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Passage en revues : Le Journal des Poètes 1/2015 et Arpa 112

Le Journal des Poètes, n°1 de 2015, 84e année.

 

 

Ce numéro de la célèbre revue belge d’Yves Namur et Jean-Luc Wauthier s’endeuille, à peine revisagée (voir p. 83) de la disparition du second, survenue au moment du bouclage, et qui n’a été signalée pour l’heure que par une feuille volante. L’auteur des Aiguilles du temps et des Tablettes d’Oxford cesse donc son propre chant de nostalgie, pour entrer dans la nôtre, avec les regrets de tous les poètes et amateurs de poésie. 

En ces temps où s’amassent des fortunes énormes, les plus énormes de l’histoire de l’humanité, où se brassent des quantités titanesques d’informations, de gens, de choses, de pouvoirs, où se jouent au jeu cynique de l’équilibre et du déséquilibre, des guerres, des génocides, des faims, des exils et des dépossessions sur tous les continents, est-il déplacé de voir « À livre ouvert » se cristalliser dans la paix du poème l’esprit du véritable bonheur épicurien et l’esprit de Grâce des (jeunes ou vénérables) poètes du renoncement, que paraissent être ici Nicolas Grégoire, Max Alhau, Jean-Luc Wauthier, Gérard Bocholier, Pierre Dhainaut, Philippe Leuckx, Claude Michel Cluny ou Gilles Baudry ? Non, pour qui connaît un peu l’histoire de l’Empire (romain), ce n’est que signe légitime des temps. Besoin de sagesse dans l’inquiétude. Et c’est à entrer dans ce « pays où l’on arrive jamais » qui nous éloigne des fureurs du monde que nous convie l’éditorial d’Isabelle Françaix, et à changer le monde en nous, à transformer « la vie par le langage », et à aimer, plutôt que le bruit quantitatif et extérieur des choses, « le son intérieur de tout réel ». Mais parce qu’elle harmonise la vie tout entière, le Dossier de la revue nous présente aussi, cette fois, deux poètes tibétains en contact direct avec les tempêtes du monde, Palden Sonam (né en 1986) et Loten NamLing (né en 1963) : l’un jeune réfugié en Inde, l’autre chanteur et joueur de dranyen, né en exil, tous deux émouvants et dont la poésie témoigne, et incise notre éventuelle inconscience. La rubrique des Paroles en archipel nous propose des poèmes, souvent discrètement métaphysiques, de Anne Lohro, Dirk Christiaens, Jean-Pierre Sonnet, Xavier Forget, Anne Dujin et Denis Cardinaux. Le Panorama de Philippe Leuckx fait cette fois l’éloge, en quelques mots très judicieux, d’Alfredo Costa Monteiro, Jean-Pierre Denis ou Luc Moës, entre autres, et La Rubrique donne à entendre la voix nouvelle d’Aurélien Dony, avec en particulier le beau poème « juin », qui n’est pas sans irradier une sorte de lumière persienne.

 

 

 

 

Arpa, revue de poésie, n°112, février 2015 (dir. Gérard Bocholier)

 

Dans cette livraison, on pourra découvrir ou lire quelques poèmes de pas moins de vingt-trois poètes. C’est avec ceux de Jean-Claude Pirotte, qui vient de disparaître, et auquel Gérard Bocholier rend un sensible hommage, que s’ouvre la rubrique. Pierre Chappuis propose, lui, un texte composite, suite de notes, remarques, réflexions proches des textes de Barthes : comme un journal intime et elliptique, avec des entrées de dictionnaire, des notes d’idées, voire d’idées reçues à la Flaubert (« Accablant ») qui constituent un ensemble baroque et très vivant. Parmi les poèmes de Philippe Mathy, Gilles Baudry, Muriel Sendelaine, Dominique Héritier et bien d’autres, on distinguera peut-être ceux de Régis Roux, de l’Australien Kevin Hart (traduits par Raymond Farina), ou d’Emmanuelle Le Cam, ainsi que le petit dossier consacré à Reginald Gibbons, poète, traducteur et universitaire texan, dont les poèmes sont ici traduits par Nathanaël et le recueil I, not I présenté et analysé par Marilyne Bertoncini. On appréciera aussi les belles encres de chine de Bernadette Leconte, aériennes et aquatiques, évoquant tantôt des méduses tantôt des spirales d’escaliers de phare. Signalons encore les « encres et pointes sèches » de Colette Minois, suite charmante d’aphorismes diaristes. 

Pour se procurer le recueil de Réginald Gibbons, cliquer ici : Je pas Je/I not I