1

Écluse au front
de roche à mer
tombe si lasse
en mon automne

Placée en moi
avant que l’air
de nuit corolle
en nage au fond

Ouvre et ferme
ta reine barque
au long du cours
par­ent d’hiver

Ce son si doux
que l’âme pleine
me pose en ventre
au four du jour

Clameur en rouge
du bout de bois
enclin au songe
à flot­ter là

L’ovaire de belle
infante plane
ter­mine debout
l’aurore d’un fou

La juste prise
carence de pierre
à meute en feu
se voue à vous

Nous sommes la voix
de sous la terre
prière des nœuds
fléau sans Dieu

Dis-moi la loi
la foudre blanche
cratère-prisme
à cuiss­es bleues

L’hymen-fougère
à plis d’envie
se cache en moi
sans cess­er là

Glisse en feuilles
sous l’ire du fond
den­tée, fumée
figue reptilienne

Ce bain de mer
mois­son de prunes
tor­nade et ventre
si beau si beau

Douce chem­inée
rivalité
mirage noir
lus­tre les yeux

Lions nos plumes
rapaces à rêves
la mare de nuit
étend nos jambes

Sous ce bourdon
de gestes pleins
je fends l’arène
et ronge ta main

Silène à crocs
ramure en flammes
cro­tale d’embruns
baise aine rouge

Sans fil de mer
qu’arrête l’ivre
armure de rat
regarde mon pas

Il grave le sol
cogne en rival
farouche rage
eau de cheval

Ce verre du ciel
me rompt les yeux
aphone et bleue
je sais je sens

Bru­tale reine
de terre de rut
rongée cramée
suce l’ange en faim

Sans front les âmes
cires de bétail
fra­cassent en rond
le lierre du Nom.

 

 

 

2

L’in­no­cence de ce qui ne rend pas le monde
au chevet des exodes psychiques;
les exils sen­soriels posés sur la gorge d’un fauve
mul­ti­plient les appels à présence.
Dans ta bouche, un secret de guerre, un butin :
tu es sans fin.

Ils ont clô­turé les tigres
les beaux crocs ; rouges griffes
Ils ont clô­turé les tigres
noué le ser­pent de queue.
Mais dans les hautes herbes
— et rayures et rauque
râle au soir -
l’œil d’or ne se refermera

pas.

 

 

 

3

Aréole ficelée,
couronne ronde de feu stellaire,
man­geoire à saints tombés,
plaine char­i­ot avance et rampe,
carmin crisse et brille,
plonge en rouge
quand ven­tre bouge.

 

 

4

La farine des mois d’hiver
encore sur les jambes
des­sine l’en­trée du souterrain.
Je deviens folle,
avec une cer­taine grâce, je l’espère.

Dans ce fos­sé pourpre,
où seules de douces effraies
s’é­bat­tent, clig­nent, comme
fausse­ment rieuses,
nous ouvrons nos corps.

Elles se massent en ligne,
gar­dant notre étreinte —
œil noir dans le cœur;
notre transe à serres;
les sons du vent.

Nos cous se détachent
à peine l’un de l’autre
du sol, de l’om­bre, d’hier;
affûtées nos langues, claires pyrites;
le cer­cle d’ef­fraies prend feu.

C’est ser­tie d’un spec­tre doré
cuirasse de brume,
brûlures bleues et serres-miroirs,
que sur toi je m’empale,
que sur toi je renais.

 

 

5

La dés­espérance fait escale,
lace l’espace navré de la page,
arène où l’âpre astre d’encre
échappe à la pesan­teur, s’élance,
rue dans l’apnée nocturne.

Épée escarpée sur l’arête des draps,
névé ardent,
l’élève céleste accueille la denrée
tombant
des lèvres de Polaris
et sécrète la route de suie, 

dépèce le désert.
Courte biographie

 

 

Extraits du cor­pus Penser avec les dents, Tome 2, Les cahiers d’ivresse nova

 

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