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Photo de guerre (Beyrouth)

 

          Portes bien alignées. Quelques clefs de lumière garnissent les trous des serrures. Affiche publicitaire- l’obturateur s’est fermé sur l’ombre d’un doigt qui passait sur la jambe. La jambe tellement proche que l’on voit une mince couche de lignes et de granules l’envelopper. Un écran de télévision semble dire. Un éboueur ramasse avec une main rugueuse le soir entier dans un passé

qui vient d’être dit.

          Sur le haut du mur qui longe la ruelle quelques segments de vielles phrases,

(je n’ai lu que l’usure).

          J’aperçois aussi de noires silhouettes voilées d’un blanc taché de noirs,

          des cours ciselées à la manière d’un livre et là où il y a ombre, il y a insomnie et éveil de tous les éboulis,

          ligne et interligne, noix et écale de noix.

          Une rivière tannée le long d’une guerre sans suite.
Et le cœur rougeoyant plein de sombres
          liqueurs,

          accueille à l’aube d’une hache l’histoire folle d’une ville.

          Nul ne prétend acquérir à cette heure de ronce
l’accomplissement
          de cette folie.

 

 

 

Extraits de Récits, partitions et photographies, éd. La Passe du vent, 2007