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Phoenix n°10, juillet 2013

Recours au Poème évoque souvent cette très belle revue, pour cette raison que nous nous sentons des affinités fortes, sur le plan des conceptions du monde, du réel, de l’homme et de la poésie. Entre autres. Mais aussi car Phoenix est sans doute aucun l’une des plus importantes revues francophones de poésie contemporaine, proposant des sommaires de très haute tenue. En ce dixième opus, le lecteur de la revue découvrira (c’est mon cas) ou redécouvrira l’atelier d’une femme poète de nationalité algérienne, femme poète et « militante de la culture » nous dit-on : Djoher Amhis-Ouksel, laquelle travaille inlassablement à la défense et à la promotion « des œuvres les plus remarquables de la littérature algérienne d’expression française ». Une telle démarche, pugnace, mérite amplement en effet d’être ainsi mise à l’honneur. On lira ici des contributions passionnantes sur Djoher Amhis-Ouksel, dont la présentation du maître d’œuvre de l’ensemble, Téric Boucebci, ainsi que des textes de la femme poète, choix de pages issues du Chant de la sittelle :

 

Titem regarde au loin…
Sa main désignait quelque chose
Regardez ! Regardez !
Les fleuves remontent vers la source.
     De mémoire d’homme
     De mémoire d’humanité
Le monde est à l’envers ! Le mal a pris la place du bien
     Pleurez ! Pleurez !
Vous ne verrez plus l’eau qui brille au soleil.
Vous n’entendrez plus le bruit des cascades…
     Non ! Ne pleurez plus !
     Ecoutez !
     Ecoutez !
Entendez-vous l’eau enfouie dans les profondeurs ?

 

Des textes forts, empreints d’une profonde gravité, accompagnés d’études signées Danièle Maoudj, Hammoudan Abdelouahid, Michel Louyot, Adriana Lassel, Ghenima Kemkem Rekis et Marie-Christine Masset. Ce dossier légitime à lui seul la lecture de ce dixième numéro de Phoenix.
Vient ensuite un fort beau « Partage des voix », composé de voix de poètes contemporains, certains présents aussi dans nos pages, ou qui le seront bientôt, point de hasard en effet : François Bordes, Claudine Helft, Françoise Siri, Guillaume Decourt, Arnaud Talhouarn, l’ami et membre de Recours au Poème Mathieu Hilfiger, Marie-Christine Masset. Poètes accompagnés des voix de Yannick Torlini, Jean-François Laurent, Guy Perrocheau, Marcel Migozzi. On retrouvera aussi le très beau poème hommage consacré par Marc Delouze à Ali Prodimja, Ali parti, poème que l’on peut aussi lire ici.
L’ensemble de ce partage des voix est de très haute tenue, et l’on a plaisir à retrouver en particulier la poésie profonde de Marie-Christine Masset.
Les pages de la revue proposent ensuite une « Voix d’ailleurs » en la personne de Jangbu, poète né au Tibet en 1963, et présenté ainsi : « Considéré comme un chef de file des poètes tibétains d’avant-garde au début des années 1980, il est aussi l’un des intellectuels tibétains les plus écoutés dans son pays, où il a reçu de nombreux prix. Fondateur de plusieurs journaux littéraires et du premier et seul festival de poésie tibétaine indépendant au Tibet, il est aussi devenu depuis 2004 réalisateur de films documentaires ». Jangbu est avant tout un poète de haut vol que l’on peut lire grâce à l’Oreille du Loup (Le hachoir invisible, 2013). Ainsi :

 

La péniche remplie de poésie
Transperce le brouillard et l’église
Transperce la pluie et la roche
Transperce le vent et le canal
Glisse à contre-courant
Glisse loin de la maison où vécut l’éternellement jeune Rimbaud
Laisse à nouveau tout derrière elle
Sans trace aucune
Comme un grand mandala de sable coloré qu’on efface après
réalisation

 

Viennent ensuite, comme à l’habitude, des textes en « sporades »  et des lectures de recueils/livres. Cette revue est à lire et conserver dans les rayons de sa bibliothèque.
 

Phoenix. Cahiers littéraires internationaux.
Direction : Yves Broussard et André Ughetto

www.revuephoenix.com
revuephoenix1@yahoo.fr

4, rue Fénelon. 13006 Marseille.
Le numéro : 16 euros