

36.

Ты подружка, сплeтница,
Какая ты советница?
Такую сплетенку сплела-
Навеки с милым развела!

37.

Мне не нравится машина,
Мне не нравится мотор.
А мне нравится в кабиночке
Молоденький шофёр!

39.

Это разве что любовь:
Постоял - и нету.
А по-моему любовь -
С вечера до свету!

40.

Ой ты Маша, попляши
Твои ножки хороши!
Твои щёчки как цветочки-
Целовать их разреши!

42.

С неба звёздочка упала,
На тропиночке лежит,
Не споткнулся бы милёнок,
Как домой он побежит.

44.

Что за парень, что за слон!                  
Неуклюжий очень он.                          
Если обнимает,                                     
Сердце замирает! 

45.

На меня один мужик                           
Обратил внимание.                                 
Говорил, что чемпион,                         
Да по обниманию! 

47.

Мужчин много у меня,                            
Не скрываю это я!                                   
Только в толк я не возьму,                      
С кем пойду я к алтарю!    

48.

Не глядите на меня.
Глядите на чулочки:
Мне милёнок подарил
За четыре ночки!

49.

Я любила четверых,
Пятого — женатого.
Никого так не люблю
Как его — проклятого!

50.

У залётки моего
Дом соломою покрыт.
Если он мне изменит -
Подожгу, пускай горит!

51.

Мой мужчина так умен,                          
И, конечно же, силен!                             
Тащит все подряд домой,                       
Кошелек только пустой! 

52.

Cамолёт летит 
В небе голубом.
А мне понравился
С золотым зубом.

53.

Милый ловкостью хвалился
В сад полез, дроздом свистел,
За ограду зацепился 
И до зорки повисел.

54.

Полюбила я его,
Тихого, унылого.
«В тихом омуте черти водятся,
Милая моя!»

55.

У залёточки походка,
Словно ласточка летит.
Целоваться не умеет -
Только портит аппетит.

56.

Мы у озера гуляли,
Там лягушки квакали.
Только бы поцеловаться -
Уточки закрякали!

57.

У заборов снега много -
Он ещё лежит, лежит.
У меня милёнок добрый:
Позову — сокрей бежит!

58.

Меня милый провожал -
На крылечке задержал:
Сколько звёдочек на небе,
Столько раз поцеловал.

26.

Si les demoiselles
Étaient des poissons,
Dans l’eau après elles
Plong’raient les garçons. 

28.

J’voudrais bien chanter, danser,
J’aimerais bien m’amuser...
Mais j’ai du mal à me faire 
A son fichu caractère !

29.

A la ville je suis allée,
Une jupe j’ai dégotté,
Bien trouée, bien crottée...
Mais j’ mens pas : j’y suis allée !

Quand il m’a raccompagnée
Il n’a point été hardi :
J’ai eu droit qu’à un baiser
Moi qui en attendais dix ! 

31.

Il me trompe – je m’en fiche,
J’irai pas le supplier.
Y a longtemps qu’les imbéciles
J’ai appris à les berner !  

32.

Des chéris – j’en ai une paire :
L’un noceur, l’autre dadais.
Le noceur, je n’le vois guère,
Le dadais - je l’vois jamais !

Тoi, l’ami, faut pas pousser :
En public – pas de baisers !
Mais j’en veux bien dans l’impasse,
Là où personne ne passe !

36.

Toi, l’ amie, la cancanière
Tu te prétends conseillère :
T’en racontes tant et tant
Que j’ai perdu mon amant !

37.

C’est pas le camion que j’aime,
C’est pas non plus son moteur -
C’est, dans sa petite cabine, 
Le jeune et joli chauffeur !

39.

Il y en a pour qui l’amour
C’est juste « Bonjour et au r’voir ! »
Alors que pour moi l’amour
C’est du matin jusqu’au soir !

40.

Viens donc danser,  toi,  la fille : 
Tes gambilles sont gentilles !
J’aime beaucoup ton cou, tes joues –
J’l’ai couvrirai de bisous !    

42.

Une étoile tombe du ciel.
Elle est là sur le chemin.
Pourvu qu’il ne trébuche pas
Quand il rentrera à la maison !

44.

Quel lourdaud, ce grand dadais !
Il me fait bien rire.
Mais quand il embrasse, c’est vrai, 
J’ai l’coeur qui chavire !

45.

A un mec, un jour, je plais, 
Il m’observe, me repère
- Pour les étreintes, - qu’il me fait
J’suis un champion, un expert !

47.

Des hommes, j’en ai beaucoup,
Ça je ne le cache pas !
Mais je ne sais pas du tout
Qui m’ mettra la bague au doigt !

48.

Ne me fixez pas des yeux,
Regardez mes bas, plutôt,
Après quat’nuits dans son pieu -
« Tiens, - qu’il m’fait - v’la ton cadeau ! »

49.

Des amants – j’en ai eu quatre,
L’ cinquième était un mari.
Pourtant, j’n’ai aimé personne
Autant que lui, ce maudit !

50.

Il est recouvert de chaume,
Le toit de mon bien-aimé.
Mais, si, un jour, il me trompe,
Moi, le feu, tant pis, j’y mets !

51.

Mon homme, il est malin, bien sûr,
Une vraie force de la nature :
Il stocke de tout à la maison
Mais ne ramène pas un rond !

52.

Dans le bleu du ciel
Passe un météore.
Lui m’a tapé dans l’œil
Avec sa dent en or !

53.

Le mien s’est pris pour un merle 
En sifflant dans le jardin.
Il s’accroche à la barrière -
Fut coincé  jusqu’au matin !

54.

Moi, un garçon j’ai aimé,
Tout discret, tout tristounet.
« Attention, ma chère amie :
L’eau qui dort, on s’en méfie ! »

55.

Quand il marche, mon bien-aimé, 
On dirait un canari.
Il ne sait pas embrasser
Et ça m’coupe l’appétit 

56.

Au bord du lac on s’promène -
Les grenouilles de coasser !
Un doux baiser on échange -
Les canards de cancaner !

57.

Elle tient bon, la neige
Qui s’amasse dans la cour.
Qu’il est gentil, mon compère :
Au moindre appel il accourt !

58.

Après m’avoir raccompagnée,
Il s’ arrête sur le seuil
Et  me donne autant d’baisers
Qu’il y a d’étoiles dans le ciel !

 

Oh, toi mon bel anneau d’or...

59.

Ой колечко золотое
На полу вертелося.
Насмотрелись мои глазки
На кого вертелося!

60.

Я на реченьке сидела,
Одинокая была.
На два пуда похудела
Пока милого ждала!

61.

Утром рано просыпаюсь
И сажусь на коечку.
Закрываю свои глазки,
Думаю про Колечку

62.

Мой милёночек уехал,
А я на просёлочке.
Разбивается сердечко
На мелкие осколочки.

63.

Я не знаю почему
Сегодня небо синее.
По залётке грудь болит -
Тоска невыносимая!

64.

Я от горя – в чисто поле,
Я от горя -  в тёмный лес,
Я в любовь ушла от горя,
Оглянулась – горе здесь!

65.

Шла по тоненькому льду,
Провалилась - ойкнула.
Никого не было жалко -
Только дролю вспомнила!

66.

Ты зачем сюда приехал
Незнакомый паренёк?
Иссушил моё сердечко
Как на печке сухарёк.

67.

Износила белы тапочки
И красные  носки.
Меня лечат от простуды -
Я болею от любви!

68.

Говорят: из речки пей -
Тосковать не будешь.
Не один я раз пила: 
Где его забудешь?

69.

Из ведра вода не льётся
Лишь тихонько сочится.
Как ни весело живётся
Целоваться хочется!

70.

Не стругает мой рубанок,
Не пилит моя пила:
Ко мне милка не приходит -
И работа не мила.

 

59.

Oh, toi mon bel anneau d’or,
Sur le sol tu as roulé.
Du regard je te dévore :
Sur qui vas-tu t’arrêter ?

60.

J’attends le prince charmant
Bien seulette, au bord de l’eau.
Et je l’attends tant et tant
Que j’ai maigri d’vingt kilos !

61.

Tôt le matin je me lève
Et j’m’asseois au bord du lit.
Mes p’tits yeux alors je ferme
Et ne pense plus qu’à lui

62.

Mon aimé s’en est allé ;
J’suis seule au bord du chemin
Et mon p’tit cœur s’est brisé
En mille morceaux ! Hé, reviens !

63.

Je ne sais pour quelle raison
Le ciel est bleu aujourd’hui.
Mon cœur souffre pour ce garçon :
Ma douleur est infinie !

64.

Dans la forêt, dans la plaine,
Même jusque dans l’amour,
J’ai échappé à ma peine -
Hélas, elle est de retour !  

65.

La fine croûte de glace
Oh ! - en marchant j'ai brisé!
Ma seule pensée - hélas
Ce fut pour mon bien-aimé!   

66.

Chez nous, qu’es-tu venu faire,
Oh toi, mon bel inconnu ?
Tu as asséché mon cœur
Comme dans le four un biscuit.

67.

J’ai usé mes blancs souliers
Et troué mes bas de laine.
Pour un coup’ d’froid j’suis soignée -
D’amour j’ai le cœur en peine !

68.

On m’dit : va à la fontaine
Ça soulagera ta peine.
J’ai bu de l’eau tant et tant
Mais je l’aime toujours autant !

69.

Y a peu d’eau à la fontaine -
Un petit filet, à peine.
On est bien gais tous les deux
Mais c’est un baiser que j’veux !

70.

Il n’coupe plus, mon ébauchoir,
Elle ne taille plus, ma hache :
Depuis qu’elle n’vient plus me voir
Je n’ai plus l’cœur à l’ouvrage !

 

L’orpheline a tant de peine…

71.

У сиротки столько горя,
Куда горюшко девать?
Я снесу во чисто поле:
«Поди, горюшко, гулять!»

72.

Меня дома бьют, ругают,
Велят с богатым знаться,
А я с милым дружком
Не могу расстаться.

73.

Ой, какая моя мать,
Не пускает погулять.
А я пойду, потопаю,
Завиляю жопою!

74.

Мамаша строгая
Вовсю ругается.
А мне перечить ей
Не полагается!

75.

Не ругай меня мамаша,      
Что сметану пролила,         
Мимо дома шел Алешка,   
Я без памяти была.  

76.

Не сердись, подружка, зря,
Отбила милого не я.
Отбили глазки серые
Да молодость моя!

71.

L’orpheline a tant de peine :
« Quoi faire de tout ce malheur ? »
-Je le jett’rai  dans la plaine :
 Malheur, va-t’en  faire un tour ! »

72.

On me frappe, on me gronde :
« Fréquente plutôt  un rupin ! »
Mais pour moi pas question
De quitter mon copain.

73.

Ma mère à moi, elle abuse,
Elle veut pas que je m’amuse.
Mais moi, j’irai dans la rue
Danser et  rouler du cul !

74.

Sa mère est bien dure;
Tout l’temps elle aboiе!
Mais la contredire,
Pas question, pour moi…

75.

Ne me gronde pas, ma mère
D’avoir  renversé  le lait:
J’ai perdu un peu la tête
Quand j’ai aperçu André...

76.

Sois pas fâchée, toi l’amie
C’est pas moi qui te l’ai pris :
Ce sont mes jolis yeux gris,
Mon charmant et doux souris !

 




Chronique du veilleur (58) : Guillaume de Pracomtal

Clair-augure est le troisième livre de Guillaume de Pracomtal, qui fait suite à deux recueils parus en 2024 chez Encres vives. Il faut écouter cette voix qui dit une profonde soif intérieure : « Ton âme a soif / Et dans ta nuit / Tu ne sais que faire ».

Cette soif s'exprime à mots souvent murmurés, sur le ton d'une méditation simple et sobre. Guillaume de Pracomtal ne reste pas dans une solitude qui serait sourde aux solitudes du monde. « Les étoiles aussi se sentent seules ». Il sait combien la vie peut devenir éprouvante, faire « perdre pied ». Mais il sait aussi qu'une lumière vient toujours au secours de celui qui sait l'accueillir. Il suffit sans doute de

 

         Sentir la joie simple du soleil sur sa peau
         Debout dans le matin recommencer le monde.

Guillaume de Pracomtal, Clair-augure, Les Cahiers d'Illador, éditions Illador, 14 €.

Le poète s'encourage et, par-là, nous apporte l'envie de vivre autrement, de puiser en nous l'énergie nécessaire pour affronter ce qui arrive.

 

         Accepte que la vie
         Puisse te faire descendre
         Au point d'ombre

          Connais que tu n'en es pas
          Toi-même la cause

         Mais par ta lutte sereine
         Sans armes
         Trouve la force du rebond.

 

L'écriture poétique est un moyen très salutaire pour cela. « Sois pressé d'écrire », conseille le poète, « Hâte-toi vers tes sources. »  Les sources les plus pures et les plus abondantes ne seraient-elles enfouies dans l'enfance ? « Voir le monde au travers  / Du rire d'un enfant », ne serait-ce pas la voie la plus simple, celle qui nous réconcilierait avec nous-même et avec la vie ? Ceux qui ne sont plus là peuvent aussi nous permettre d'avancer sur le chemin. On sent que le poète est tout proche d'eux, malgré l'absence, fidèle à la Saintonge de son enfance, à laquelle il consacre l'épilogue de ce livre. De « ceux qui sont  passés », il faut recueillir « le legs de lumière » qu'ils nous ont laissé. Ainsi, nous ne pourrons nous égarer sur le grand océan, notre route sera bien tracée :

 

                  Tiens le cap qui te ramènera
                  Toujours vers les rivages de l'enfance.

 

Ainsi, la poésie donne  une boussole irremplaçable, mais aussi permet d'ancrer, avec l'encre des mots, la vie que le temps agite de ses flots.

 

                  Les mots s'assemblent
                  En barque frêle mais constante
                  Qui devance l'ensablement

                  L'écriture comme point fixe
                  Ancre qui raccroche à la rive

                   Encre qui maintient en vie
                  Force vitale augure des mots.

 

Quel bel éloge de la poésie ! Les poèmes de Guillaume de Pracomtal la servent de belle manière, la font briller d'une aurore fraîche, comme celle du dernier poème « Angélus du matin dans l'île » :

 

                  La blancheur des façades écrème la lumière
                  Qui ricoche sur les tuiles et les volets verts
                  Ici chez elle parmi les roses trémières

                   Du ciel trop grand
                  Le soleil est tombé sur la place
                  L'Angélus du matin sonne

                  Effectivement la grâce me suffit.

Présentation de l’auteur




L’œuvre poétique de Marc Alyn : un itinéraire alchimique

Les trois volumes des œuvres poétiques de Marc Alyn se déclinent comme une merveilleuse somme poétique dans les éditions de La Rumeur Libre, Andrea Iacovella, l’éditeur étant lui-même un extraordinaire visionnaire du livre et de la collection, créateur d’une sorte de bibliothèque absolue, bibliothèque universelle qui a pu être rêvée par un philosophe et mathématicien comme Kurd Lasswitz ; ou encore véritable architecte, lancé dans une quête d’un Graal littéraire, renvoyant à la Bibliothèque de Babel de Borgès.

Cette vision, ou véritable pensée philosophique du livre, s’exprime dans le soin apporté à chaque partie de ce volumen qui se déploie comme un fabuleux monument aux lisières du rêve et de l’imaginaire.

Chacun de tomes est initié par une préface magistrale, la première de Jean-Jacques Celly, la deuxième par Georges-Emmanuel Clancier, et la troisième signée Pierre Brunel.  Chaque recueil s’ouvre également par une notice explicative retraçant, au sein de l’histoire littéraire, le parcours d’un poète qui commence dès l’âge de 18 ans à être reconnu pour une poésie nouvelle entée dans les fééries de l’imaginaire. Les trois titres des tomes des œuvres poétiques, comme piliers d’un remarquable édifice, sorte de temple poétique, renvoient d’ailleurs tous à une forme de pénétration dans un monde sacré, « L’aventure initiatique », « Le Rêveur éveillé », et « L’Image, la magie ».

Le premier tome se présente comme la quête initiatique de « l’enfant de poésie » qu’a été le poète. C’est dans une quête alchimique le premier stade de l’initiation, celui de « l’œuvre au noir », sorte de cheminement qu’emprunte le poète en Hermès Trismégiste pour découvrir les sentiers de la création. 

Marc Alyn, Œuvres poétiques, Tome I, « L’Aventure initiatique » (1956-1991), 2024, 448 pages, 21 € ;   Tome II, « Le Rêveur éveillé » (1992-2004) ; Tome III « L’Image, la Magie » (2006-2023), La Rumeur libre, 2024.

Des bonheurs d’écriture jalonnent cet élan vers le mouvement sacré d’une vocation, véritable témoignage sur les étapes d’une architecture, celle d’une œuvre en poésie, celle d’un destin de poète : « Peut-être, ayant rêvé, seconde après seconde, notre vie, serons-nous quelque jour vécus par notre rêve ». Celui qui s’est rêvé Fantomas ou prestidigitateur, celui qui a contemplé l’apocalypse du feu, celui qui choisit le pseudonyme de Marc Alyn, celui qui a vécu la passion de la mère pour les livres d’aventure et de mystère, et celle du père pour la magie des livres, celui-ci devient le poète, le grand rêveur de mots, « passages secrets se profilant et menant aux demeures austères du Merveilleux », désir de l’Autre, du divin et de l’absolu « s’exaltant pour les couleurs mystiques des rosaces des cathédrales », ainsi le poète de l’extrême, nouveau Rimbaud auréolé de jeunesse, s’engage-t-il  avec bonheur dans l’oxymore comme danse de liberté qui brise ses liens, comme cristal de rythme :  

Plein feu !
je suis sur la balance
du désespoir et de l’extase
de la tendresse et de la cruauté.
je dépends d’un seul mot
comme fruit de sa branche
quand le vent vient musarder 

Traces de pluie, empreintes de l’arbre ou de la forêt, mains éblouies sur les cavernes de la mémoire humaine, marécages de silence, fleurs de l’invisible, taches de lumière, ocres des terres et des automnes, bulles d’eau et de nénuphars, bouquets de feuilles et de neige, cette poésie cosmique s’affirme dans un deuxième temps alchimique comme « l’œuvre au rouge », dans la force d’une parole devenue fulgurante par la traversée de l’imaginaire. "Le Rêveur éveillé " du Tome II,  affirme désormais sa fantasmagorie, s’ouvre au monde, rêve qu’il s’envole :

 

au printemps les mésanges se nichent entre ses feuilles
pour becqueter joyeux don texte lettre à lettre
et lui parler d’amour avec des mots d’insectes.

Le texte se fait archétypal, dans la force originelle d’une brûlure :

 

langue d’avant la langue
ouragan déferlant sur les soleils futurs
nébuleuses chiendent archipels tropiques !
le Verbe originel à jamais se répand
clarté embrasant les vitraux
source qui lie le prologue à la fin
l’éclair inaugural à l’ultissime braise 

Le tome III est celui de « l’œuvre au blanc » à travers la maîtrise du poème en prose. C’est l’ultime ouvrage achevé par le poète et il constitue l’acmé du travail poétique, comme s’il parvenait, par sa recherche de perfection dans cette forme poétique bien particulière qu’est le poème en prose, à placer le diadème ou l’auréole sur son œuvre tout entière. Le poème en prose semble répondre à cette exigence, un concentré en même temps qu'une « devanture » de ce que la littérature fait, des compétences qu'elle met en œuvre, des opérations de reconnaissance et de méconnaissance auxquelles elle soumet la singularité des œuvres. Le genre poétique du poème en prose, permet ainsi, par sa forme même, d’établir une réflexion forte et achevée sur le processus de création et son lien à l’intertextualité avec Baudelaire par exemple.

Ce recueil n’est pas, en effet, un tout autonome et fermé dont les éléments composent un système clos. Il présuppose un dialogue avec l’Autre, avec les autres créateurs, en particulier les peintres, dont T’ang. Le poème et la calligraphie adviennent alors par ce qu’il y a de plus subtil, reliant entre eux les différents aspects du réel, les ouvrant l’un à l’autre, les faisant communiquer dans une nouvelle esthétique du passage et de la porosité comme disponibilité aux fluctuations du monde, comme limpidité et transparence. Poésie faite de cristal et de simplicité. En face du poème, le texte en prose se présente en italiques : « Nulle empreinte sur la grève ». Poésie sereine et détachée, belle dans sa limpidité, dans son atmosphère de présence-absence, de manifestation et de retrait. Rien n’accapare l’attention ni ne l’obnubile. Tout ce qui commence à prendre forme se retire et se transforme, tracé d’écriture comme traces, sentiment de dessaisissement qui auréole l’écriture de vague et de solitude, mais cette délicatesse contient la plus extrême présence, ce qui passe inaperçu devient inoubliable, la saveur idéale étant celle de la neige, de l’eau, de « la respiration des oiseaux privés d’ailes ». Poésie qui n’est accessible qu’à partir d’un véritable itinéraire intérieur, le vide accueillant en lui tous les mondes possibles du poète initié, désormais réconcilié au monde :

Il n’y avait jamais personne
au bout du fil.
Seule une abeille aux ailes diaphanes
nous pénétrait de son bourdonnement
porteur d’une verbe intraduisible. 

Présentation de l’auteur




REGARD SUR LA POÉSIE « NATIVE AMERICAN » : Mikhu Paul, ou comment mettre l’accent sur ce qui est important pour la communauté des humains et leur « mère », la Terre.

Mikhu Paul (née en 1958) est une poète Wolastoq (Malécite). D’ascendance mixte, née dans la nation Malécite (qui originellement vivait au Québec, au Nouveau Brunswick et dans le Maine). Elle est membre de la communauté de Kingsclear, lieu situé au Nouveau-Brunswick, au Canada.

Après le lycée, Mikhu Paul a obtenu une licence en développement humain et communication à l’Université du sud du Maine, ce diplôme a été suivi d’un master en création littéraire à Stonecoast. Dans un entretien, quand on lui demande quelles sont les personnes qui l’ont le plus inspirée dans son art et dans sa quête de justice, elle cite d’abord son grand-père et sa mère, mais elle reconnaît également l’influence puissante que d’autres écrivains autochtones d’Amérique du Nord ont eu sur son travail et sa démarche. Leslie Marmon Silko, par exemple, et surtout son célèbre roman Ceremony, sont cités comme une influence particulière, tout comme la poésie et la prose de Joy Harjo et Louise Erdrich ainsi que les études de Robert Warrior, Jace Weaver et Craig Womack. Son poème intitulé « House of Dawn » est certainement un clin d’œil à une autre voix autochtone canonique, celle de N. Scott Momaday, qu’elle cite également comme une influence littéraire importante. Pareil au roman de Momaday, la poésie de Mikhu Paul s’intéresse à la guérison qui doit suivre un traumatisme.

La poète Mikhu Paul lit son poème 21st Century Lullaby extrait de l'anthologie de poésie Littoral Books Enough ! Poèmes de résistance et de protestation.

Elle vit à présent à Portland dans le Maine (États-Unis) où elle enseigne l’écriture créative. Elle est à la fois éducatrice, artiste et militante. Son recueil 20th Century PowWow Playland a été publié en 2012 par Bowman Books et ses poèmes ont été publiés dans diverses revues, notamment dans la revue numérique Cabildo Quarterly. Elle milite pour un meilleur système d’éducation, débarrassé du racisme et de la discrimination, avec de meilleurs programmes présentant et incluant les populations autochtones comme part de la société, avec leurs cultures, leur histoire, leurs héritages toujours bien vivants. Elle a participé à la réflexion collective sur ce sujet en écrivant un chapitre dans Transforming Our Practices, il s’agit d’un texte pédagogique axé sur les paradigmes éducatifs autochtones. Elle prend souvent la parole afin de faire connnaître, de partager son expérience dans différentes écoles, comme par exemple lors d'événements organisés soit par l'Immigrant Legal Advocacy Project, soit par le Maine Wabanaki REACH, ou encore par la Maine Wabanaki-State Child Welfare Truth & Reconciliation Commission. Elle veut faire comprendre que le procédé de génocide contre les amérindiens continue, elle veut « faire briller la lumière de la vérité », elle veut  que soit visible le génocide jusqu’alors resté invisible, faire entendre ce qui est passé sous silence à propos du génocide ; et faisant cela elle cherche à  motiver le développement de la sensibilisation et des actions afin de faire face aux défis que tente courageusemement de relever la population indigène du Maine.

Mikhu Paul est également une artiste multimédia dont les œuvres ont été exposées dans des musées et des galeries, et vendues aux enchères afin de collecter des fonds pour des causes caritatives. Elle utilise la plume et  l'encre, l'aquarelle, la gouache, elle a recours au collage pour créer des œuvres qui visent à affirmer son identité à travers ses propres valeurs artistiques. La première exposition multimédia de Mikhu Paul fut une installation en 2010 au musée Abbe de Bar Harbor, dans le Maine, intitulée « Look Twice : The Waponahki in Image & Verse ». Les poèmes publiés dans l'anthologie Dawnland Voices étaient accompagnés de photographies et de ses propres dessins. Son but est de changer le regard du spectateur afin qu’il abandonne les stéréotypes attachés aux Amérindiens, qu’il ait un regard plus objectif afin de comprendre ces autres cultures qui sont les premières s’étant dévelopées sur le continent américain, ce dont tout américain devrait être conscient.

Dans ses écrits elle met en lumière les abus et les conséquences du racisme systémique enduré par les peuples autochtones mais aussi par les communautés afro-américaines. Dans ses écrits elle dénonce également le système scolaire et l’éducation qu’elle a reçue. Dans son poème Jefferson Street School elle se décrit comme une captive forcée de mémoriser et de réciter des paroles dans  la langue de l’envahisseur, elle fait part de son expérience personnelle au contact de l’éducation des « blancs » qui perpétuent la discrimination, les inégalités sociales et les différences culturelles, qui présentent de façon biaisée de nombreuses choses et notamment l’histoire. Les enseignements traditionnels autochtones lui ont été transmis par son grand-père sur la réserve indienne de Penosbscot, près d’Old Town, dans le Maine. Dans un entretien mené par Lisa Panepinto, Mikhu Paul parlant de son grand-père décrit comment il a été enlevé à sa famille dans sa maison de Kingsclear alors qu’il était jeune garçon, pour être placé dans le système de pensionnat du Nouveau-Brunswick, un placement auquel il a résisté avec véhémence en tentant à plusieurs reprises de s’échapper. Elle explique : « L’une des choses qu’il avait appris à faire lorsqu’il s’enfuyait était de ne pas rentrer chez lui à Kingsclear. Il allait là où vivaient ses cousins ​​sur une autre réserve […] il a appris à aller là où ils ne le trouveraient peut-être pas ».

Avec ce grand-père, appelé Ray, elle a cueilli des crosses de fougère, elle a chassé et piégé lorsqu’elle était enfant. Elle honore la mémoire de son grand-père dans le poème intitulé « Trapper », qui décrit un homme aux mains « monstrueusement fortes » et à l’index « de traviole », déformé par son métier :

 

Pendant des années et des années, ces mains ont soulevé des mâchoires de métal.
En toutes saisons, qu’elles soient gelées ou humides,

il marchait des kilomètres jusqu’aux endroits où les animaux rampaient et se cachaient,
où ils se nourrissaient et se reposaient.

 L’hiver, la rivière : long chemin enneigé et glacé vers les carrefours secrets de créatures qu’il connaissait comme des parents, comme des cousins.

Bien que Mihku Paul ait grandi principalement à Old Town, elle a également passé une grande partie de son enfance avec sa famille sur Indian Island, qui est le siège du gouvernement tribal de la nation Penobscot. Paul a grandement bénéficié des enseignements culturels de son grand-père, ce qui lui a permis de compenser sa désillusion quant à son éducation dans le système éducatif mainstream des « blancs ». À l’école comme en dehors, ses expériences en grandissant à Old Town ont été la pauvreté et la discrimination ; parmi les quatre enfants de sa famille, elle a été la seule à terminer ses études secondaires. Elle attribue en grande partie ce succès aux enseignements traditionnels et à la forte influence de sa famille, en particulier de son grand-père. Dans ses écrits elle partage ses réflexions, parfois en forme de palimpsestes, sur le passage du temps, réflexions sensibles et frappantes, faisant allusion à la fois à l’assimilation et à l’héritage.

Dans son recueil, à la magnifique couverture aussi orange qu’un coucher de soleil, sur la quelle on peut lire « l’évangélisation des Indiens », de laquelle découlent toutes les catastrophes qu’on sait, Mihku Paul raconte des histoires vivantes de héros malécites à travers les millénaires. Elle s’attache à cartographier de manière vivante un territoire englobant d'anciennes routes de canoë, elle « chante » sur tous les registres, du mythique au moderne. Ce livre nous rappelle la présence autochtone qui a toujours imprégné le Maine et le Québec. Mikhu Paul s’aligne  avec d'autres poètes Wabanaki importants dont les plus connus sont Alice Azure, Carol Bachofner, Joseph Bruchac, Carol Dana et Cheryl Savageau. Son style est simple, sans fioriture, ses mots vont droit au but avoué : faire connaître et faire comprendre ce qu’il en coûte et en quoi consiste être Indien d’Amérique aujourd’hui.

Voici quatre poèmes tirés de son recueil 20th Century PowWow Playland (dont la version originale est publiée dans iwar Mayu, un blog sur internet pour 3 d’entre eux et le quatrième, Her Medicine, est publié dans Dawnland VOICES 2 :0,  n° 11). Le premier évoque les pensionnats pour Indiens et les mauvais traitements subis par les enfants arrachés à leur famille, à leurs cultures, à leur réserve.

Langue maternelle

Enfant volé, étranger sans nom.
Sa bouche a été cousue.
Perdues les chansons, au cours de leur long vol,
années après années, naissance après mort.
Témoin muet, quel silence est-ce là ?
Malheureuse disparition, chair et os,
langue par laquelle nous avons vécu,
dispersée comme la poussière de pollen,
la trace de la poudre la plus fine.
Possédés, nos dents claquent et grincent,
nos lèvres violettes battent et s’enroulent, un gémissement étranglé :
tuberculose, dysenterie, pneumonie.
Mille façons de tuer une chose, et
une seule vraie façon de la sauver.
Nos mots, une forme de sons qui ne sont plus familiers,
enterrés à Carlisle.
Oh, Grand-mère, nous errons maintenant.
La carte obscurcie, déchirée et ensanglantée.
Nous parlons une langue étrange.
Nous sommes des fantômes, nous nous hantons nous-mêmes.

Dans le poème intitulé Sa médecine, Mikhu Paul évoque ce sentiment de perte qui se répercute en sensations désagréables dans le corps. Perte de la liberté et parcage sur des réserves, perte d’estime de soi, perte de la confiance face à la vie, perte du tissu tribal qui donnait sa force aux individus, perte des repères car plongée dans un monde qui n’est pas fait pour les amérindiens et qui veut les faire disparaître. Perte, mais la notion d’interdépendance et d’appartenance à la grande famille des êtres vivants perdure, le lien avec les élements et la nature n’est pas rompu .

 

Sa « médecine »

Ce corps, je le connais mieux qu'un oiseau ne connaît
l'arbre qu'on appelle maison, perché dans les rêves feuillus et
la folie estivale qui m'invite au vol. 

J'ai toujours rêvé que je volais.
Une quête déterminée, je me déplace au-dessus de la canopée,
je contemple les cimes des cousins ​​à la peau d'écorce, les mains vertes ondulant en dessous.
Leur souffle recueilli est un soupir qui me porte au travers d’un terrain inconnu.

Toujours un visiteur étranger au monde,
j'adore néanmoins ces lieux d'ombre,
je crains le passage de l’éclair brûlant comme une résurrection impie,
l'accélération, un effroi élémentaire que je ne peux pas nommer.

Une fois, j'ai entendu ma mère murmurer, après avoir laissé tomber son corps,
au plus profond des heures sombres quand le sommeil ne vient pas.
Sa voix dans mon oreille gauche, le son le plus hésitant et le plus conscient,
la façon dont on parle à quelqu'un au bord d'un bâtiment ou
d'un pont en surplomb d'eaux dangereuses.

Je me suis réveillée seule dans le noir, mon pouls battait régulièrement dans ma gorge.
Le chagrin étouffe comme de l'argile, emprisonne ce corps, alors je dois
lutter pour avancer vers mon propre avenir, mes ailes lourdes d'un
étrange désir du passé m’ayant jour après jour échappé
jusqu'à ce que je me retrouve dans
ce nouvel endroit, cette nouvelle vie.

À présent mes cheveux scintillent, d’argent ils renaissent à la lumière.
Je garde mes ailes en réserve, à l’encontre de
l’aube exhortant de prendre son envol.

Dans le poème qui suit, l’identité morcelée des métis est décrite comme une malédiction :

 

Amerindia

Ces hybrides errent du Mexique à Montréal,
trempés dans le miel, tachés de thé.
Leurs yeux verts attirent la lumière, les paillettes,
les éclats de miroirs brisés.
Maintenant, nous avons sept ans de malchance,
cousin, au moins sept hivers de pénitence.
Nous sommes, nous tous, jetés dans un vent brûlant.
Les mots de prière montent et descendent
les feuilles rouges fendues d'un vieil arbre,
les plumes blanches arrachées à l'aile d'une colombe.
Pas de chiffre, sauf le cœur qui bat,
enfermé dans cette chair nouvellement créée,
battant des rythmes ancestraux.
Dans mille ans, quel visage captif
planera, emprisonné dans du verre argenté ?
Comment l'appelleras-tu,
celle dont les yeux étaient les tiens, qui te scrutaient en retour,
tandis que le miroir se brisait et que l'arbre portait ce nouveau fruit ?

Dans le poème suivant, la création de l’état du Maine en 1820 est évoquée.  Territoire ancestral de nations  Algonquines parlant le wabanaki dont les Abenakis, les malicites, les Miq’mac, les passamaquoddys et les Penobscots, il fut le champ de bataille d’armées colonisatrices, puis partie du «commonwealth of  Massachussetts ».  Une allusion au massacre de Wounded Knee Creek est faite,  massacre perpétré par l’armée américaine contre des Indiens Lakotas guidés par Big Foot, le 29 décembre 1890 dans le Dakota du sud.

 

Aire de jeux - PowWow du 20e siècle

En 1920, une célébration centenaire, le temps mesuré,
à commémorer ce moment
où tout a changé.
Une séparation, un territoire renommé, vicieusement dompté.
Sculpté et revendiqué, colonisé, l'État du Maine.
Deux visages se regardent, des enfants, couleur sépia,
qualité musée, pressés sur des pages.
Un garçon et une fille froncent les sourcils devant l'œil de la caméra,
objectif rigide de l'histoire, une arme dangereuse.
Trente ans depuis cette dernière grande danse dans
les Dakotas, lorsque les balles
voyagèrent plus vite que la lumière
qui piège ces deux-là.
Rassemblant des fantômes, les suppliants enterrèrent leurs cœurs,
moururent sur le sol gelé.
La lumière captive aveugle ces jeunes yeux,
met à nu les sourires à demi grimaçants.
Fini, le wigwam en écorce de bouleau,
le tipi en peau de bison.
Derrière une tente en toile de fond, le garçon
aux joues creusées de peinture de « guerre »
se tient debout à côté de sa sœur, sa cousine.
Ses tresses sont suspendues à des plumes bon marché.
Les enfants posent maintenant,
la guerre remplacée par l'apparat.
Le loup : une légende portant
la peau d'un chien en laisse,
l'œil du guerrier froid est  maintenant fermé,
sa main ferme est vide, son cri de guerre
à présent silencieux sur cette image qui s'estompe,
ce terrain de jeu d’un pow-wow du 20e siècle.

En conclusion je laisserai la parole à Mikhu Paul elle-même, dans un entretien elle explique sa démarche : « En tant que poète et artiste visuel Waponahki (Wabanaki), je suis toujours à la recherche de nouvelles voies vers de nouvelles œuvres et je m’efforce de transmettre mon point de vue sur des sujets qui me semblent à la fois pertinents sur le plan culturel et importants pour notre famille humaine et notre Mère (la Terre). » Ainsi est résumée une façon de vivre, une façon de donner sens, de partager une vision de la vie très familière non seulement aux artistes amérindiens, mais aussi à tout « Native American ». 

Présentation de l’auteur




Pierre Zabalia, Il pleut un ciel en écharpe

Il pleut un ciel en écharpe :
mouise des langues marécageuses ou
firmament de combat mais
lequel, de multitude
pommelée mais

dans le piétinement d’un ciel
ventousé à
la douleur –

Il pleut des infinis
à l’heure
des trombes et des
frissons, ô
adagio –

∗∗∗

C’est ainsi que je fusionne
avec la laiteuse
incomplétude du jour
avec

un paysage en suspens,
tel nul orietiur
dans la bouche
des beautés immobiles,

c’est ainsi que je m’enfonce
avec la blanche et
apathique chanson
du cyprès, dans
le bouillonnement de personne –

∗∗∗

Dimanche raclé, dimanche
blanchi comme un cerisier perdu –

Un pépiement ou plutôt un toujours aux abois,
jouxte la non-présence de tout –

Cerisier des rêveries infirmes, ô
dans la blanche dépossession des silences,

je t’enchâsse, je te trouve âpre et blanc, je
te murmure une quelconque scintillation,

une quelconque démesure et
une cloche tinte dans l’à-peu-près des lointains-

∗∗∗

L’innocence grandit au jour languide
et avril au merle estourbi rêve comme moi
mais je repasse, mais je traînasse
au jardin-Mandelstam,

au fond du sans-dieu,
au fond d’
un bleu
reverdi par les multiples

distillations, dislocations
de l’âme, dans
chaque atrocité –

∗∗∗

Il y a au fond du ciel
une barcarolle qui somnole
dans sa casemate de vent, il y a
une présence à l’envers comme

un être ébouriffé d’angoisse,
il y a une ébauche de parler
dans les grenailles d’amour,
quelque part envolées,

quelque part enchemisées
dans l’éternelle incurie, il
y a une brisure, il y a

un poème qui flotte
et qui ravine sur les
mamelles du temps –

Présentation de l’auteur




Philippe Tancelin, Frangments, extraits

UN RÊVE ?

Au-dedans de soi
au-dehors de moi
ni ne commence ni ne s’achève…

IL N’EST QU’UN RÊVE

Une balle dans la gueule grande ouverte
du reptile que rien ne distingue
de la minime histoire de chacun
                                                   arrêté à la béatitude de l’autre…

LE RÊVE D’AIMER ?

A chaque instant il serait fait un pas
                                                        vers le rivage
un pas de dérobade
                             sur le sable endormi
                              sous la divagation des vagues

Au pied
           sur la terre
commence ma langue que ne dessine rien
quand je n’aurais été que craie blanche
                                                              échappée de la nuit

LE RÊVE !

S’est effacé à mi-chemin d’un autre monde
disant la lune insuffisante pour le clair d’aimer
où se croisent les voies de différentes couleurs

UN RÊVE A BLANC !...
Cet irrregard de l’eau
en proie au silence

 

Le cerf à ma rencontre

Plus droit encore
et plus que lui
il va
par cette lenteur qui le fait paraître
immobile

De tous côtés qu’on le croit cerné
toujours de soi il s’échappe
et nous croyons en nous
                                      être attendu de lui

Il ne nous leurre pas

Nous ne sommes rien pour lui
qui mériterait sa course
pour témoigner de nous

Il traverse la forêt
bénissant de ses bois chaque arbre
qui l’aborde en jalousie

 

Tout tient de tout en lui

les bois dans ses bois
le sursaut dans le saut
le silence dans la  meute 


la puissance dans l’être-là fragile

Le ciel dévolu à son brâme
son regard dans le temps mort du fusil
il dément le final de qui l’obligerait

disparaît au couchant
dans son souffle-linceul

 

Nous nous répandions

sur les murs
en mots à blanc

Ils nous accueillaient par rafales de braise
sur chaque carrefour d’histoires in-dites
qui renversaient l’encre
sur nos cahiers d’écolier

Le présent en indivis
avec les jeunes lunes
apprivoisait notre impatience
d’amoureux

Nous parlions d’autres âges
d’éternité rebelle
voguant sur l’éphémère

Nous changions de saison
aux quatre coins du ciel

Nous courions de vaisseaux à vaisseaux
vers la mer en détresse

C’était par d’autres temps du monde…
Une planète révélée…

Un chemin secret à chaque pas dépassé…
Une pierre assourdie entre envol et achoppement…
Un voyage en lieu-dit…

Ce risque du vivant
à travers l’usure des destinées

∗∗∗

Elle

est la nuit

antérieure à une nuit

Elle murmure l’engagement

de nos sangs calligraphes

∗∗∗

Le soir descend

bercer le livre vierge des flammes

où page notre enfance des choses

∗∗∗

Le poème dispense  son exception

au cri qui le précède

interroge ce qu’il eut été

si l’avait emporté le souffle sur la flamme

renouvelle son parfum aux fleurs brisées

Fragments, extraits de A contre-jour    le jour, à paraître.

Présentation de l’auteur




Mireille Cliche, Dents de quartz et autres poèmes

 

Des oiseaux sur un rivage roux
laissent des hiéroglyphes
octobre a pris feu en une nuit d’orage
souvenir volcanique d’une fête abrégée
la vie pulse rouge
condensée

Rubans d’odeurs fumées douces
une framboise oubliée
concentre sa couleur
vertige tranquille dans la pinède
où couvent des chanterelles
la saison capitule

Au bout des débarcadères
les chemins tricotent
entre des murs burinés
des cheminées odorantes

À la lune des chasseurs
le lac dézippe le paysage
avale les pentes
retouche ses bleus
roule ses histoires
ses ponts de billots ses draveurs brisés
ses nageurs pugnaces

L’abbaye veille dans la brume
les quais dorment et le lac
le lac a trop bercé ses voiles
trop claqué ses vents
il rentre ses bouées ses drapeaux ses oriflammes
endort ses kiosques
ses nuits plumeuses et braves
aspire au repos sous la glace

Les ruisseaux transparents ronflent sous le frimas
écumes et brouillards s’emmêlent
enrubannent les jours
d’un pays où les glaciers
ont fiché dans la mousse
leurs dents de quartz

Crépitement de l’automne
ses roulements sans tambours
sa vaste indifférence

Le lac séduit enveloppe engourdit
prépare lentement son solstice

Un sommeil aussi long que ses côtes
taira ses profondeurs
mais pour l’heure il s’entête
à ronger ses plages

Memphrémagog Mamhlawbagak1
ces noms en castagnettes
racontent des conflits
des forêts à abattre
la contrebande et les bateaux à aube

Des fantômes flottent sur le miroir martelé
rêves et souvenirs s’entremêlent
on appareille pour un dix-millième hiver

 

Rouge ma Rouge

À trop de femmes

Sur la peau gravelée des murs
ces bruns sont-ils du sang
il était grenat sous les coups
là-bas sur la place
quand tu as cru un moment
au pouvoir du nombre

D’où viennent ces sons qui bondissent
sur la terre battue et la fiente
ces bruits lourds de pieds en armes

Rouge ma Rouge
le temps s’écoule de ses blessures
tes ongles bleuissent à gratter les heures
les geôles s’effritent et tout manque
les jardins l’apaisement du soir
tout manque

Les couloirs convergent vers la peur
la lumière les tranche comme un couteau
et la soif ma Rouge
ce béton dans ta gorge
les fissures par lesquelles s’écoulent
ta douleur
le prénom qui te hante

Tu t’es fait voler ta solitude
la trace de la mer dans tes yeux de sel
et ses yeux ses yeux à lui
qui disparaissent

Rouge ma rouge
tu as perdu jusqu’à la paix du sang
sa pulsation tranquille
les voies du silence dans tes artères

L’air bruisse gémit tremble
tu n’entends plus que son nom
son nom à lui couché sur la place
que tu ne reverras pas

 

Pister

Avancer reculer
Flotter craindre se perdre
Se dire oh et peut-être
Ne rien décider attendre l’émergence
Marcher en spirale
Sentir son estomac ses poumons ses cellules
Retenir la peur chien fou
(La laisse scie le poignet)
Retenir la peur molosse épais
(Les jambes s’agitent le dos s’arque)
Sceller ses mâchoires
Croire que demain ou peut-être aujourd’hui
Perte de signal

Avancer se perdre
Dormir dans les ornières
Refaire sa coquille la lécher
N’attendre que soi

Avancer
Placer ses pions programmer
Refaire ses calculs pister
Se demander qui
Et pourquoi

S’arrêter
Attendre consoler
Pleurer

 

Note

  1. Le lac Memphrémagog est un long lac glaciaire dont les eaux se partagent entre le Québec et l’état du Vermont, aux États-Unis. Il tirerait son nom du mot abénaquis mamhlawbagak.

 

Présentation de l’auteur




Sylvie Poisson, Le poème dans ta main

parfois tu rôdes loin de toi                 tes traces vacillent

            errance entre les mots      tu réclames les ombres

                     glanes des miettes d’enchantement

vol écarlate          quiétude de la neige        

                     novembre dépouillé

tu ne sais pas où va le poème

                                               tu voudrais qu’il te trouve   

***

tu déchiffres les vents             puises les mots

tu esquisses l’indicible           perçois l’invisible       palpes l’intouchable

traduction imparfaite de l’infini       

***

tu ne connais que l’effacement

            tu veux l’embrasement des brindilles           

tu y jettes ton souffle

***

tu cueilles                                                                                                     

le chant du merle    de l’amour    du désir    de la jouissance                         

l’odeur du gazon fraîchement coupé             la brise du soir tremblant sur tes épaules

                        l’ondée épelant sa musique sur le toit

 tes déserts            leurs désarrois            leurs oasis                                         tu cueilles tout

                                                                                                    le poème se dépose dans ta main 

Présentation de l’auteur




Sylvestre Clancier, L’ÊTRE EN QUESTION QUESTIONS DE LETTRES — Abécédaire existentiel et symbolique

        

     A

Attire
A toi l'enfant qui vient de naître !
Abel  est-il
A l'unisson de l’
Ancienne harmonie ?

                       B

Belle promesse de lumière
Béatitude après le cri de vie
Beatrix
Beauté  ou serait-ce la nuit sans le
Bien être,  sans la secrète musique de la mère ?

                    C

Combien de temps faudra-t-il à
Caïn pour transformer l’homme   Ce
Cloporte en humain ?

               D

Devines-tu
David qui sera roi
Demain quand
Daniel a péri
Dans la fosse aux lions ?

            E

Eve
Eviteras-tu la science
Eve
En
Evitant   la pomme
Eve
En te moquant du serpent ?

                 F

Familière
Fantaisie de la
Femme et de la
Forme
Fabuleuse
Fatima
Fille du prophète
Femme d'Ali es-tu sûre de ta main protectrice ?

     G

Génie de la
Génération,
Génitrice
Gaïa, terre féconde, paradigme des
Gamètes bleu vif aux sources de la vie que
Génères-tu?

                  H

Hannibal, te
Hisseras-tu jusqu'au sommet, jusqu'à chanter l'
Hymne parfait
Himalaya de la joie ?

                   I

Imagine l'
Infini, Agamemnon,
Imprime l'
Image fugace de la divinité.
Immoleras-tu ta fille
Iphigénie aux dieux de ton pays ?

                   J

 Jalouse de l'harmonie céleste
Jérusalem de terre et de sang
J'invoque ta mémoire pour la paix.

         K

K Joseph,
Komplice du mystère, chiffre de la
Kabbale
Kafka en son château, en sa métamorphose, sans autre forme de procès.   

                  L

Légère ligne de l'horizon
Lavis de brume et de frimas
Londres, quelle était
L’heure de l'espoir dans
Les ténèbres du vert de gris ?

           M

Maudite lettre du
Malheur :
Marasme
Mort
Malédiction !
Méphisto  le
Malin
Mesure-t-il-le
Mal à l'empan de sa
Main ?

          N

Navire céleste pour sauver la
Nature du
Naufrage
Noé économisait-il sa peine avant que
Ne survienne l'arc-en-ciel ?

  O

Obéir à l'injonction
Ouïr la syllabe secrète
Opérer le point avec l'
Ourse polaire !  L'
O de l'homme peut-il
Ouvrir la voie qui mène à l'
Omega ?

          P

Participe à la quête, va jusqu'à Troie où
Pâris endormi croit maîtriser Hélène !
Prends la pour tes ancêtres,  ta
Patrie de vainqueurs à la mâle assurance.
Prends la pour Ménélas
Pour le sage Nestor ou le rusé Ulysse !

           Q

Qu'attends-tu que diable ?
Que nenni, je n’attends point !
Queneau a des oreilles et fait des exercices
Quel style,
Quand j'y pense et
Que dois-je en conclure ?
Que tout part en quenouille !
Que seule vaut la question !

               R

Ravale ta salive  
Retiens ta parole
Romeo, tu peux plaire en silence, ton œil
Ravageur,  ton charme opère à
Rome aussi bien qu'à Vérone.
Ralentir travaux: Sator Arepo Tenet Opera
Rotas.

                   S

Sacré
Serpent qui
Siffle sur nos têtes
Sois satisfait, la
Science n'était-elle pas
Souhaitée ? Et pourtant quand j'y
Songe, ce n'est pas la
Sagesse : la conscience est restée
Solitaire.

           T

Trouveras-tu la
Tombe du maître,  la voie de la sagesse, la
Trace du passage ?
Tubalcain, forgeron de l'esprit
Tiens-nous la main quand nous marchons dans les
Ténèbres,
Tentes de rectifier notre chemin ?

        U

Ultime envie avant la fin quand l'
Urgence s'élève ?
Ulysse, compagnon de l'humain, sauras-tu
User de tes mains pour rendre
Utile ce que la vie t'a appris ? 

       V

Vin ou
Valium pour ne pas
Voir la vie ou le
Venin subtil de l'ennui ?
Vie in Vitro qui fuit la
Vérité
Vinci lui, Vint et Vainquit.
Victoire de l'art,
Vecteur de l'âme, seule
Voie possible ?

        W

Wellington fut bien vainqueur à
Waterloo, un an plus tôt naissait
Wagner qui plus tard mourut à Venise, mais toi
Wilhelm, tu as su de ta flèche sans boire de
Williamine, transpercer le chapeau de la vilainie.

                 X

« X :La mer cette inconnue : »
Thalassa!  Thalassa!  Voici enfin la mer
Xénophon, chroniqueur de l'Epos
Xénophobe  ou
Xénophile ? Tu dis la Grèce qui devient légendaire
Premier reporter sans frontière.

                 Y

" Ya!  Ya! "  disait l'idiot à la garde barrière
" Je fais venir le train quand tu barres le chemin !
C'est moi! Si, si, c'est moi qui l'appelle de loin! "
Puis la barrière se lève : tous ceux qui attendaient
ont vu à l'horizon le signe de
Yahvé.

  Z

Zut ! C'est déjà fini et « j' n'avais pas
Zenvie » !
Zénon et les sophismes
Zazie et les
Zazous me font bien rire aussi, ainsi va la vie, brave
Zoé.

 

 

 

                                  

 

 

Présentation de l’auteur