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Passage en revues. Autour de : Sand n°8, La main millénaire n°6, passage d’encres (série II) 03 et Friches n°114/114 bis.

La revue Sand, sous titrée « Berlin’s english literary journal », est une revue de langue anglaise, très ouverte à la poésie, publiée à Berlin et disponible dans la majeure partie des librairies et des lieux culturels qui comptent, in ou off, dans la capitale européenne de l’art, sous toutes ses formes, y compris inconnues ou invisibles. Il faut avoir mis les pieds dans cette ville pour comprendre cela. C’est une revue de très haute tenue, qui contribue à l’animation et la vie littéraire berlinoise (par ses « party »), et son huitième opus ne déroge pas à l’habitude. L’éditorial de sa rédactrice en chef, Lyz Pfister, annonce la couleur : « This issue of Sand is a fire with a slow burn », après s’être demandé « What is there is too much dark ? ». Et en effet, Sand explore ici, à travers les voix poétiques choisies, l’état contemporain de nos êtres. Cela ne va pas sans ténèbres. Cela ne va pas non plus sans motifs d’espérance. Le fil est ténu qui se faufile discrètement entre blancheur et noirceur. C’est un espace dont, pour de multiples raisons, Recours au Poème se sent et se sait proche. On ne sera donc pas étonné d’y retrouver deux poèmes de Matthieu Baumier, traduits par Elizabeth Brunazzi, dont l’un est dédié à Joël Coutura, ancien directeur du Musée d’Aquitaine, historien des idées et de la franc-maçonnerie bordelaise, à laquelle il consacra plusieurs ouvrages importants peu avant de nous quitter il y a une vingtaine d’années, trop jeune, des suites d’une maladie rare. Un poème très émouvant qui ne pourra que rappeler la silhouette de Coutura à ceux qui ont eu la chance de rencontrer cet homme. Bien sûr, Sand ne publie pas que de la poésie ; c’est cependant sur cette forme de recherche en dedans des mondes connus et inconnus, visibles et/ou voilés, que nous devons ici insister, tel est l’objet de ce déploiement de forces résistantes qu’est Recours au Poème. On lira donc avec bonheur les poèmes du poète islandais Valgerdur Thoroddsdottir, ceux aussi du norvégien Jan Grue, ou bien encore les Notes for Jack Schaefer de l’américaine Shane Michalik et Two possible ways Michael Regime fell in love with language de cet autre poète américain qu’est Travis Vick. Tout cela est fort riche et montre que la poésie n’a pas de frontière (s), ce dont nous ne doutons aucunement au sein de Recours au Poème, bien que cela soit souvent peu évident en France, ce pays où « ne pas avoir de frontières » signifie trop souvent, du moins en terres de poésie, avoir l’ego centré sur le centre de Paris, une agréable ville de province. Nos pages sont tout le contraire : un regard porté vers les ailleurs. Et ils n’ont aucune limite imaginable.

Sand n°8 automne 2013
Adresse : Sand Journal. Donaustrasse 50. 12043 Berlin.
Mail : info@sandjournal.com
Site : www.sandjournal.com
On retrouve aussi la revue sur Facebook en tapant « sand journal ».

 

Superbe sixième opus de La main millénaire, revue de poésie orchestrée par Jean-Pierre Védrines et ses amis, une revue maintenant fermement installée dans le paysage de la poésie contemporaine. À découvrir de toute urgence pour ceux qui ne la connaîtraient pas encore. Ce volume s’ouvre sur un bel ensemble signé James Sacré, Des photos pour écrire :

 

Le souvenir touche

À quelle inquiétude du présent vivant ?

 

écrit le poète, avant de céder la place à des voix nouvelles (en La main millénaire) : Jean-Michel. Harron, André Ughetto, Nathalie Bénézet, Pascale Rivray-Coupard, Jean-Marc Barrier. On méditera ainsi sur ces vers du poète André Ughetto, par ailleurs maître d’œuvre de cette autre revue du sud qu’est Phoenix :

 

Au confluent du sec et de l’humide
des racines à nu se meurent du regret
d’une rivière lente. Mais l’œuvre au noir
promet le vert d’une résurrection
par la comptine de nos rondes saisonnières.

 

Il y a quelque chose de cette alchimie initiatique, de cette profondeur du poème humain, dans l’existence même de La main millénaire. Ses pages donnent aussi à lire des poètes déjà croisés dans les numéros précédents, ainsi que parfois en diverses revues, comme Jacquy Gil, Ida Jaroschek, Quine Chevalier, Patrick-Pierre Roux. Dans ce haut concert, une mention toute spéciale pour les textes de Jean-Claude Xuereb et Matthieu Gosztola. On lira aussi avec bonheur la rencontre entre Jeanne Sétian et Philippe Jaccottet et un intéressant dossier consacré au peintre Pierre Cayol, au sujet duquel Marc Alyn écrit : « Il sait de source sûre que la matière s’achemine vers l’esprit et l’âme vers l’Amour, ce qui confère à ses tableaux une dimension secrète du bonheur ». Tout est dit.

La main millénaire n°6, été 2013
Abonnement 3 numéros : 36 euros
Le numéro : 15 euros
Mail : jean.pierre.vedrines@cegetel.net

 

 

Le numéro 03 de la revue passage d’encres (série II) s’intéresse aux transitions. Passage d’encres est une fort belle revue, emmenée par Christiane Tricoit, que je croise depuis une douzaine d’années, au format grand cahier. Il y a déjà une longue histoire littéraire derrière les pages de cette revue, pour les auteurs publiés, nombreux à suivre des chemins sûrs (Christiane Tricoit a toujours ouvert les pages de sa revue aux voix nouvelles ou décalées, qu’elle en soit ici chaleureusement remerciée), comme pour le développement mené sous forme de livres. On se dirigera ici pour un entretien avec Christiane Tricoit au sujet de l’aventure pour le moins extraordinaire qu’est son navire revuistique et éditorial. L’objet de ce numéro est de « passer le pont », une autre manière de dire « transition ». La revue s’ouvre sur un ensemble poétique signé Yves Boudier, La seule raison poème,  extrait d’un recueil à paraître l’année prochaine dans la collection « Action poétique » du Temps des cerises, texte à la force toute entière contenue dans son évocation de l’eau, du sel et de la spirale. Viennent ensuite des textes très divers, passage d’encres ne craignant jamais les limites et ne s’occupant que peu des étiquettes de genre à la mode (ou non). On croisera donc, entre autres, les voix de  Philippe Di Meo (à propos de Zanzotto), du neurobiologiste Herbert Axelrad, du psychiatre Luciano Bonuzzi ou du géographe Jean Radvanyi. Le tout est accompagné d’œuvres artistiques. Cela n’en fait pas une « revue de poésie » diront de prétendus puristes. Je répondrai que l’on se fiche des puristes, et que la poésie n’est pas dans le mot. Elle est dans l’état de l’esprit. Ce même état de l’esprit qui anime passage d’encre depuis près de vingt ans.

 

Passage d’encre, série II, 03
Moulin de Quilio. 56310 Guern.
Le numéro 20 euros
Abonnement deux numéros + un hors série : 20 euros.
Mail : passagedencres@wanadoo.fr
Site :
http://www.inks-passagedencres.fr

 

Autre revue à la riche histoire, Friches. Cahiers de Poésie Verte publie son numéro 114/114 bis, sous la houlette habituelle de Jean-Pierre Thuillat. La revue a trente ans d’âge et le « 114 bis » est une manière de marquer cet anniversaire sous la forme d’une anthologie composée de 64 poèmes signés par 64 poètes ayant publié là au cours des quinze dernières années. On découvrira ou redécouvrira ainsi des poèmes de Charles Juliet, Michel Butor, Marc Alyn, Mario Luzi, Bernard Mazo, Guy Goffette, Jude Stéfan, Serge Wellens, Odile Caradec, Bernard Perroy, Marie-Claire Bancquart, Michel Cosem, Pierre Maubé, Claude Vigée, Lorand Gaspar, Georges Drano, Jean-François Mathé et tant d’autres… Le simple fait de parcourir ces pages anniversaire montre l’importance du lieu poétique que Friches a été et continue d’être. Jean-Pierre Thuillat est un poète/passeur et/ou un passeur/poète. Qu’il soit remercié de tout ce travail mené avec acharnement au long des années.

Le numéro 114 précède le « 114 bis ». On peut y lire un « hors champ » consacré à Isabelle Poncet-Rimaud, un dossier passionnant autour de deux poètes de Galice (Manuel Rivas et Lois Pereiro), deux « Cahiers de Textes » comportant des poèmes de Paul Badin, Matthieu Baumier, Eve Lerner, Valérie Canat de Chizy, Alain Baquier, Martine Barlier, Michel Druez et Line Szollosi. Le tout est accompagné de notes de lecture. Ces pages sont à lire, si jamais (tout est possible) vous n’avez encore jamais eu cette forte revue en mains.

 

Friches. Cahiers de Poésie Verte, n° 114/114 bis.
Le Gravier de Glandon. 87500 Saint Yrieix.
Abonnement 3 numéros : 25 euros
Le numéro : 15 euros.
Mail : jeanpierre.thuillat@wanadoo.fr