Chronique musicale (15) : Devenir une fulgurance : Becoming Led Zeppelin

Premier documentaire cinématographique et musical sur la genèse du groupe mythique validé par les artistes fondateurs, Becoming Led Zeppelin raconte la création de ce quatuor d’origine londonienne, formé en 1968, entre free rock et free jazz, héritiers de la tradition blues et précurseurs du courant hard, décloisonnant les genres établis dans leurs morceaux expérimentaux dont les quatre membres furent les artisans inventifs de ce son, tour à tour léger et massif, toujours tranchant, décisif, sur le fil, tel l’envol d’un « dirigeable de plomb » sur le point d’embraser le ciel d’une époque où « faire de la musique » signifiait encore « faire l’amour et la révolution » et arpenteurs de grands espaces, forçant les portes des studios pour écrire des albums conceptuels traduisant l’A.D.N. de leur identité hybride, à la rencontre, à l’ouverture et pourtant si personnelle qui ont tracé les horizons pour longtemps des courants de tant de musiciens…

La force de ce témoignage de la naissance et de l’avènement de cette formation qui a tant marqué les esprits, réalisé par Bernard MacMahon, écrit par Bernard MacMahon et Allison MacGourty, est d’exprimer l’association initiale, le travail acharné, la recherche perpétuelle de ces artistes majeurs de leurs débuts jusqu’à leur ascension avec la création de leurs deux premiers albums et le succès emblématique de Whole Lotta Love, Jimmy Page, Robert Plant, John Bonham, John Paul Jones, explorateurs sur des chemins de traverse, et c’est là tout l’intérêt de ce regard initiatique à ce processus collectif si pluriel, il laisse sa part belle aux hasards, aux accidents, à l’inattendu comme à la beauté de la rencontre, à la magie des premières répétitions et au sublime des concerts historiques, pour mieux nous questionner sur la dimension exceptionnelle, entre coïncidence et destinée, de la ligature de cet alliage à huit mains pour sertir alors en lettres de feu cette fulgurance, toujours envisagée ainsi, en instant suspendu, disruptif et éruptif, à la fois hors du temps et en disant tant d’une époque où l’on allait, par exemple, connaître des conflits mondiaux dévastateurs mais également marcher pour la première fois sur la lune, tout à la fois une trouvaille singulière et une échappée à plusieurs, en devenir, un devenir, devenir Led Zeppelin…

Devenir Led Zeppelin bande annonce.

Un entretien inédit et touchant qui justifie à lui seul la découverte de ce film est l’enregistrement de la voix de John Bonham qui parle de son plaisir à jouer dans ce groupe dont il est apparu peu à peu comme la clé de voûte, se confiant sur sa joie sans simulacre à partager les répétitions, la scène et la présence de ces personnalités également radieuses… Que dire alors quand la narration de ces aventuriers éclaire ô combien la bifurcation dans la carrière de chacun pour la constitution de ce collectif hors du commun tient tant de la déprise des habitudes que de la prise de risques, et n’aurait, semble-t-il, sans un concours de circonstances qui paraît tenir de l’alignement des planètes, ne pas voir le jour ? Dès les premières rencontres, le sentiment partagé fut alors d’œuvrer à quelque chose de grand, qu’il ne fallait ni mettre entre parenthèses, ni brader face à l’industrie du disque comme face aux diktats de la mode, puisque Led Zeppelin à l’avant-garde allait lancer l’écriture du futur…

Led Zeppelin interprète « Whole Lotta Love » au Royal Albert Hall en 1970.

Tout alla très vite, sitôt le premier album, entonnant le chant de la beauté troublante des femmes qui rayonne, dans une convulsion aussi érotique que surréaliste, dans l’encre de chacune de ces mélodies entre ballades blues et déflagrations hard rock, laissant leurs auditeurs aussi éblouis et confus, entre ruptures de communication, départs impossibles, nécessités de renouer avec sa chérie, dans un éloge de l’amour charnel, entier, total dont le deuxième album, repoussant encore plus loin les limites du standard rock-and-roll, pour lier à la fois finesse et puissance, à la fois bestialité du corps et spiritualité de l’âme, dans une invitation au voyage comme une métamorphose de l’amour en chanson dont le titre Ramble On résonne en métaphore d’une vie en traversée désormais nommée Led Zeppelin pour les chapitres qui suivront : « Promenez-vous / Ramble on / Et c'est le moment, c'est le moment / And now's the time, the time is now / Chante ma chanson, / Sing my song / Je fais le tour du monde, je dois trouver ma copine / I'm goin' 'round the world, I gotta find my girl / En chemin / On my way »…

Led Zeppelin interprète « Stairway to Heaven » en concert à Earls Court en 1975.




Marie Alloy, Noir au fond

Avec son recueil Noir au fond, Marie Alloy nous propose un bel ouvrage associant textes et œuvres picturales (gravures et peintures), signes gravés, mots et images, avec du noir et des couleurs pour relier l’imaginaire à la réalité, l’enfance à cette vie d’aujourd’hui, le ciel à la terre si malmenée.

Il y a le noir, et puis toutes les couleurs contenues en lui. Chaque couleur de la vie, de toutes les vies, qui masque ce « noir au fond ». Marie Alloy nous livre ici sa vision de la vie, de l’enfance, la sienne et celle des enfants d’aujourd’hui, les combats menés par les migrants ou à Gaza.

Un monde en proie à la violence, un monde déréglé, et qui peut prendre sens grâce aux couleurs. C’est famine en chacun /Solitude et effroi / L’oubli indomptable

L’autrice rend ici hommage aux couleurs, en écho aux univers des artistes, peintres et sculpteurs tels Maria Héléna Vieira da Silva, Vincent van Gogh, Camille Claudel, photographes, cinéastes et poètes. Couleur des peintures, couleur des poèmes (jaune, bleue, rouge…) qui rend compte d’un monde, de son regard sur le monde.

L’autrice aime à évoquer le subtil, les nuances d’une atmosphère, la délicatesse d’un paysage, le repos d’un silence propice à la création…

Dans le silence toujours luisent / quelques poèmes prêts à naître 

Evocation de la nature et de ses lumières, grâce auxquelles nous vivons parmi les couleurs. Ces couleurs posées sur la toile, recherche possible d’une enfance disparue à jamais.

Marie Alloy – Noir au fond, Voix d’encre, 2025, 114 pages, 19 euros.

Tu veilles avec tes mains posées sur la toile / Tu veilles à poursuivre l’enfance 

L’enfance traverse le recueil. Les parents, père et mère, la solitude, la noirceur couverte des couches de peinture qui illuminent la vie.

Enfant je cueillais des bleuets dans les prés
c’était plus que du bonheur   paix et peinture
c’était dieu lui-même à la pointe des fleurs
c’était le bouquet bleu des semences du ciel 

Sous la douceur des mots et des peintures émerge un univers plus sombre, de combat et d’espérance pour un monde meilleur et apaisé. La poète s’adressant pour finir aux enfants de toutes guerres.

Que la lumière soit ton audace / et la peinture / ton Magnificat 

Un recueil qui illumine une journée, par la lumière des mots et les couleurs de l’engagement.

Présentation de l’auteur




Maria Mailat, Brancusi ad aeternitas

Douze ans après une première biographie de Constantin Brancusi (1876-1957) publiée par les Editions Transignum1, Maria Mailat nous donne une seconde étude sur le sculpteur roumain. Ce second volume vaut son pesant d’éternité par la triple ascèse du sculpteur, de l’auteure, et de l’illustratrice. 

Depuis presque un quart de siècle, Wanda Mihuleac publie des livres de bibliophilie (plus de cent cinquante à ce jour) en assurant la collaboration entre auteurs, illustrateurs, et musiciens. Evoluant du livre d’art au « livre de performance, » elle encourage les poètes à offrir leurs mots dansants à des affinités multiples. Ici il s’agit d’un livre à douze mains, commençant avec une première « traduction » de l’œuvre et de la vie de Brancusi par Maria Mailat, suivi d’une traduction du texte de Maria Mailat en roumain ; à ceci il faut ajouter la « traduction » jumelle visuelle par Natia Zhvania du texte de Maria et des sculptures de Brancusi. Il en résulte un poème récitatif accompagné d’un enregistrement sur une musique d’Alexandre Gherban, lu par Lucienne Deschamps. https://soundcloud.com/user-281565888/brancusi-ad-aeternitas-francais . Cette interpretation riche et variée sert de test décisif pour décider de la qualité poétique du texte initial/initiateur. 

Sur ce point, il n’y a aucun doute : Maria Mailat reste le maitre d’œuvre. Contrepoint des mots, observations en fugue, alternant entre détails biographiques très précis et bouleversantes confessions : l’émerveillement vient des plus humbles gestes et la fougueuse création triomphe de tous les obstacles. Brancusi, homme invisible dont les traces sur terre furent des plus modestes, légua à la France une oeuvre qui venait des « portes de l’Orient » (Bucarest) et portait le souvenir de la pauvreté et de la politique qui tuent, mais aussi des amitiés qui font vivre, telle celle qui le lia (Platon) à Erik Satie (Socrate). Maria Mailat évoque ses muses, ses échecs, et son geste « qui libère le vol de la pierre. » Elle comprend son but -- « attendre le messie, c’est le travail de l’artiste. » Le jour où l’on cesse d’être un enfant, disent Brancusi et Maria Mailat à l’unisson, on meurt. Frustré par son apparence terrienne, Brancusi fut visité par l’ange avant de s’envoler pour retrouver « le Dieu qu’ils servent. »

Tout comme le premier recueil, Brancusi ad aeternitas est guidé par la démarche artistique du sculpteur. Ce second recueil dépeint toutefois davantage l’homme d’une seule passion qui vécut en marge de toutes les conventions, et nous rappelle que le sublime requiert des sacrifices majeurs. Maria Mailat donne la parole à un artiste qui dédia toute sa vie à interroger la “forme fermée” de la pierre afin de la transcender. Elle souligne l’absolu qu’il cherchait à atteindre, souffrant dans sa chair chaque fois qu’il travaillait la pierre. Sa façon organique d’approcher la matière rappelle les murs péruviens de Sacsayhuaman et les bâtisseurs préhistoriques ; il fut, un siècle avant la lettre, un trait d’union entre les techniques architecturales ancestrales et les traditions paysannes, d’une part, et, de l’autre, la revalorisation de la nature par les écologistes et la fascination actuelle pour les civilisations anciennes. Car Brancusi considérait qu’une une œuvre était incomplète sans le travail des forces naturelles de l’eau, du vent, et du soleil. Vivant pleinement l’immensité du temps, il laissait l’eau creuser une meule – son « autel » -- au fil des jours et disait, « une goutte d’eau contient Dieu et tout l’univers ». Entouré de ses nombreux intervenants, le texte de Maria Mailat achève de libérer la poésie de Brancusi et, réussite majeure, nous cache la poète afin de mieux entendre ses mots inoubliables.

Note

  1.  Maria Maïlat, Constantin Brancusi, vu par Eva Largo. Traduit en espagnol par Natalie La Valle. Paris, Editions Transignum, 2013. 75 p. ISBN 978-2-915862-18-8.

Présentation de l’auteur




Maria Mailat, Entre les arbres, quelques images & sentiments

 

Encouragement

Un arbre chante dans ses branches,
une ombre traverse la poussière,

lève la tête, lève-la vers les cimes qui accueillent
la sérénité lavée dans les larmes des nuages.

Le poème - auge, goutte après goutte, recueille
le silence des morts assoiffés de tes souvenirs.

Les anges te laissent leurs ailes qui font corps
avec l’inépuisable pauvreté de tes espoirs.

En marge d’une bibliothèque

Imagine le geste du bûcheron avec sa hache
quand la langue saigne sur la page blanche.

Ferme les yeux et vois tomber le micocoulier,
le cèdre du Liban, le sapin, l’amandier.

                                                            - Et mon arbre ?

Privé d'un nom donné par les poètes,
c’est un arbre à moitié brûlé.

Ses feuilles rabougries rappellent mes manuscrits
avec les ratures qui les rendent indéchiffrables.

L’encre se lit dans l’écorce de mon arbre.
La mousse, le lierre et les ronces aussi.

Il n’y pas un seul jour où je peux dire sans faillir
que j’arrête d’écrire.

Je continue à gratter les mots nichés
sous ma peau illettrée.

En rêve

Je pense à toi, mon arbre debout
accroché à l’air entre terre et ciel,
à tes racines plongées dans les miennes,
celles que je porte en exil.

En rêve, je touche ton tronc et lui parle.
Ton silence me répond.

                                                     Egal à lui-même
                                                     l’arbre n’a besoin d’encouragements.

                                                     Une pluie d’été lui suffit.

Amour confiné

Amour en exil que je materne depuis tant d’années, d’où vient la voix
qui me demande de te laisser tomber, te perdre dans les anciens contes
de fées? Et de noircir tes sourires, les effacer dans mes nuits blanches ?
Devrais-je t’abandonner comme si mon cœur était le moyen de transport
d’un sentiment douteux coincé entre le ravissement des étoiles filantes
et les larmes noyées dans la boue ?

Amour-fardeau, tu peux encore jouer, me piéger, me faire tourner en
rond entre les espèces en voie de disparition. Même si l’oubli te séduit,
tu te rappelles les petites et les grandes guerres traversées dans la
caverne des passions.

Désormais, tu n’occupes plus qu’une minuscule salle d’attente ou,
plutôt, une sorte de ruine isolée en haut d’un rocher où les crocs de la
solitude nous tiennent captifs dans la gueule du temps qui n’aime
personne.

Lettre à Ossip

Et sur le seuil du silence,
au milieu de l’amnésie de la nature
Ossip Mandelstam

 

La raison a perdu le jeu millénaire contre la belle promise des foules,
la déraison vénérée avec sa progéniture, l’ignorance gavée de peur qui
pèse lourd sur la balance de la vérité.

La poésie fut expulsée de la cité de Platon et la pierre philosophale s’est
noyée dans les flots des cauchemars, dans la bave des générations de
têtards armés comme un jour normal d’apocalypse.

Sous le poids des têtes blessées, déchiquetées, trépanées, la Terre
entière s’aplatie, elle n’est plus ronde, parait-il, et le ciel se remplit de
débris, d’odeur de cadavres brulés, de sombres fumisteries.

Mais la poésie protège ses mots emportés sur un radeau de fortune,
guidée par l’étoile de la mélancolie, elle survit grâce à l’exil, tiraillée
jour et nuit, entre l’impossibilité de se taire et l’impossibilité de dire.
Son cœur bat au rythme de cette contradiction nommée aporie.

Sa beauté scintille sur une mer agitée quand les poèmes submergés de
désespoir lui posent une seule question qu’elle n’ose répéter qu’en
chuchotant: quel chant, quel silence faudrait-il inventer pour que les
hommes cessent de s’entretuer ?
 

Abda sur les traces de Miklos Radnoti

Sur la route, des poèmes – boucliers, murmurés par cœur, garde-fous
pour éviter l’abîme qui m’attend dans la puszta: armée de quel courage,
je voyage en Hongrie entre Budapest et Abda ?

L’amertume alourdit les paupières des voyageurs qui se tiennent debout
dans le couloir étroit d’un train fantôme. Je guette la gare d’Abda, lieu
banal d’une descente aux enfers.

En hébreu, le mot Abda signifie serviteur du Dieu, nom propre scellé
dans les généalogies bibliques transmises par Néhémie : Matthania, fils
de Michée, fils de Zabdi, fils d’Asaph, et Bakbukia, le second parmi ses
frères, et  Abda, fils de Schammua, fils de Galal, fils de Jeduthun
.

Et Miklos Radnoti, frère d’un jumeau mort pendant l’accouchement,
fils d'Ilona Grosz, elle aussi morte pendant l’accouchement.

Miklos, fils de Jakob Glatter, juif de Transylvanie, converti au
christianisme à Budapest, captif dans un camp de la mort en Hongrie.

Poète sans paupières, il marche neuf cents kilomètres, marche forcée,
pieds nus, en hiver.

Miklos, une balle dans la nuque, un filet de sang derrière l’oreille gauche
et le poème prostré dans ses yeux grands ouverts.

Radnoti, enterré sans nom dans le marécage de la rivière, immaculé
visage encore vivant sous la terre gelée du charnier.

Miklos Radnoti, traducteur de Virgile et Dante, polyglotte cherchant à
sauver jusqu’au dernier souffle l’amour d’une langue éblouissante.

Et quel dieu souterrain protégea son carnet de poèmes manuscrits
enseveli et retrouvé parmi les squelettes du charnier d’Abda ?

Présentation de l’auteur




Chronique du veilleur (60) : Roger Munier

Roger Munier (1923-2010) nous a laissé une œuvre d'une importance et d'une ampleur considérables. Son Opus incertum est certainement sa création la plus singulière. Elle rassemble des carnets, dont le premier date de 1980. Carnets et non journal intime, mais suites de pensées, d'impressions et de visions, toujours à la frontière de la métaphysique et de la poésie.

 

Il n'a pas arrêté cette écriture, jusque dans ses derniers jours. Cinq volumes ont été publiés de son vivant, un sixième récemment, sous le titre Si peu que rien, aux éditions Les Hauts-Fonds. Beaucoup de pages restent inédites et les éditions Arfuyen vont réaliser les éditions futures. Le septième volume vient de paraître, La Voix de l'érable, regroupant des notes de 1995-1997.

Une autobiographie sans doute, « mais qui ne serait faite que des moments impersonnels où l'être s'est senti traversé. » Moments de contemplation, selon la couleur du ciel et de la saison :

         Le cerisier en fleur, aux pétales emportés par le vent, se défait sous sa neige.
         Forêt d'été sous la pluie, gonflée de verdure sombre, moutonnante et ronde.

Roger Munier, La Voix de l'érable, Arfuyen, 22 euros.

Roger Munier saisit un instant « furtif », « lieu sans lieu du néant dans l'être. » Les grands thèmes de sa philosophie soutiennent la multitude des notations, en particulier celui du vide, qui l'obsède au sens premier du mot :

         Le vide nous entoure, nous presse de toutes parts, et nous ne cherchons qu'à faire du plein, dans le faire incessant, si humble soit-il. Ce n'est pas la nature qui a horreur du vide, qui est son liant, son milieu, jusqu'au sein de l'atome : c'est nous.

L'écrivain ne nous cache rien de cette terrible contradiction, qui résonne souvent sur le mode tragique. « L'homme est un animal qui promène dans le temps une âme égarée. »  Ce sont ces espèces d'égarements que nous suivons, dans notre lecture. La vision de Dieu même se fait « dans le Néant ». Egarements et tâtonnements, les carnets de Roger Munier semblent souvent des variations, que l'esprit et l'âme n'ont de cesse de conduire, tout en se laissant conduire.

On est proche de l'abîme. « L'abîme n'est pas loin. Il est au plus proche. Simple comme le proche et terrible comme lui. » Mais les allées et venues de Munier, au bord de cet abîme, nous attirent et même nous fascinent. Le langage les traduit, musicalement, poétiquement. Il faut laisser résonner chaque phrase, chaque syllabe.

         Une pensée. Et l'esprit immobile, pour la laisser retentir longuement. Elle n'est souvent elle-même que si elle retentit.

Dans cette mystique négative, on se sent sous la puissance d'une poésie qui peut nous élever jusqu'aux plus hautes cimes, ou nous plonger dans les plus grandes profondeurs.

         La poésie est d'abord une légère extase, qui  parfois ferme les yeux. Elle part du monde, mais n'en est plus. Si l'on allait jusqu'au bout d'elle, au lieu de se mettre à écrire, on irait aussi loin, je crois, que de grands mystiques.

Roger Munier a vécu toute sa vie dans ce royaume de poésie et de pensée, qui est avant tout royaume de solitude. « La montée de poésie est différente pour chacun. Son royaume est de solitude. »

Comme tout grand poète, il a prouvé que le plus insaisissable, dans une écriture fragmentaire d'une acuité et d'une sensibilité extrêmes, pouvait nous ouvrir « l'éternité dans le temps, l'évanescente éternité du temps. »

 

Présentation de l’auteur




Marie Roumégas, Premiers espaces, Liliane Giraudon, Pot pourri

Marie Roumégas et le silence de l'île

Marie Romégas dépeint une île sans nom, évoquant la Crète ou la Corse. Le soleil, la terre rouge et les maisons chaulées incarnent la dureté insulaire des paysages méditerranéens à travers des scènes simples et puissantes. Bien plus que derrière un objectif photographique une telle poète interroge l’imprévisible, l’improbable activés par le double désir : voir et ne pas voir. Voir enfin ce qui ne se voit pas d’emblée, pas à pas, saisir ce qui s’organise contre ce qu’il y a d’inique sous la loi qui préside à l’absence de vie. Ici l'île devient première : y voir par où ça passe où nous croyons que le monde s’engendre.

D’où ici le commencement, le recommencement, la déliaison, le dé-lire au sein de reliefs peu à peu étrangers dans leur familiarité pour lecteurs et lectrices au prix d’une incessante variation ou fuite. Pas d’événement dans les photographies (Marie R omégas ne fait pas le coup du thème ou du motif : juste des fragments de langue, fragments compacts luttant contre la décomposition ; fragments refaits de clichés retournés, d’images reprises, de mots retenus sous occlusion intestine.

Alors, peut-on parler de déroulement, de dépliement, de levée, de sortie pour reprendre ce qu’écrivait Kafka « le lieu de ma naissance », bref à ce qui fixe, qui fait référence. Écrire revient donc à instruire son propre procès dans une suite de visions, de figures de destin et de mémoire forcée de la langue que ton l'œuvre réactive sans fin.

Écrire l'île c'et donc tenter de se déplacer, faire un pas, exister comme effet du déjà initié dès de lieu. où l'auteure reconstruit des fresques afin de savoir comment c'était avant dans une telle archéologie du savoir. Des traces vibrent d'un bourdonnement d'insectes mais d'insectes qui ne disparaîtraient pas lorsque la lampe s'éteint.

Marie Roumégas, Premiers espaces, Unes Editions, Nice, 96 p., 17 €.

L’artiste du haut de la montagne - où elle s’est sans doute retirée - cherche savoir comment c’était le passé. Elle en suit les traces, reprendre à partir de là. Voici après tout un drôle d’endroit pour une rencontre mais qu’importe. Transferts, rattachements. Mais isolations idem. Dégustation en silence de mouvements qui reviennent, liés à un essieu du temps.

Réunies en scansion les poèmes forment un tour de l'île. Ils inscrivent des légendes en nous de toute sorte de toute confluence où nous ne devenons des insectes fous emportés dans ses tourbillons farouches. Nul peut dire si nous sommes alors avant après la ruine :  nous regardons c'est tout. Mais chaque image reste imprimée sur la rétine par les mots. En conséquence les poèmes sont turbulents, flotte sur l'île. Tout semble stable mais rien ne sera stable et fixe en nous. Puisque, à l'inverse de l'île, rien ne l’a jamais été et l’être ne possède pas de fond.  Mais ici les textes multiplient les images quasi premières  et dans le genre c'est bien.

 

∗∗∗

Liliane Giraudon et son road-mots-vie

Le titre Pot-pourri  malgré son acception s’’apparente, de lie, s’agrippe au genre de la poésie et sans le moindre doute possible. Toutes les sections du livre touchent directement au poème. Er l’auteure de nous aider : « C’est quoi la poésie ? On la fait avec quoi en dehors des mots ? Ça vient d’où ? Ça traverse quel corps ? Avec des retouches, des morceaux de poèmes morts, des laissés pour compte. »

Liliane Giraudon construit une conversation avec sa poésie, son temps et en toute liberté de manœuvre. Elle revient en arrière, retrouve les traces du travail de ses poèmes – exécutions, réussites, échecs. De plus un falbala   d’archives (pages de cahiers, dessins, collages, scénarios de films non tournés, morceaux de théâtre injouables, projets abandonnés) oriente avec émotion et humour vers ses derniers travaux aboutis.

Le livre construit de fait pour Liliane Giraudon le cursus de son autobiographie et de sa poésie. Les deux sont inséparables à la question « comment habiter le monde ? ». Et ses corpus livresques deviennent le réceptacle de traces qui, écrit-elle, s’agencent, « poursuivant la traque fantôme d’une forme-mouvement appelée poème. »

Sa poétique est à l’inverse du surréalisme. Tout est, au contraire, chez elle existentialiste. Qu’importe si parfois les escaliers d’un poème  montent vers un « No Exit ». Mais ses poèmes sont plus des pièces que  des cellules d’un perpétuel huis clos . Et chez elle il n’existe personne à blâmer ( sinon elle-même avec un poil voire une coupe  de  lucidité). Son travail est donc une ascèse et son œuvre rappelle parfois la sourde menace et la vulnérabilité. Dans ce but elle a multiplié les cellules souches plus que mères pour rêver d’harmonie et de paix contre  chaos et  zizanie.

Liliane Giraudon, Pot pourri, P.O.L  éditeur, 2025,  152 p., 20 €.

Saluons aussi une de ses qualités parfois superfétatoires :  Liliane Giraudon ne joue pas les “malines”, ne reste jamais en postures figées. Elle cherche - par différents agencements, dont le dessin lui-même - libérer son esprit. Indulgente pour les Don Juan elle refuse le faux-semblant et le bellâtre. Certes pour elle le geste d’écrire ne suffit pas. Ce qui compte demeure le résultat.

Son livre rappelle enfin que créer reste un acte pas une théorie. C’est une dérive voire une « pathologie sublime » quand ses mots tatouent la béance et le plein. Le tout à la suite de son et de ses temps en ses textes pliés, dépliés, parfois troués, torturés, déchirés, tournés sur eux-mêmes en nœuds de résistance, reprise, répétition, rupture. L’objectif est de sortir parfois de tout effet de réel pour creuser l’énigme, le mystérieux.  Sa poésie est donc Road-mot-vie avec parfois une  belle complicité du mensonge mais pour refuser d’exhiber son leurre.

Reste chez elle la pulsion, la force d’affect, la fragilité des femmes spiralées. Pour Liliane Giraudon la vie est une grotte. Une telle ex-petite fille devient derviche en avers, revers, évocation plus qu’exposition là où dans ce texte, la documentation est accessible sous laquelle se cache une robe rose mais sans faire tapisserie. Une araignée dans sa tête tisse sa toile. Ici l’eau bout et l’au bout aussi chez celle qui dans son agressive douceur devient la sainte diablesse dont le bât blesse. Vampire au besoin elle ne suce pas mais crache son venin, sa puissance

Sans pathos, juste avec le symbolisme de l’élan vital jamais  faire pleurer margot elle dit adieu à la petite fille en elle et veut toujours savoir comment les choses fonctionnent. Aussi bien les étoiles que le corps. D’où son intérêt pour les particules élémentaires et leurs articulations. Afin aussi que sa curiosité vis à vis de ce qui est érotique et sexuel ce qui n’enlève rien à son intellectualisme et mécanisme d’attraction. L’œuvre est avant tout un travail de découvrement, d’investigation contre l’ignorance et la superstition.

Chez elle la poésie est donc connaissance sans parler de sublimation, qui ne reste souvent qu’une habileté. Liliane Giraudon   ne manque ni d’arrogance, ni d’ambition. Elle s’affirme indépendante et affranchie. D’un côté la sans peur, de l’autre (la coupable) qui tremble. Sans doute elle se sens très bien comme ça. D’autant qu’elle sait ce qu’elle vaut :  raisonnable   intelligente et “dérangée” (qui la rend plus riche). N’est-ce pas tout compte fait la meilleure définition de la poésie ?

Ce qui est important pour une telle auteure n’est pas l’origine de la motivation de son travail mais la façon dont elle est parvenue à vivre avec. Les deux sont inséparables. Sa tache reste de se concentrer son travail par tissage d’une toile afin d’accéder à son œuvre. Elle sait jusqu’où, à travers elle, elle on peut aller. Son travail reste guidé par une seule limite : ne pas se déposséder. Passer – au besoin – à côté de la vie mais pas à côté à côté du sujet. C’est prétentieux sans doute mais elle le sait parce qu’elle est modelée par ce qui lui résiste et aussi par ce à quoi elle résiste.

A noter :  Le Centre international de poésie Marseille (Cipm) consacre une grande exposition à Liliane Giraudon à partir du 20 septembre 2025.

Présentation de l’auteur

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Cypris Kophidès, Ce monde en train de naître

Cypris Kophidès saisit le drame contemporain des réfugiés pour nous proposer un récit poétique sur les désastres de l’exode et les douloureuses reconstructions après les traumatismes subis. Le personnage d’Anna est ici la poignante figure de toutes ces femmes et de tous ces hommes ballottés par l’histoire. La poétesse, pour nous parler de ce drame, alterne habilement dans son récit des passages en vers et en prose.

Anna a fui son pays comme d’autres, sous d’autres cieux ou à d’autres époques, ont fui la Grèce des colonels, le Chili de Pinochet, la Syrie d’Assad, ou fuient aujourd’hui l’Afghanistan des talibans ou la Russie de Poutine. Anna fuit la guerre. La voici engagée, nous dit Cypris Kophidès, dans une « interminable marche/sous le gris cendre des nuages », dans « le fracas des bombes ». Avec, à l’horizon, « les fumées rouge et noir des incendies » et, tout près, « les aboiements des ordres criés ». Anna est une artiste. Dans son pays, elle peignait. Elle cuisinait aussi. Anna fuit. Elle se sauve. La voici enfin à l’abri. « La guerre est là-bas au loin/ mais cogne toujours dans les entrailles ». Dans sa folle traversée, un vers du poète grec Yannis Ritsos l’apaisait : « La paix est un verre de lait chaud et un livre posés devant l’enfant qui s’éveille ».

Dans ce pays où elle arrive et qui n’est pas en guerre, il y a Lucia et François qui tiennent une brasserie et qui l’accueillent. Deux bons samaritains qui « cherchent avec elle des locations ». De fil en aiguille, des liens se tissent avec des femmes qui « viennent d’ailleurs » et qui « elles aussi ont franchi des frontières ». Anna respire. Elle pourra même, bientôt, exposer des peintures. Mais peut-on vraiment se guérir du malheur ? La voici happée métaphoriquement par une forêt, « un monde aux lois obscures/ un monde surgi des profondeurs noires/de la terre ». Mais Anna surmontera l’épreuve, se libérera progressivement de ce fardeau. Le récit de Cypris Kophidès laisse entrevoir, au bout de la nuit, une forme de résilience après son « périple intérieur ». Anna se réconcilie avec le monde. Elle découvrira même l’amour.

Cypris Kophidès, Ce monde en train de naître, Diabase, 128 pages, 16 euros.

A travers ce portrait de femme, Cypris Kophidès nous parle, certes, d’une grande tragédie contemporaine et de ses impasses, mais elle laisse poindre de bout en bout, à travers son personnage, la force du désir. Tout est sans doute possible, en dépit du malheur, « tant que la poésie n’aura pas dit son dernier mot » (comme le dit Marc Baron dans son dernier livre). Et d’ailleurs la voix des poètes n’en finit pas de résonner dans son récit poétique. Elle cite Khalil Gibran : « La terre est ma patrie, l’humanité ma famille ». Ou encore le grec Odysséas Elytis : « Voilà pourquoi j’écris. Parce que la poésie commence là où la mort n’a pas le dernier mot ». Née d’un père grec et d’une mère française, Cypris Kophidès a de solides références.

Présentation de l’auteur

Cypris Kophidès

Cypris Kophidès est une auteure et poète franco-grecque qui vit en Touraine et en Grèce. Éditrice chez Diabase depuis 1995 aux côtés d’Yves Bescond, elle a également mené plusieurs entretiens avec Jocelyne Ollivier-Henry, Charles Juliet, Georges Bahgory et Yvon Le Men.

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Bibliographie

  • Vingt deux petits soleils (Diabase Éditions, 2019)
  • L’enfant de Trébizonde (Diabase, 2015)
  • La langue fraternelle, entretien avec Yvon Le Men (Diabase, 2013)
  • Le regard amoureux, entretien avec Georges Baghory, (Diabase, 2012)
  • Avec les Inuit du Nord Groenland, entretien avec Jocelyne Ollivier-Henry (Diabase, 2007)
  • D’une Rive à l’autre, entretien avec Charles Juliet (Diabase, 2006)
  • Philippe Gouret, L’éternité Végétale avec Yannick Pelletier et Serge Hutin (la Tempérance 1993)
  • La Nuit traversière (Éditions Chambelland, Le Pont de l’Epée, 1983)
  • A Echos Multiples (Éditions Chambelland, La coïncidence, 1979)

Poèmes choisis

Autres lectures




Paroles de résistance — Postface à La Tour des corbeaux suivi de Fait d’arme de Mathieu Hilfiger

Ce livre réunit deux textes formellement différents et apparemment sans liens au premier abord : un court récit poétique en forme d’apologue mais sans leçon, et un dialogue entre un professeur et son assistant. Ce qui les lie pourtant, au point qu’ils peuvent ne faire qu’un malgré leurs différences, c’est le thème central de la guerre qui constitue une sorte de champ de profondeur sur fond duquel les images et les pensées se déploient. La guerre est ce lieu privilégié où se manifeste le déchaînement des volontés de puissance et c’est à son exploration que travaille de façon différente chacun de ces deux textes.

Le premier, le récit de « La tour des corbeaux », installe un espace sous la forme d’une sorte de tableau, une situation de désolation comme à l’issue d’une guerre ; le second, « Faits d’armes », introduit dans ce contexte, en même temps que deux êtres humains qui pensent et qui se parlent, la nécessité de la résistance. Une résistance fragile qui repose sur le frêle appui de la liberté individuelle et le courage d’oser penser par soi-même. « La tour des corbeaux » peut ainsi se lire comme l’énoncé des didascalies du drame qui suit, sa mise en perspective.

*

Lisant « La tour des corbeaux », le récit qui ouvre le livre, on pense aux petites fables énigmatiques de Borges ou d’Italo Calvino. S’y mêlent des éléments très différents (la réalité écologique de la disparition des corbeaux, les grands mythes fondateurs, Babel, le dialogue des oiseaux de Farid al-Dîn Attar, l'actualité, Ésope, La Fontaine, Kafka etc.), dans une sorte de tournoiement des références qui toutes se lient dans un mouvement fluide, limpide, très bien écrit. Des images fortes restent après la lecture : ces paysages d'hiver avec ciel de neige traversés par des bandes de corbeaux errantes et heureuses, glissantes et croassantes, ou cette haute tour lisse, ajourée, ouverte sur l'espace et la hauteur, où la lumière et le vent ne cessent de se croiser dans un mouvement tourbillonnant.

Mathieu Hilfiger, La Tour des corbeaux, suivi de Fait d'arme, postface de Jean-Marc Sourdillon, Editions de Corlevour, 2025, 80 pages, 16 €.

Bien sûr, aucune leçon ou signification ultime n’est donnée à ce conte, comme l’exige l’art du narrateur selon Walter Benjamin. Il acquiert de la sorte comme un champ d’oscillation. Le lecteur est libre de faire résonner comme il le sent la vision du texte avec sa propre expérience, ses propres hantises. On peut penser, par exemple, à cette dérive possible qui est inscrite dans la discipline philosophique depuis Platon : viser l'absolu pour être dans la maîtrise et le pouvoir, pour coloniser le monde et les êtres une fois ceux-ci réduits à l'état d'abstraction, enfermés dans la grande tour de l'être, du langage ou de la logique. Tout le contraire de naître.

On peut penser également que cette tour de Babel des corbeaux n’est pas sans lien, par sa structure tout au moins, avec le panoptique de Bentham revu par Foucault dans Surveiller et punir, et que cette figure plus ou moins allégorique permet de considérer la volonté de puissance dans ses fondations, d’en donner sous forme d’image une sorte de modèle concret. Libre à nous ensuite d’interroger à travers elle le pouvoir sous toutes ses formes dès lors qu’il s’éprend de lui-même, tourne sur lui et nous conduit à notre propre destruction. Cette figure résonne durement dans le monde contemporain où elle pourrait s’appliquer à tant de situations : le climat, la disparition des espèces, l’assèchement des terres et la montée des eaux, les nationalismes, et notamment poutinien, les fanatismes religieux, la logique de la spéculation boursière, le palais des miroirs déformants des réseaux sociaux, le narcissisme occidental, etc. Ce texte agit à la manière d’un miroir et fait de nous des corbeaux ivres de leur intelligence et de leur capacité technologique, de leur capacité de « croascence » (mauvais jeu de mots, mais parfaitement justifié ici). Il faudrait mettre bien en vue dans nos imaginaires cette tour dressée du solipsisme et de la volonté de puissance comme la représentation du plus terrible piège que nous nous tendons à nous-mêmes et où nous tombons, parfois sans nous en apercevoir. Voilà un récit nécessaire.

*

Ce qui me frappe dans « Faits d’armes », le deuxième texte du diptyque, outre les passages à la fois poétiques et romanesques sur la vie des partisans dans la forêt ou les allées et retours entre la cabane (mi-Walden, mi-Charmettes) et l’abbaye, c’est la beauté formelle de la structure. Le dialogue présente deux récits en miroir, celui du Professeur et celui de l’Assistant. Le passage du premier au second suit très naturellement le mouvement d’un renversement du rapport de force – celui qui apparaissait comme dominant devient le dominé et, surtout, celui qui se donnait l’allure d’un authentique résistant (tout en traitant l’autre de « collabo ») se retrouve de fait dans la position du collabo  à mesure  que le véritable  résistant se révèle en face de lui  dans la figure de son vis-à-vis. Entre les deux, troisième terme absent du dialogue, sorte d’épicentre permettant l’équilibre fragile du milieu : la figure plus ou moins mythique de l’Auteur (maître plus que professeur), se nourrissant de musique, réfléchissant sur les possibilités de l’imagination, écrivant d’instinct et non pas selon les règles, quitte à introduire l’incorrection et l’irrespect dans sa propre langue… Le Professeur, qui a été autrefois son assistant, n’a pas su voir en lui un maître, et le trahit même à sa façon en en dressant un portrait-charge. L’Assistant, en revanche, sait reconnaître en lui un maître à travers le portrait déformé qu’en donne le Professeur, preuve qu’il sait interpréter. Voilà pourquoi l’annonce de la venue de l’Auteur contribue à la rupture de l’équilibre des forces en faveur de l’Assistant et préfigure le renversement final. En effet, l’Assistant ne peut pas, pour penser, s’appuyer sur une expérience qu’il n’a pas pu acquérir encore (ce que lui reproche le Professeur), mais il sait pouvoir compter sur celle d’un homme – un modèle ­– qui a déjà fait ses preuves.

Ce que ne supporte pas le Professeur, au point que c’est devenu chez lui une sorte d’angoisse et d’obsession, c’est non seulement qu’on crée du nouveau, mais surtout qu’on bouscule les règles pour le faire (par ignorance ou maladresse, selon lui), qu’on mêle le même avec l’autre, qu’on confonde (« mélange ») les expressions consacrées, qu’on introduise un menu chaos dans la langue. Très exactement ce que Paul Ricœur appelait « la métaphore vive » sous son jour positif. En revanche, parce qu’il est fils d’hôteliers, l’hospitalité a pour l’Assistant une valeur cardinale, il la place au-dessus du respect sous toutes ses formes (notamment hiérarchiques). Cette valeur dicte aussi sa relation avec les mots et les tournures dans la langue.

Pourtant, ce qui me touche le plus, je crois, dans cette histoire, c’est que la véritable raison de ce renversement est peut-être moins esthétique (la création contre l’érudition ; l’usage libre des possibilités de la langue contre le respect de la grammaire, etc.) que moral. Si le Professeur, résistant dans sa jeunesse, collabo, si l’on peut dire, ou même occupant, dans son âge mûr, est sorti de l’esprit de la résistance et de cette fidélité à l’intuition qui la fonde (ce que sont les véritables Lumières – sapere aude), s’il a trahi et son maître et les Lumières, c’est parce qu’un jour il a renoncé à la morale. Tel est l’événement à mon sens central dans cette pièce : le manquement à l’intuition éthique. Il a perdu son âme à la lisière de la forêt. Symboliquement peut-être, cela signifie qu’il est sorti de la résistance, qu’il a renoncé au recours aux forêts, lieux privilégiés des maquis. Mais c’est aussi à la lisière de la forêt qu’il a tué un jour, très froidement, un homme, d’un coup de bûche, parce que celui-ci le menaçait. S’est produite là une fracture irrémédiable, c’est le cas de le dire, avec l’esprit des forêts, les valeurs de résistance dont elles constituent symboliquement la réserve, mais aussi avec l’intuition, le sens des Lumières, l’amour des bêtes, le goût pour la musique, la confiance dans l’imagination, le sens de la douceur, etc. À la place sont venus se glisser dans son esprit, dans sa manière de penser et de se comporter, l’ambition, l’attrait pour le légalisme et le respect purement formel des règles, ou encore, dans leur sillage, le désir du pouvoir et de la respectabilité – le pouvoir de noter, de sanctionner, alimenté par le ressentiment et l’envie. Voilà ce qui arrive à qui a coupé le contact avec le mouvement de la vie en soi, l’intuition qui le guide. La sécheresse, le formalisme, l’autoritarisme et le ressentiment.

Enfin, le coup de force poétique de ce texte est, peut-être, dans la façon dont l’Assistant manifeste sa révolte et effectue le renversement dans le dialogue. En répondant « loin s’en faut » au Professeur, c’est-à-dire reprenant mot pour mot cette expression que celui-ci avait proscrit dans les copies de ses étudiants, en la faisant passer de l’écrit à l’oral, il fait exister, il actualise la liberté et en même temps la morale. Ce qui était formellement interdit ou répréhensible, voilà qu’il le fait surgir dans le face à face et la situation réelle. Il sort la parole de sa cage et de ses gonds. Ce qui est peut-être une erreur syntaxique selon Grevisse, une maladresse dans le discours oral, ne constitue pas, ne constituera jamais une faute morale ; et même au contraire, elle rétablit un courant de vie dans le langage et avec lui la dimension éthique dans la vie de la pensée, parce qu’elle actualise les valeurs et a pour effet de chasser les imposteurs.

C’est en outre exactement ce qu’elle dit, si l’on y prête attention. Puisqu’elle propose de se tenir à distance de ce qu’il faut (du moins, c’est ce qu’on peut entendre : loin de ce qu’il faut…), c’est-à-dire des règles quand celles-ci obstruent le regard et la pensée, se figent en lois au détriment du droit, enferment la vie de l’esprit dans des formes qui le stérilisent, l’asphyxient et à plus ou moins long terme le tuent. Oui, elle rétablit la liberté en même temps que la justice, c’est-à-dire la visée éthique sur la scène et dans la langue. Elle accomplit ce qu’elle dit, elle est parole performative, subversive et salvatrice. En elle, l’acte esthétique ne se sépare pas de l’acte moral. Elle est « un fait d’armes » à elle toute seule, un acte de résistance, mais sans armes et sans violence. Juste la parole, mais une parole juste. Elle ne tue personne.

Présentation de l’auteur




Julie Leroi, J’avais des palmes et une queue et autres poèmes

À l'époque où j'avais des palmes et une queue,
une lumière irradiait à travers un écran de brume, un écran
souple qui me séparait de quelque chose de fondamental. Le monde
était utile, et mon existence y participait.

Je me souviens du jour où je les ai perdues : le monde
est devenu flou
avant de retrouver, soudain,
une netteté nouvelle. J'étais passée

de l'autre côté. Ma queue était tombée, naturellement,
comme une mue, mes palmes s'étaient atrophiées
avant de disparaître. Quand je me baigne dans la mer,
elles me reviennent en pensée, mais j'ai aussi conscience

de ce qui me manque. Ce poisson est mon frère et cette eau, le berceau
de mes origines. Un coquillage dans ma poche me rappelle
que tu existes, même si
je ne te vois jamais. Il est

bleu comme tes yeux. Je l'ai
ramassé en pensant en toi, ce qui en fait la chose
la plus précieuse au monde.
Un squelette sectionné : voilà ce qui nous attend,

voilà ce qui nous unira et nous unit déjà, nous : gens
d'hier et d'aujourd'hui, gens d'hier et de demain, humains
en cette terre, terriens en cet univers
où un gigantesque trou noir a avalé le passé

lointain, avant de le recracher en un autre système
où je me baigne nue, avec toi, si beau, si majestueux,
nos palmes battant l'eau
avec tant de facilité,

nos queues s'enroulant l'une autour de l'autre dans une sublime
étreinte
que les étoiles, les planètes
n'osent même pas regarder.

Le renard bleu

Entre nous il y a un renard bleu
que chacun regarde avant de regarder l'autre.
Si nous pouvons le voir, c'est justement
qu'il y a quelque chose entre nous.

Son regard est doux,
et il sent bon et sa fourrure est infiniment douce
et infiniment chaude.
Bientôt tu me diras : que ta peau et douce !
et je te dirai : que tes yeux sont bleus
et que tu sens bon ! Avant de plonger dans le lac
où l'amour s'agite, délaissant des vagues de sueur
qui tremperont nos corps jusqu'à l'intérieur de nos cils
et de nos cheveux.

Une fois, j'ai connu l'amour profond, c'était
il y a bien longtemps. Tu es venu
remplacer cette image tout comme moi, je viendrai
réparer tes blessures, au moins
quelques unes, au moins
un tout petit peu. Je viendrai
dire à ton corps nu que rien n'est fini, et ton esprit
l'aura compris. Je me baignerai à la surface de ta peau pour que tu puisses
t'écouler plus facilement. Alors,
tu pourras contempler les contrées à partir desquelles la mer
s'agrandit, pleine du souvenir de ses montagnes et de

ce renard bleu
qui les as parcourues, longuement, avant de te rencontrer,
et de me rencontrer, et de
s'établir quelque part,
exactement entre nous.

Jeune homme dans un wagon

Dans le wagon du train, il y a un jeune homme
au joli museau, il me rappelle
un autre jeune homme
ayant parcouru l'une de mes précédentes vies, en un lieu
assez proche de l'endroit où roule ce train. Trente années
et cent kilomètres séparent ces deux jeunes hommes,
ce qui n'est pas grand-chose, ce qui est
énorme.

Même nez fin, même menton, mêmes yeux
rusés, même côté animal – un animal intelligent
vouant sa vie à la musique et aux plaisirs. Je le
regarde comme une image du passé, un passé
qu'il répète sans le savoir, et indéfiniment, comme nous tous,
y ajoutant peut-être une toute petite chose,
y retranchant peut-être une autre petite chose,
quoique cela demeure tout à fait incertain.

Il ne sait pas encore ce qu'il est
en train d'accomplir – cela, il le saura peut-être
dans vingt ou trente ou quarante ans, après avoir découvert
dans le wagon d'un train ou au milieu d'une foule ou au
supermarché, l'image d'une jeune fille appartenant à
son propre passé, une jeune fille qui ressemblera peut-être
à celle qui me tourne le dos, à présent, et qui regarde
ce joli museau, et qui rit,
rit, pensant être la première à désirer autant

le corps d'un autre, au point
de vouloir l'emplir, et de s'en emplir,
brûlant de combler le moindre de ses creux,
la moindre de ses failles.

Mon cœur est une chauve-souris

Mon cœur est une chauve-souris
prisonnière d'un exil
de néons sans arbre
sans ciel et sans cet air du soir qui
fait de nous des dieux

mon cœur n'a pas l'aile brisée
mais déchirée, il paraît que
la membrane se répare à cet endroit
il suffit d'attendre un peu
mais je pense à ce désir

qui me gonfle et me bouleverse
ce désir fou de gagner le corps
d'un autre comme on gagne le sommet
d'une montagne, ce désir fou de dire :
tu ne sais pas comme tu m'émeus

tu ne sais pas ta beauté ton importance
viens que je te dise monsieur
viens, et je t'abandonne l'eau de
ma rivière, cette eau où tu pourras
entrer la douceur de tes muscles serrés

cette eau, je te la réserve
je la réserve à la volonté tendue de tes désirs
je la réserve à ce rêve que tu as collé
à la vie, ce rêve si beau parce qu'il est si grand
si grand qu'il est perdu d'avance

Présentation de l’auteur




Jacques Cauda, Poèmes

Je lève les yeux

Sous la terre

J’ai du goût pour la lumière 

Les mains pâles

Que des choses : des phénomènes

Je lève les yeux : je n’aime pas me voir autrement

Que par petits morceaux de flammes

Brouille aux formes elles

Courent parmi nous

Sur la peau (c’est comme des âmes sur le papier)

Telle la prairie pour l’ardeur

Le feu fol pour l’ardeur

Enfant déjà des moments

Aux influences

Je me reconnais de cet œil

Sans bords

C’est le point de vue du Purgatoire 

Brillant de mille feux follets

Je marche sur le pré

J’ai tendu l’étant

La journée est finie

Ah Dieu que la guerre est jolie…

Je me promenais d’après une estampe
Du Corrège il s’agissait d’une
Allégorie de la Vertu je traversais
La vie les champs la ronce et les
Muriers noirs c’était ma condition
Sinon la guerre avait pris langue
Dans l’angoisse me disais-je en
Paressant dans l’herbe la tête
Empourprée de soleil rouge
Bien sûr l’allégorie représentait
Trois femmes la Guerre la Paix et
La Troisième pavoisant de bleu et
Jaune vêtue ne me disait rien pourquoi ?
J’avais emporté avec moi un livre
Au titre éloquent Héroïsme et victimisation
Qui commençait par les mots suivants
L’honnête homme maître de ses pulsions
Lorsque je vis un tas de bruyère
Il faisait chaud j’allais m’abriter sous
Un arbousier épineux aux côtés d’alisiers
Frais tout autour de moi les insectes
Rayonnaient dans l’air en nourrissant
Ma solitude ardente blottie dans l’ombre
Où brûlait l’image de la vertu sans doute
Étais-je le seul homme honnête capable
De comprendre la dessiccation du temps
Que rien ne venait assombrir ni les fraîches
Couleurs des fruits rouge orangé qui
Bruissaient sur mon être ni leur
Sourire de chair qui me laissa bouche bée
Ce matin-là comme un matin cocagne !

Je sentais mon œil en alerte
Maçonner la vie en rouge musculaire
Je me parlais à voix haute comme
Rempli d’espoir ah boire mon esprit
Qui se présentait dans l’ordre d’un
Discours que je pris soin de moduler
Cézanne ! La Montagne… Mais
L’herbe était si haute et
Si durs les cris d’oiseaux qu’ils m’em-
Pêchaient tout je restais dans l’herbe
Assis hébété malade de moi-même
Tandis que quelque chose une
Menace ? courait sur
La toile telle una persona rendue à
Aux démons à la Guerre jaune
Et bleu qui
Serpentait à mes pieds

Je rêvais un instant
Pour voir revoir peut-être
Ce subtil mélange indigo jaune et noir
Du même tonneau que la Diane et ses Compagnes
Vermeer de Delft n’est-ce pas
Chaste Diane trop vêtue à mes yeux
Qui l’habillaient d’une peau rose
Désemparée …

Je me réveillais nourri par une expression
Retrouvée (dans les Saintes Écritures) :
Paulo minus ab angelis
« Un peu en dessous du niveau des anges »
Chimère ! Qu’avais-je à faire
Avec le dessous des anges ?! J’étais allongé
Dans l’herbe à la dixième heure du
Jour avec l’arbousier comme couvre-chef
Fait d’épines et de fruits rouges
La lumière montrait la voie droite
Avec ce phrasé qui lui était propre
Et qui dénotait
Une calme assurance comme une
Pure splendeur
Dès lors qu’elle et Diane
S’équivalaient 

En tournant la tête posée dans
Le confort de mes cheveux qui ondoyaient
Dans le vert j’aperçus un ensemble de
Roches fessues mais longues Des roches
Bleu délavé dilué à la manière du Greco
Qui dans un curieux rapprochement
Comme mimétique
Firent de moi un être- étirement
Au gré progressif du plaisir que j’avais à
Me deviner dans la pierre
Des notes d’or tombées du soleil
Flottaient tout autour de moi
Nimbant mon Image je vis alors que
J’avais le doigt de la main droite levé
Le seul combat que nous puissions livrer
Est celui de la parole, disait-il
La main gauche tombante semblait défaite
Elle n’attendait plus rien Mes épaules
Saillaient en somme j’étais nu telle une
Âme enivrée & martyre
Du massacre jaune et bleu si joli…

CHAOS                                                                                    

Il y a des jours
Quand Chaos guerroie pour tous
Aux prix attribués
L’accourcissement des nuits
Pour garder sans vous écarter

Vous ne jugerez point car vous
L’avez fait
Vous vous collerez au
Déclin du soleil quand
Il sera

Tous vos efforts
Pour dire à la frontière
De peur des ossements
Alerte
Avec dix mille hommes

Et c’est après quoi
S’il y a une sortie
Dans la cour extérieure
La haine montera sur vous
Il sera

Souvenez-vous
Par le charbon et l’anthracnose
Sur le bois écrit
CHAOS
Et vivez vous

Il foule les tertres
Son nom vertical
Archi-tombal
Sans le jardin multiple
Cette charge de malheur

Prenez et mangez
Les faces de la terre
Les mains à l’œil au soleil
Faites étinceler la razzia contre le rude
Triomphe comme un feu

Exilé de sa glèbe
Si c’est en ce jour
Le voici non par la soif d’eau
Mais avec persistance
L’étain pris aux entrailles

Agrandir vos bouches
Prenez & mangez
Car le mal descend
Quand il faut saisir
Le vin pour qui va droit

Ô bovins suspendus
Machines maisons encloses
L’en-tête de la faute ici
Parmi vous
Ce ne sera plus le repos

Le jour de détruire
À jamais sa narine dans
Le passé sans parenthèse
De la mer à la mer
Depuis là

Le souffle vous l’avez entendu
Monté sur un âne
Il sera
En vos cœurs aux quatre coins
Comme le messager

Reste liquide long et délié
Prenez et buvez
La cape de bave près de la félonie
Gloire à son nom
Réponse/cendres

Longueur de narines
La mangeoire est pleine
Ceci est
Comme neige en été pluie à la moisson
Vous claudiquez langues médisantes

Encore des exemples
Le sort de votre maison
D’une terre lointaine
À l’angle d’un toit
Prismes

Rumeurs qui consacrent le carnage
Miel & entête des douleurs
Avalez et voyez
Ainsi soit-Il

Présentation de l’auteur

Jacques Cauda

Jacques Cauda, né à Saint-Mandé le 9 juillet 1955, est un peintre, écrivain, poète, éditeur, photographe et documentariste français.

Parallèlement à des études de philosophie, il poursuit une formation de réalisateur. À partir de 1978, il réalise pour les télévisions française, algérienne et canadienne une trentaine de documentaires.

En 1998, il interrompt sa carrière de documentariste pour commencer à peindre. Il crée un nouveau courant pictural: le mouvement surfiguratif1 dont il exposera les grandes lignes dans un manifeste "Toute la lumière sur la figure", éditions Ex Aequo, 2009.

« Surfigurer », écrit-il, « c'est prendre pour objet des sensations dont la source n'est plus le réel mais sa représentation rétinienne. Le monde est devenu une image et le peindre, c'est réécrire cette image ». C'est pourquoi, il utilise le plus souvent le pastel à l'huile qui a la particularité de se pratiquer comme une écriture sur une feuille de papier. Il renoue ainsi avec le ut pictura poesis des Anciens: la peinture est aussi une poésie.

Le mouvement surfiguratif est aussi évoqué par l'économiste Nicolas Bouzou dans son ouvrage "On entend l'arbre tomber mais jamais la forêt pousser", J.C. Lattès, 2013, dans lequel il montre que l'homme, grâce à la surfiguration, reste supérieur aux machines comme les machines à fabriquer des images qui sont en passe de tout envahir.

Marc Ellsmore écrit à propos de Jacques Cauda in Electric Gallery: " L'enjeu de sa peinture est de redonner une figure au monde!"

Ses œuvres, exposées et commentées2,3,4,5,6,7 à Londres, Amsterdam, Genève et Paris, rencontrent un public international8,9,1, qui y a tout de suite reconnu cette émotion première que procure le tracé du tout premier trait qui est à la naissance de l'art.

Il poursuit également une activité d'écrivain. Dans Vox Imago, roman à plusieurs voix, il met en œuvre sa théorie de l'écriture polymorphe. Le style doit être au service du sens, la forme être l'effet du fond. Théorie qu'il "illustre" par ailleurs dans plusieurs de ses nouvelles, au style toujours différent selon le sujet qu'elles traitent. Le roman n'est pas son genre, sauf à le déconstruire. En découdre et récoudre la langue à même la forme: voici Comilédie, paru 100 ans après l'urinoir de Marcel Duchamp auquel il fait référence, c'est un chef-d'œuvre qui est à rapprocher des écrits des fous littéraires selon la classification établie par André Blavier. Structuré comme un solo d'Albert Ayler, Comilédieest écrit à la manière d'un nouage du langage sur lui-même tournant dans une structure en spirale10,11,12.

Il dirige la collection LA BLEU TURQUIN chez Z4 éditions.

 

Publications

Vers un effort visible, poésie, L'Échappée, 2002

Toute la lumière sur la figure, essai, Éditions Ex Aequo, 2009

Vox imago, roman, m@nuscrits Léo Scheer, 2009 et éditions Praelego, 2010

Lou, nouvelle, premier prix de la ville du Pecq, 2011

Je est un peintre, poèmes, Jacques Flament Éditions, 2012

Le bonheur du mal, poèmes, Kirographaires, 2012

Point de dimanche, nouvelle, Jacques Flament Éditions, 2013

Tous pour un, roman, Numériklivres, 2013

Amor', poèmes, La Matière noire, 2014

Le BunkerNo 4, témoignage esthétique, Jacques Flament Éditions, 2015

Le Déjeuner sur elle, texte, éditions la Belle Époque, 2015

Les jouets rouges, poèmes, éditions Contre-Ciel, 201613

Quand? Chant du Z, chanson de geste, Z4 Éditions, 201614

Elle & Nous, poèmes & illustrations, éditions Flammes Vives, 2016

Comilédie, roman, éditions Tinbad, 201715,16,17,18

Ici le temps va à pied, poésie, prix spécial du jury Joseph Delteil, éditions Souffles, 2017

Les Caliguliennes, récit, avec des photos de Élizabeth Prouvost, Les Crocs Électriques, 201719,20

ORK, roman, éditions La P'tite Hélène, 201721

OObèse, roman illustré, Z4 Éditions, 201722,23

L'amour la jeunesse la peinture, nouvelle, éditions Lamiroy, 201824

P.A.L., récit, avec des photos de Alexandre Woelffel, Les Crocs Électriques, 201825,26

Vita Nova, récits, éditions Unicité, 201827

La vie scandaleuse du peintre Jacques Cauda, roman graphique, Les Crocs Électriques, 201828,29

LA TE LI ER, essai, coll. « La diagonale de l'écrivain », Z4 Éditions, 201830

Les Berthes, poèmes, coll. « Les 4 saisons », Z4 Éditions, 2018

Peindre, poèmes, avec une postface de Murielle Compère-Demarcy, Atelier Cauda, Clap ! éditions Tarmac, 2018

Le Trou, nouvelle, avec deux illustrations, éditions Furtives, 2018

Mosca Moncul, petite histoire de l'art, avec deux illustrations, éditions Furtives, 2019

Les cinq morts de Paul Michel, nouvelle, collection Opuscules, éditions Lamiroy, 2019

AniMots, poèmes illustrés, Hors Série no 2 des éditions Chats de Mars, 2019

Sale trine, poème, avec une illustration, éditions Furtives, 2019

Profession de foi, récit, éditions Tinbad, 2019

Moby Dark, roman, éditions L'Âne qui Butine, 2020

Pigalle, nouvelle, éditions Les Cosaques des Frontières , 2020

Rue des Pyrénées, nouvelle, collection Crépuscule, éditions Lamiroy, 2020

 

Illustrations

Bloganozartno 2, 4 et 6, revue, dessin de la couverture du no 2, illustrations dans les no 4 et 6, 2015, 2016, 2017

Cahiers de Tinbadno 2, 3, 4 & 5, revue, dessin de la couverture des no 2 et 5, illustrations dans les no 3 et 4, 2016/2017

Nouveaux Délits, revue, dessins, 2015

Dans la course hors circuit, poèmes de Murielle Compère-Demarcy, illustrations et couverture, éditions Tarmac, 2016

Cut, théâtre, texte de Philippe Thireau, illustrations, Z4 Éditions, 2017

FPMno 14, revue, illustrations, éditions Tarmac, 2017

Là où l'humain se planque, nouvelles de Angèle Casanova, dessin de la couverture, éditions Tarmac, 2017

Nous étions de ceux-là, poèmes de Julien Tardif, dessin de la couverture, éditions Tarmac, 2017

Ffwl Lleuwno 11, dessins, 2017

Femme de lui, roman de Bernard Sarrut, dessin de la couverture, Z4 Éditions, 2017

Les Tondues, texte de Perrine Le Querrec, illustrations et couverture, Z4 Éditions, 201731,32

Poèmes du vide, poèmes de Daniel Ziv, illustrations, Z4 Éditions, 2017

Gibier fantôme, roman de Pierre Lepère, couverture et frontispice, Z4 Éditions, 2018

L'Assassin et son double, roman de Pierre Lepère, couverture et frontispice, Z4 Éditions, 2018

Communication prioritaire, essai de Alexo Xeridis, couverture et illustrations, éditions Tarmac, 2018

Bob l'Amerloc, roman de JeF Pissard, couverture, éditions Jerkbook, 2018

Le manège, roman de Thierry Radière, couverture, éditions Tarmac, 2018

W.B. Yeats, poèmes traduits et présentés par Claude-Raphaël Samama, portraits, éditions Pétra, 2018

Aibalam, conte poétique Marcos Malavia, couverture et illustrations, éditions Raison et Passions, 2018

Alchimiste du soleil pulvérisé, poème pour Antonin Artaud, Murielle Compère-Demarcy, couverture et illustrations, coll. « La diagonale de l'écrivain », Z4 Éditions, 2019

Méta mor phose ?,Alain Marc, couverture et portrait, Z4 Éditions, 2019

L'évangile bleuNuit, chant de Christian Edziré Déquesnes, couverture, Z4 Éditions, 2019

Cahiers Octave Mirbeau, no 26, dirigés par Pierre Michel, couverture, 2019

L'homme qui entendait des voix, récit, Éric Dubois, éditions Unicité, couverture, 2019

Le Cafard hérétique, hors-série no 3 consacré à Jacques Cauda, éditions Lunatique, 2019

 

Prix

Mention spéciale, Institut académique de Paris, 1984

Toile d'or 2010

Premier prix de la nouvelle, Le Pecq, 2011

Arward d'honneur, Park Art Fair International, 2011, 2012, 2015, 2016

Diplôme d'honneur, Biennale d'art contemporain ERYA, 2012

Prix Joseph Delteil, prix spécial du jury, Montpellier, 2017

 

Poèmes choisis

Autres lectures