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Peter Huchel, La tristesse est inhabitable

La nature est omniprésente dans ce recueil. Elle l’a été dès la petite enfance de Peter Huchel et les souvenirs sont nombreux, dans ses textes, notamment ceux de la ferme où il a vécu avec sa mère malade.

 

Ouvre la porte
  de l’étable se mêle
À l’odeur lactée des étoiles

(extrait du poème intitulé Ferme Thomasset)

Emmanuel Moses, dans sa préface, dresse la liste des paysages qu’apprécie particulièrement le poète : ils se trouvent au sud de l’Europe (l’Italie, la Grèce) ou à l’ouest (la Bretagne, l’Irlande, l’Ecosse). Ils sont faits de soleil ou de brume. Il explique que les éléments de « l’eau (pluie, neige, mer, étang, ruisseau, fleuve), de l’air (ciel, nuages, brumes, brouillard), du feu (feu des bergers, feu de campement, feu de cuisine), de la terre (terre, boue, argile, sable), se mêlent au minéral, au végétal et à l’animal […]. Les quatre éléments, le monde minéral, animal et végétal constituent le poème mais ils resteraient inertes sans la vertu révélatrice de la métaphore. » La métaphore parvient à dévoiler ce que le langage commun n’atteint pas. Elle tente tout au moins de le faire. Le mystère ne reste-t-il pas entier ?

 

je mourrai,
sans avoir appris
l’alphabet de l’éclair,

 

écrit Peter Huchel dans le recueil intitulé Jours comptés.
Et plus tard, dans La Neuvième Heure :

 

Ce qui est caché sous
les griffes des rochers,
l’ouverture vers la nuit,
l’angoisse de la mort
enfoncée dans la chair comme du sel qui pique.

Laissez-nous descendre
dans la langue de l’ange
vers les briques cassées de Babel.

 

Ces vers sont chargés d’Histoire, de mythes, de textes sacrés, d’alchimie. La nature de Peter Huchel n’est pas inhabitée.

Le recueil regroupe des poèmes de Gedichte / Poèmes (1948), Chausseen, Chausseen / Chaussées, Chaussées (1963), Gazählte Tage / Jours comptés (1972) et Die Neunte Stunde / La Neuvième Heure (1979).