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Nuno Jùdice, éditions Potentille

Les amateurs de poésie, de celle qui s’écrit maintenant, seront heureux de retrouver Jùdice, grâce aux éditions Potentille et à la traduction associée de Lucie Bibal et de Yves Humann, traduction réalisée en collaboration avec le poète. Ce qui devrait être une règle en ce domaine. On connaît Jùdice grâce à certaines de nos bonnes revues, ainsi Arpa, et à la collection Poésie des éditions Gallimard, collection qui comporte un volume du poète portugais : Un Chant dans l’épaisseur du temps, dans la traduction de Michel Chandeigne, lequel a fait beaucoup pour faire connaître la littérature portugaise contemporaine en France. On trouvera aussi, avec un peu de chances, divers recueils édités chez Fata Morgana, Dumerchez ou Le Taillis Pré. Cet intérêt éditorial, de la part de ces maisons là, est un signe qui ne trompe guère.

Ce récent recueil du poète, Le mystère de la beauté, est d’une très grande beauté. Comme un recueil de maturité, concentrant en une trentaine de page la sève de toute une poésie. Des textes qui sont à la fois poésie et poétique, tant le théoricien Jùdice, celui qui pense la poésie, parvient ici à transfigurer en vers cette pensée du poème. Ce qui permet aux traducteurs de dire ceci :

« L’écriture de Nuno Jùdice consiste en la mise en poème d’un rapport décalé au réel, qui ouvre les potentialités de la langue au « mystère de la beauté ». Avec le temps, la phrase s’est épurée, le style est devenu plus sobre, mais les visions gagnent encore en puissance évocatrice, et les pensées en fulgurance ».

C’est en effet ici que se joue l’enjeu de la poésie de Jùdice, dans l’émergence du réel et de la beauté, depuis la « réalité », dans la poème. Et l’enjeu, maintenant, en une époque de bavardages insignifiants, est loin d’être mince :

 

La recherche de l’absolu, la conquête de la beauté,
la rencontre de l’immatériel, etc., tout faisait partie
d’un projet initié à l’aube. Cependant,
les premiers rayons du soleil, et la possibilité
de contempler cet instant où l’astre
émerge de la mer et s’empare du cercle céleste,
produisent un brouillard qui obscurcit
l’imagination, l’empêchant de quitter l’intérieur
de l’esprit pour se diriger vers le centre du papier, où
les mots porteraient le reflet
de ce projet élaboré durant la nuit.

 

Une poésie qui plonge ses racines dans le cœur même du réel, dans le chant qu’est le Poème du réel : 

 

L’absolu s’est manifesté dans un verre
d’eau, quand le soleil est apparu derrière un nuage
et lui a donné un éclat inattendu dans le plus gris des matins.