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Paola Pigani, Indovina

 

Indovina semble vouloir signifier devine ou la voyante, selon le contexte : je ne maîtrise pas l'italien. Le mot ici est le titre d'un recueil de poèmes, la polysémie n'est d'aucun secours. Mais le titre d'un livre de poèmes est toujours énigmatique. Alors, il faut faire avec…

    Ce recueil est composé de deux suites de poèmes : Indovina qui donne son titre à la plaquette et Ailleurs naît si vite. Dans Indovina, Paola Pigani ne semble pas se préoccuper du vers car le poème est "standardisé", il n'est à première vue qu'une succession de vers libres "standards" de longueur inégale correspondant à des groupes grammaticaux. Ce n'est pas sans charme, mais cela manque de rigueur, du moins à mon goût. Cependant cette poésie reste très actuelle comme dans La voix des migrants qui dénonce les dérives racistes et sociales de la société contemporaine tout en jouant habilement de l'effet de surprise : "Je cherche la bonté" dit le dernier vers… D'ailleurs, Paola Pigani explore cette veine en opposant les notations ponctuelles comme dans Le costume de Diégo ou d'autres poèmes comme Piazza del Veneto. C'est là que Paola Pigani donne le meilleur d'elle-même et que le poème est le plus construit.

    J'ai préféré Ailleurs naît si vite, ensemble de poèmes consacrés à ces silhouettes qu'on ne voit plus dans nos villes tant elles sont devenues banales bien que toujours dérangeantes : je parle de ces immigrés réduits à mendier leur pitance. Pas d'angélisme dans mes propos : je sais les maffias, les pickpockets du métro, les vols à la tire… Mais je sais aussi l'enfant qui a faim, la mère qui aime son enfant et les rencontres imprévues précieuses par leur richesse… Et c'est cela que je retrouve dans les poèmes de Paola Pigani qui dit les choses avec une grande économie de moyens en évitant d'apitoyer son lecteur. Car elle dénonce le sort fait à ces Rroms qu'elle met en évidence. Si la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, elle ne manque pas d'élever la bouffe en compétition et d'être fière de ses grands restaurants auxquels n'a accès qu'une minorité friquée ! J'arrête d'épancher ma bile car ce torrent de fiel ferait un bien piètre texte ! Paola Pigani dit crûment ce qu'elle voit dans la ville et soigne la chute de ses poèmes (comme dans Quatre CRS… ou Deux petits garçons…, par exemple).

    Sommes-nous encore fiers du temps qui ne coule pas sur nous ? C'est la question que je me pose à lire la poésie de Paola Pigani… Indovina (la devineresse ?) est un recueil que j'ai apprécié, malgré les réticences exprimées plus haut.