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Papillons de nuit

 

Papillons de nuit, oiseaux de nuit, pensées de nuit
à la frontière entre le sommeil et la veille,
entre l’audible et l’inaudible.
Tu marches comme un autre, semblable à toi
et différent,
ton grand, doux et gris
sosie, demi-sommeil
sur la corde raide, le silence
grand ouvert de part et d’autre.

 

Et toujours tu tombes, mais toujours
tu t’endors avant
de toucher le fond de ce silence.
Sans voir cette autre terre
obscure
l’herbe les arbres le soleil
sous les vagues.
Sommeil aussi est un mot
trop ancien et trop grand.
Mais il n’y en a pas d’autre.
Le cœur ne joue pas,
ne suit pas les pensées.
Il se reflète dans l’eau
à gauche du pont à côté de la vieille lune
et bat doucement
presque inaudible
derrière le rideau tissé
avec les bruits et le silence de la nuit.

 

 

Extraits de Öölinnud – öömõtted [Oiseaux de nuit - pensées de nuit] (1998).
Traduit de l’estonien par Antoine Chalvin.