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Parrot from Columbia

 

Jolie voix. Jolies plumes. Mais j'ai dû

te vendre à Willie d'Afrique du Sud -

Il n'a pas osé non plus te porter chez lui,

même gratuitement, même avec une prime. Alors je t'ai amené

 

à Pékin, où tu as changé à peine passée la frontière.

Maintenant que tu es dans ma chambre tu ne veux même pas

me dire deux fois bonjour. Tu as appris le self-control, l'autocensure,

comme un poulet châtré. Tu vérifies autour de toi

 

avec tes  yeux,  avec ton nez, et tes oreilles.

Si mes voisins disent Oui, tu sortiras un Non

de ma bouche. Si je dis quelque chose à voix haute, tu l'effaceras.

Tu effaces mes mots tous les jours et tu les manges,

m'épargnant de t'apporter des vitamines avicoles

Si bien que je reste assise et écris encore quelques lignes.  Tu te penches

 par-dessus mon épaule, jettes un coup d'œil, si quelque chose

paraît délicat à tes yeux, tu pousses un seul cri perçant,

si  ton nez le trouve délicat, tu cries deux fois

et trois fois si c'est délicat à tes oreilles;

 

Tu as toujours l'odeur des chewing-gums à la menthe,

mais à Pékin,  tu les avales,

tandis qu'à Medellin tu les crachais sur les soldats

et les politiciens - là, J'avais dû te sauver  du

marché de la poésie.

(traduit par Marilyne Bertoncini)

 

 

Lovely voice. Lovely feathers. But I
had to sell you to Willie from South Africa —
he didn’t dare to take you home either,
even for free, even if with a bonus. So I brought you to

Beijing, where you changed as soon as you crossed the border.
Now you’re in my room but won’t even say good morning
to me twice. You’ve learned self-control, self-censorship,
like a castrated chicken. You check around

with your eyes, your nose, and your ears.
If my neighbors say Yes, you’ll take No
out of my mouth. If I say something loud, you’ll erase it.
You erase my words everyday and eat them,
saving me time from bringing you bird vitamins

so I sit here and write a few more lines. You lean
over my shoulder, peek, if you see something
sensitive to your eyes, you screech one time,
if sensitive to your nose you screech twice
and you’ll screech three times if it’s sensitive to your ears.

You still smell like spearmint chewing gums,
but in Beijing you swallow them,
whereas in Medellin you spit them out on the soldiers
and the politicians — I had to rescue you
from the poetry market there.

(translated by the author)
 

 

 

哥伦比亚的鹦鹉

 

仍然是羽毛光滑,伶牙俐齿,仍然是二级保护对象,
而我不得不把你转手,廉价卖给南非诗人——
倒给钱他也不肯带走。于是我不得不把你带回北京,

而你进了家门不治而愈,连早安都不肯多说一句——
你学会了节制,学会了自我审查,净身
的种种程序,我开空调你会查一下电阻丝。你察言观色,

邻居说“是”,你从我口里删除“不是”,
我若说出带颜色的暗语,你马上擦掉。你把橡皮擦
当早餐,省去我打开一罐鸟维他命的时间,

于是我坐下又多写几行。你趴在我肩上,偷看,
看得顺口不顺眼的,你叫一声,看得顺眼不顺鼻子的
叫两声,顺鼻子不顺耳的叫三声,你声音

仍然有口香糖的薄荷味,只不过在北京
你爵完了吞进喉咙,而在哥伦比亚,你吐在军人脸上,
政客鼻子上——我曾用五硬币把你从麦德林早市救出来。