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Paul Vinicius, La chevelure blanche de l’avalanche

On commence avec une « goutte de pluie » et on finit avec « le sens du globe terrestre ». Entre les deux, entre infiniment petit et infiniment grand, et contenu en eux, c’est tout un monde qui se décline en « avalanches » de mots choisis et mêlés et en images foudroyantes et apaisantes, en vers musicaux et en oxymores audacieux (voir « le passé postérieur »), en cauchemars puisés dans « les entrailles des songes » et en synesthésies sonores et colorées.

La poésie de Paul Vinicius est à la fois limpide, dense, riche, dépouillée, sombre, lumineuse. En plus il faut le croire sur parole : « sans poésie musique et toi/je n’aurais jamais été/qui je suis ». Ce « toi » qui se glisse entre « poésie musique » et « je » ? Suivons-le (la) dans le filigrane des textes, guidés par « ses merveilleuses jambes/d’une longueur extravagante », jambes aux suggestions érotiques et aux résonances musicales, devenant « pianos, clarinettes, saxos, percussions, syncopes… », mais qui ne sont pas les seules à susciter l’amour : il y a les sourires, la nature, les oiseaux, les saisons… L’amour la poésie, quelque chose d’éluardien.

Comment rendre compte de toutes les dimensions d’un recueil qu’on n’aura jamais fini d’explorer ? Un recueil où les quelques discrètes évocations de la Roumanie rappellent d’où il vient (le choix et la traduction de Radu Bata, lui-même poète français d’origine roumaine, inventeur des célèbres « poésettes », montre combien les affinités profondes entre l’auteur et son traducteur sont indispensables).

Paul Vinicius, La chevelure blanche de l’avalanche, poèmes choisis et traduits du roumain par Radu Bata, Jacques André éditeur, 2019.

Un recueil où métaphores et comparaisons insolites, parfois déstabilisantes, ouvrent des horizons colorés, des paysages urbains nocturnes, des souvenirs « phosphorescents », une nature lumineuse (« septembre est arrivé / comme un chapeau sur un soleil »), des personnages imprévisibles (on se prend à croiser Ionesco, Rimbaud, Brancuşi, Dali, Kafka, Tarkovski…) ; un recueil dans lequel se pose la question de l’identité et du rapport au monde (pour un « je » qui se dit « au degré zéro / d’adaptabilité ») ; un recueil dans lequel, aussi, l’humour mâtiné d’absurde et arrosé de quelques bonnes bouteilles fait bon ménage avec l’inquiétude. Un recueil qui fait vivre, comme le suggère le poème intitulé « Journal aux feuilles blanches » :

 

les jours passent
à côté de moi
comme un chapelet de détenus

bonjour
bonsoir
bonne nuit

le cendrier
plein de mégots

 le verre vide

et
sur les étagères
les livres qui m’habitent
la vie.

 

 

Les livres, la poésie. L’essence de la vie.

 

Présentation de l’auteur

Paul Vinicius

Poète, dramaturge, journaliste et essayiste, Paul Vinicius est diplômé de l’École Polytechnique de Bucarest et docteur ès lettres. Cette double performance universitaire est la partie visible de son parcours surprenant ; il a exercé de nombreux métiers, jobs, sports, avant de se dévouer à l’écriture. Champion de boxe junior et karatéka ceinture noire, il a travaillé comme manutentionnaire, maître-nageur sur la côte de la Mer Noire, détective privé, pigiste, correcteur, rédacteur pour plusieurs journaux de la presse nationale et, dernièrement, pour la maison d’édition du Musée de la Littérature roumaine.

Après avoir été interdit de publication en 1987 par la censure communiste, il renonce à sa carrière d’ingénieur et sa biographie suit les soubresauts de la démocratie survenue fin décembre 1989, à la recherche d’un nouveau départ, d’une nouvelle ivresse.

Ses poèmes ont été régulièrement publiés à partir de 1982 par les revues littéraires. Beaucoup ont été traduits et publiés dans des anthologies. Il est lauréat de plusieurs prix nationaux et internationaux de poésie. Dernier en date : le Prix du Public au Salon du Livre des Balkans en 2017.

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