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OÙ DON QUICHOTTE DÉCIDE DE MOURIR

 

Cette journée je l’ ai distinguée des autres
L’ ai prise avec moi dès le matin, l’ ai traînée dans nos contrées
       boueuses qui furent autrefois des forêts
Lui ai jeté des pierres avec mépris comme à un chien errant, l’ ai
       noyée deux fois dans la rivière
L’ ai laissée pendue aux branches nues d’ un arbre pour que
       s’égoutte sa bile dans la nuit
Quelle nuit, sinon celle digne de l’ homme triste
Vêtement de l’homme insignifiant, du plus mal bâti
Qui marche encore dans son délire sachant qu’il accomplit un
       exploit
Et embrasse les genoux des passants et enivre sa journée pour
       oublier
Les moulins d’ hier, la promesse d’ une île à soi, leurs rires
       derrière les portes
Elles me furent toujours closes, inaccessibles, les portes du
       paradis, c’est pourquoi
J’ ai mis ma journée à la fenêtre et l’ ai priée de se jeter du
       Troisième dans la rue
Car à quoi bon vivre en vérité s’ il n’ y a pas des rêves
Destinés au feu, une tendre fosse pour nos chutes, et les lettres
       quotidiennes
Au Père.

 

 

Traduction de Michel Volkovitch