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Parcourir l’Atlas, suivi de Géographie intime des bords de mer, Jean-Luc Le Cléac’h

Comparer un atlas à un livre de poésie : il faut s’appeler Jean-Luc Le Cléac’h pour l’écrire en préambule au merveilleux livre qu’il vient d’écrire. « L’atlas se parcourt comme un recueil de poésie : aux continents, aux montagnes – blocs de textes, strophes massives – répondent les mers et les océans qui évoquent le « blanc » dont s’entoure l’écriture poétique ».

Voilà qui est dit. L’auteur peut donc prendre son bâton de pèlerin et nous entraîner – à sa suite – dans une découverte inédite des cartes de géographie et des atlas. Inédite, car on ne connaît pas d’auteurs qui se soient engagés, de cette manière, sur ce terrain-là (si l’on excepte le grand géographe Elisée Reclus). Car de quoi s’agit-il ? De voir dans l’atlas, comme le dit Jean-Luc Le Cléac’h, « un objet de clarté » qui « accroît la compréhension, l’intelligence du monde où nous vivons ».

Dans l’atlas, Le Cléac’h est « sensible à ces noms qui résonnent comme des œuvres musicales ou des titres de poèmes ». Et de citer, par exemple, « le golfe d’Ostrobotnie », « le désert de Takalamakan » ou encore « la dorsale de Lomonossov ». L’atlas est « un bonheur élémentaire », dit-il encore, « un bonheur fait de papier, de couleurs, de formes ». Il s’émerveille et se laisse aller à des douces rêveries, jusqu’à établir des analogies entre l’épiderme humain et la surface de la terre.

Plus profondément encore, la carte et l’atlas « renvoient », selon lui, « à la réalité du monde (…) à son épaisseur irréfutable, à une époque où domine la tyrannie de l’apparence ». On comprend donc  l’effroi de l’auteur à l’idée que la carte et l’atlas puissent un jour devenir exclusivement virtuels.

Car Jean-Luc Le Cléac’h ne se contente pas de parcourir des yeux l’atlas ou la carte de randonnée. Il a cette dernière dans sa poche pour ses virées au long cours dans les terroirs de France ou le long des côtes de Bretagne. Sa Géographie intime des bords de mer, qui prolonge son regard d’esthète sur les atlas, illustre avec bonheur cet art de la contemplation qu’il cultive chemin faisant. Sur l’estran, dans la ria, dans la vasière, dans l’estuaire, ou, tout simplement au bord d’une mare d’eau de mer. Il parle de tout cela avec ferveur depuis son pays natal, la Cornouaille.

 Dans cette manière si particulière de s’approprier le monde, l’auteur retrouve le tropisme des écrivains voyageurs qui voient dans la randonnée autre chose que des kilomètres à parcourir. On pense à Michel Jourdan, Jacques Brosse ou Yves Leclair. Sans oublier Denise Le Dantec, voyageuse immobile sur l’Ile Grande. Comme elle, Le Cléac’h fouille dans l’infiniment petit sur le sable ou dans la laisse de mer. Mais c’est pour mieux nous donner la mesure exacte du vaste monde. « Il n’est pas interdit, il est même bon parfois, de se sentir n’être qu’un point minuscule sur terre », note l’auteur. Sensation notamment ressentie en baie d’Audierne quand il arpente « plusieurs dizaines de kilomètres de sable fin et de galets lisses sur le haut des plages ». C’est « la peau du monde qu’il explore ». Celle que les atlas « excellent à nous restituer ».