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Palm-Cove

 

Avant que l'or ne fleurisse aux boutonnières de la nuit
A l'heure où le crépuscule écorche le soleil
sur les lagons où fleurissent les coraux
avant que la tête sans corps ne dévore l'astre du jour
pour pondre de son cou tranché
le zéro exsangue d'une lune blafarde
au-dessus de Palm-Cove
j'erre au milieu des sépultures et j'observe
l'immobilité des échassiers debout
sur leurs jambes d'araignées d'eau
marquant de leur sceau les tombes silencieuses
Rien ne trouble l'inquiétude diffuse
qui sourd du sol en forme d'interrogation
Les gisants ont perdu leur langue avec leur sang sucé
Les pierres parlent à leur place et elles énoncent
de brèves biographies muettes
entre les parenthèses de deux dates
Le vent nettoie l'espace et balaie la mémoire
Les oiseaux seuls demeurent immobiles
sur leurs longues pattes grêles
à l'affût d'on ne sait quelle pitance
d'on ne sait quelle âme égarée
Je me demande lequel de ces maillons de vie
étendus sous les dalles inertes
s'est métamorphosé en tore incandescent
pour irradier la nuit du vide
Celui pour qui la chair et les os sont des vitres
celui qui traverse les murs sans effort
celui pour qui la pensée des autres est un livre
celui qui ne distingue pas l'ange de la bête
celui qui nie l'homme à travers l'étincelle
celui dont une langue de feu lèche le cœur
au royaume des brasiers où l'ombre même brûle.