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Ping-Pong : Deux poèmes et un entretien avec Kent Mac Carter

 

Kent MAC CARTER, poète, revuiste et éditeur, anime et dirige la revue numérique CORDITE. Il nous a confié deux poèmes et a accepté de répondre à nos questions. L'entretien, qui suit les poèmes, fait écho à celui du poète Martin HARRISON, interrogé par Adam AITKINS, que nous avions publié l'an dernier et porte sur l'état de la poésie contemporaine en Australie*. Mais Kent Mac Carter y parle aussi de sa pratique poétique personnelle : appartenant à deux continents, il utilise toutes les possibilités que lui offrent les variantes de l'anglais américain, britannique ou australien,  pour créer une langue poétique qui lui est propre. Toute portée par un jeu d'échos, sonores, visuels, d'analogies et de dérives musicales, faisant appel aux arrières-plans culturels variés qu'il explore, cette langue est un bel exemple des difficultés (et des plaisirs) de traduction qui nous ont fait ouvrir cette rubrique : le lecteur est amené à imaginer le jeu nourri de ping-pong, les échanges multiples, pour élaborer une version française qui ne trahisse ni n'édulcore les aspérités, les rythmes, les images de l'original.

Recours au poème et la traductrice remercient ici Marie-Christine MASSET pour son aide et sa patiente relecture.

 

 

 

 

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Poèmes de Kent Mac Carter

traduits de l'anglais (Australie) par Marilyne Bertoncini

 

 

 

A Dosage of Diminishing Returns

                      Maybe all one can do is hope to end up with the right regrets

                                                                                                 Arthur Miller

 

I’ve juiced of my years a curious patchwork –

a dosage of diminishing returns. I am anther

 

eyeballing the habit of a Kentia Palm

addict in breeze. For it’s semaphore

 

of green swells with progressive ideas. Telling

how a houseplant does this. With ease, it says hang

 

on, stamen – watch these fronds blow a shape of hips

in sculpting gusts. It says glass.

 

It shouts woman. It

carves a mango out

 

sharply from its wind-swept savoir-faire and tumbles them to shore

up a penitential fructose you can’t undo. It says deeper

 

at my end how I will live

sweet amongst the artists of post-Gauguin

 

Tahiti and must allow pacific winds to disinfect

my age. My bee. I watch the oceans keep.

 

 

*

 

 

UNE POSOLOGIE DE RETOURS DECROISSANTS

                                 Peut-être qu'on peut seulement espérer de finir avec les bons regrets. 

                                                                                                                        Arthur Miller

 

J'ai fait de ma vie un étrange assemblage -

une posologie de retours décroissants. Je suis anthère

 

reluquant ce que fait un palmier Kentia

accro à la brise. Car c'est un sémaphore

 

de houles vertes aux idées progressistes. Racontant

comment s'y prend une plante d'intérieur. Avec douceur, elle dit attendez

 

voir, étamines – regardez ces frondes souffler une forme de hanches

en rafales sculptantes. Elle dit verre.

 

Elle crie femme. Elle

sculpte une mangue en morceaux

 

Brusquement avec son savoir-faire battu de vent et les jette pour

étayer un indéfectible fructose pénitentiel. Elle dit encore plus bas

 

à la fin comment je vivrai

tout doux parmi les artistes post-gauguin

 

à Tahiti, et je devrai autoriser les vents du Pacifique à désinfecter

mon âge. Sang doute 1. Je contemple les fonds marins.

 

 

 

*

 

 

Are You Ready to Go Superfast?

                   Osteospermum jucundum

 

to be with the dancing women

cosecants of how their diet pops

 

wet mimeographs is to be organised just off

the gravitas of early jitterbugs

 

stems and earlier still

peahen down to portrait calm and votes

 

their faire frou frou

to fly and woo as tai

 

babilonia twisting there a calatrava

cantilevered onto stamps in paraguay

 

the telephony of english butter

say or our aperitif of snowbank

 

are you ready to go superfast

on de beers the carat of massachusetts

to be with the dancing women is singeing weed boy

george s wind up

 

chameleon2 and it s so meteoric why the african

coastline resembling a llama s head

 

sip bent for antarctic ice

skates the retina of lake

 

victoria you re a daisy if you do 3

 

 

 

*

 

 

 

Tu es prêt à aller super vite?

                      Osteo spermum jucundum

 

être avec les femmes qui dansent
cosécantes de la façon dont leur light soda fait pop !

 

d'humides stencils c'est être installé juste en marge
de la dignité des premiers swings endiablés

 

de tiges et avant encore
ce duvet de paon qui imite le calme qui adopte

 

leur frou-frou fou
volant flirtant comme la

 

babylone tai se tortillant là un calatrava
en porte-à-faux sur des timbres au paraguay

 

le chic bidon du beurre anglais
disons ou notre apéritif aux glaçons de congère

 

es-tu prêt à aller super vite
sur de beers le carat du massachusetts

 

être avec les femmes qui dansent c'est cramer l'herbe
la fin du caméléon

 

de boy george c'est fulgurant aussi c'est pourquoi en afrique
le rivage tel une tête de lama

 

sirote penché sur l'antartique sa glace
patine sur la rétine du lac

 

victoria quelle crème tu es si tu le fais

 

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Notes

 

1My bee – jeu de mot sur la prononciation de ”maybe” avec l'accent australien

2 Cette image renvoie autant au succès musical des années 80, Karma Chameleon de Boy George, qu'à la variabilité de couleur de cet animal.

 

3Réplique culte du personnage de Doc Holiday dans le film Tombstone (1993), terme à la mode aux alentours de 1870, où il signifie "être exceptionnel" – pratiquement intraduisible, car lié aussi au thème floral du poème, annoncé par l'osteospermum, ou "marguerite du Cap"

 

 

*

 

Entretien avec Kent Mac Carter

traduit et adapté par Marilyne Bertoncini

 

 

Kent, vous êtes à la fois poète et rédacteur en chef de la revue Cordite : quand et comment avez-vous commencé à écrire de la poésie?

C'était à Chicago, juste après le bug de l'an 2000 - le monde continuait à tourner. Je venais de m'installer à mon retour de Florence. J'avais à peine commencé ma carrière à University of Chicago Press comme concepteur éditorial, et j'ai pensé : étant ici, à l'université, pourquoi ne pas suivre des cours de développement personnel totalement différents des diplômes de comptabilité et finance que j'avais déjà. J'ai eu la chance d'être pris dans des ateliers d'écriture, qui m'ont exposé directement à la pratique et la pensée de Karen Volkman, Mark Stand et Thom Gunn. J'ai eu la chance de participer à l'un des derniers ateliers de Gunn avant sa mort. J'y suis resté quatre ans.

L'université de Chicago ne proposait pas à l'époque de diplôme en écriture créative. N'étant pas trop heureux de vivre dans l'Amérique de G.W Bush, j'ai pensé que,je pourrais obtenir un diplôme à l'étranger : le Canada était trop près de chez moi, mes candidatures à différents programmes en Irlande et en Ecosse étaient refusées ou acceptées sans bourse d'études. Mon plan A était alors de m'engager dans le programme de Bill Manhire, à l'institut de Lettres Modernes de Wellington, Nouvelle Zélande, mais je n'y ai pas été admis non plus. A la fin, je me suis retrouvé avec le choix entre les universités de Melbourne ou Sidney. J'ai choisi Melbourne, et eu la chance d'avoir Chris Wallace-Crabbe et Tony Birch comme directeurs. C'est la poète australienne Gig Ryan qui a accepté de publier mon tout premier poème dans un journal de Melbourne, The Age. Elle m'a donné de sages conseils, dont particulièrement celui de m'accrocher et tenir bon une vingtaine d'années avant d'être pris au sérieux. Je participe depuis 16 ans à ce tourbillon appelé poésie, et elle avait raison.

 

Vous avez récemment entrepris une activité d'édition – pouvez-vous nous en parler?

Cordite Books a commencé assez récemment, en novembre 2014, pour être précis. Mais Cordite Publishing Inc. a été fondée en 1997. Les cinq premiers numéros de Cordite Poetry Review étaient des publications imprimées grand format, puis la revue est passée au numérique quelques mois seulement après le début de la revue Jacket. Ces deux publications de poésie ont ouvert la route à la naissance en ligne de la littérature australienne, bien avant nombre d'autres publications éphémères, et même avant un certain nombre de quotidiens australiens.

Cordite Book a commencé avec Alan Loney, Ross Gibson, John Hawke and Natalie Harkin. J'ai passé bien plus de temps que je ne le pensais pour la conception des couvertures et le choix d'un papier de qualité – le design de Zoë Sadokierski en valait vraiment la peine – et cette dépense a été couverte par l'édition simultanée de quatre livres. Il vaut mieux faire des livres qui ne soient pas imprimés à la demande, avec un papier qui ne ne moisisse pas avant votre prochain anniversaire. Commencer avec ces quatre auteurs a été une chance incroyable.

Il n'y a pas très longtemps, le critique littéraire australien Andrew Riemer disait, à propos de l'Anthologie de poésie australienne de 2013 (Black Inc.) : " Hormis les poèmes de quelques auteurs connus et plus anciens : Les Murray, David Malouf, Vivian Smith, Geoffrey Lehmann et Thomas Shapcott, parmi d'autres, il manque à la plupart de ces textes une voix personnelle, une sensibilité poétique, en somme" Il semblait par ces mots déclarer que la poésie australienne se limitait encore à la carrière légendaire de quelques hommes (parfois femmes) plus âgés, et surtout blancs...

Indéniablement, les écrivains cités par Riemer ont eu, et continuent d'avoir une très grande importance par leurs contributions à la poésie australienne. Mais il y a des générations entières,de poètes accomplis, qui participent à cette "grande parade" (en français dans le texte) – dont certains nouveaux poètes maintenant même, un groupe génial, avec des approches à l'opposé de la poésie des auteurs du patrimoine nommés par Riemer.

Ainsi, Riemer trouve la poésie de Lionel Fogarty ouvertement dépourvue de sens, quand elle est représentative du subtil origami narratif post-colonial qui est l'art même de Fogarty. Liberté d'opinion? Je n'y crois pas. Riemer n'a pas vraiment expliqué pourquoi ces vers exemplaires n'avaient pas de sens (en fait, il n'a pas du tout essayé). Ce qui m'a frappé le plus à propos de cette note-polémique a été une réponse à ma revue elle-même du poète de Melbourne, Bonny Cassidy, alors co-éditeur de Cordite :

 

"Sérieusement, quand allons-nous accepter que la poésie, comme la peinture et la musique, puisse représenter des structures énonciatives, plutôt que des vers figuratifs? Riemer semble suggérer que les poèmes qui ne "soumettent pas le sens à des structures discursives ou grammaticales" sont tellement extrêmes qu'ils échappent à la " tradition littéraire ou poétique".

 

'"Structure énonciative" – primale et archaïque – pourtant Riemer décrit tout ceci comme un échec. Le poète et professeur américain, Théodore Roethke, le dit de façon plus fleurie : " Il faut du rythme. Si vous voulez danser nu sur le seuil d'une grange ouverte avec une craie dans le nombril, je m'en moque. Il vous faut du rythme." Motif d'expression = rythme.

Je pourrais dire que Cordite Book souhaite publier des objets beaux à voir écrits par des poètes jusqu'ici ignorés, ou qui se sont tus pendant des années, ou enccore de nouvelles voix qui valent qu'on les lise. Et c'est vrai. Mais bien des éditeurs font ça. Le format original de la revue Cordite s'appuie sur un éditeur invité différent tous les quatre mois, pour livrer l'essentiel de notre raison d'être (en français dans le texte) . Ceci signifie que ce – et ceux – que nous publions est extrêmement varié, et souvent je n'aurais pas sélectionné certains des poèmes choisis. Ceci signifie aussi que nombre de bons textes ne sont pas retenus. Donc, faire des livres, de façon très égoïste, c'est pour moi une façon de publier des travaux que je trouve particulièrement importants.

Retournant à la question de Cassidy "quand allons-nous accepter que la poésie, comme la peinture et la musique, puisse représenter des structures énonciatives, plutôt que des vers figuratifs?", je me suis mis à penser à la nature des mots-comme objets et à la façon dont leurs multiples définitions, idiomes et prononciations, distillent une unique "masse atomique" de possibilités, liées à une kyrielle de délices alchimiques. Peut-on raconter une histoire à partir des réactions lexicales, obtenues en plaçant simplement des mots apparemment disparates les uns à côté des autres? Pourraient-ils résonner et fredonner en devenant trop proches? A un niveau apparent, il y a juste un non-sens ; à un niveau caché, une potentielle fusion chimique ; et par la scission des deux niveaux, la fission? Oui, sans doute. Est-ce que cette forme narrative est aussi valable et rigide qu'un discours fondé sur la lyrique? Je pense que oui, mais la charge se déplace de façon significative hors (mais pas complètement) de l'infrastructure d'un langage donné et s'installe carrément sur l'écrivain, le tordeur de cuiller, qui doit maîtriser et réunir les forces du poème, qui se crée comme il le souhaite. Mais ce ne sont pas des questions neuves.

 

Quelles sont vos principales influences? Qui sont les poètes qui vous ont inspiré, desquels vous vous sentez proche?

D'Amérique du Nord, je pourrais citer August Kleinzahler, Frank O'Hara, Ed Dorn, Denise Levertov et Richard Brautigan. En Australie, John Forbes, Randolph Stow et Gig Ryan. Et, Ambrose Bierce, James Thurber, Berke Breathed et Rube Goldberg. Les photographes Olive Cotton, Max Dupain et Gary Winogrand; Je suis le fils d'un passionné de photo de lions de montagne et de colibris – je préfère les cheminées et les décollletés plongeants. L'emphase de groupes comme Galaxie 500 et Gaslight Radio. Et les cuivres en strass de Kitty Wells et Jimmie Rogers, dont le crooning atavique atteint profondément mon système limbique., Maceo Parker, Django Reinhardt, Auden.

 

Vous n'êtes pas né en Australie : cela influence-t-il, et de quelle façon, votre poésie ?

Je viens des USA, mais je suis désormais un résident/citoyen permanent de chacun des deux pays. Bon, maintenant, les poésies et même les littératures nationales sont plutôt ouvertes à quiconque sur cette planète souhaite les explorer. Mais en tant qu'auteur, avec cette dualité, le fait est que je peux... et souvent je le fais ... plonger dans un idiome typiquement australien ou américain, dans les formulations, mais même avec des constructions syntactiques. C'est comme une version allégée de bilinguisme (hélas, je ne suis pas bilingue). En fabriquant un vers, certains mots (tels qu'on les utilise dans un contexte national précis) et un argot particulier suscitent mieux que d'autres un rythme provocant, même s'ils ont des origines différentes. Ceci pour dire que mes poèmes sont, de ce point de vue, écrits à partir d'une langue australienne par défaut, et c'est dans l'erreur – presque toujours volontaire, comme perturbation – que je vais inscrire une expression typiquement américaine.

 

Avez-vous des rituels d'écriture?

Mon horaire de boulot – 9-17h - n'a rien à voir avec mon écriture ou celle de n'importe qui – je réserve quatre heures par jour pour ça. Je suis marié, père de famille, et j'ai une hypothèque. Je suis directeur de Cordite Publishing, rédacteur de ses revues et éditeur de ses livres. Si j'ai des circonstances idéales, je n'ai pas le temps de m'en souvenir. Les anthologies d'Anne Kennedy, Lisa Gorton & John Wilkinson m'ont obligé à écrire de nouveau, heureusement.

J'ai avec mes poèmes une relation d'hôte à parasite, je me tracasse pour l'inspiration, jusqu'à ce que, souvent, tout s'écroule : des poèmes hôtes. De cette absence de règles, de ce terreau surgissent de nouveaux poèmes, uniques, englobant les "nutriments" qu'ils trouvent pour devenir mes meilleurs poèmes. Ils se propagent... et au bout de dix brouillons, je suis heureux.

La revue Cordite reçoit environ 4000 propositions de poèmes chaque année. Nous faisons environ 50 revues par an. Et tout le reste. Ecrire et promouvoir le travail d'autres écrivains est une façon très efficace de déceler les failles de vos propres écrits.

 

Si vous deviez donner une définition de la poésie en quelques mots, quelle serait-elle?

La poésie s'écrit en 3D, la prose en 2D - chacune présente d'égales difficultés. Comme Rothko avec les couleurs, à la différence de Wyeth avec ses granges et ses fenêtres, la poésie ne requiert pas une architecture narrative (sauf l'ample poésie épique). La poésie peut composer avec une infinité de mots et de tournures, envelopper les idiomes et les définitions attendus d'une respiration immense, avec une grande efficacité, et une grande économie.

 

Recours au Poème défend l'idée que la poésie est à la fois une action politique et une métapoétique révolutionnaire. Que pensez-vous de cette position?

Comme je le disais plus tôt, je privilégie l'approche progressive herméneutique de la lecture et de l'écriture poétique. Je ne suis pas convaincu que la poésie doive être politique ou révolutionnaire, ou qu'elle le soit par nature – quoi qu'il en soit... mais les poésies qui ne s'engagent pas avec force d'une façon ou d'une autre sont comme des cartes de voeux, jolies. Je pense sincèrement que cette distinction fait qu'un vers de mirliton reste un vers de mirliton, et que la littérature est littérature – et nul n'importe si l'oeuvre dévoile ses motifs et intentions – ou les cache.

 

 

*

 

 

Kent, you're a poet and the chief director of the poetry review Cordite : When and how did you begin writing poetry?

It was January in Chicago, and Y2K had just ‘happened’. The world continued. I’d just moved there after returning home from Florence, Italy. I’d just begun my publishing career at University of Chicago Press as a developmental editor, and thought, ‘since I’m here at this university, why not try to pursue a degree in a personal interest vs. the financial and accounting degrees I already had. I was fortunate enough to be accepted to take some of the writing workshops then, which exposed me directly to the work and thinking of Karen Volkman, Mark Strand and Thom Gunn. I was most fortunate to have one of Gunn’s final workshops right before his death. I was there for four years.

University of Chicago did not offer creative degrees at the time. Maybe they still don’t? I figured that since I wasn’t all that keen to live in George W. Bush’s America, that I’d pursue a degree in English and Writing abroad; Canada was too close to home, my applications to various programs in Ireland and Scotland were either declined or accepted with no financial assistance. My original plan A was to enroll in Bill Manhire’s program in the International Institute of Modern Letters at Victoria University in Wellington, New Zealand, but was not accepted there either. In the end, I was presented with the options to pursue a degree at University of Sydney or University of Melbourne. I chose Melbourne. It was Australian poet Gig Ryan who accepted my first ever poem for publication in Melbourne’s newspaper, The Age. Gig gave me very sage advice early on, ostensibly that one must be able to stick around and ‘hang in there’ for about 20 years before you’re taken seriously. I’m sixteen years into this caper called poetry, and she’s proven to be correct.

 

You recently initiated a publishing activity too – can you talk us about it?

Cordite Books began quite recently, November 2014 to be exact. But Cordite Publishing Inc., the non-profit that publishes Cordite Poetry Review, was founded in 1997. The first five issues of Cordite Poetry Review were newsprint broadsheets, then it went online-only just a few months after Jacket began. Interestingly, it was these two poetry publications that pioneered the space for Australian literature (of any kind) online, before many other publications that have come and gone, and even before a number of Australian newspapers, too.

Cordite Books started with Alan Loney, Ross Gibson, John Hawke and Natalie Harkin. I spent way more than I could have on cover design and high-quality paper stock – Zoë Sadokierski’s series design is absolutely worth it – yet this expense was offset by printing four books at once. It’s worth it to make non-POD books with paper that won’t fox by your next birthday. And I was unbelievably fortunate to start with those four authors.

Not long ago, Australian literary critic Andrew Riemer slept-walked through the writing of his take on Best Australian Poems 2013 (Black Inc., 2013). In his review of this recent volume, Riemer stated: ‘Apart from poems by several older, well-established poets – Les Murray, David Malouf, Vivian Smith, Geoffrey Lehmann and Thomas Shapcott, among others – most of these poems lack distinctive voices, a poetic sensibility, in other words’. His words seemed to claim, then, that Australian poetics is / should still be defined by the storied careers of a few older, mostly white men (and a few women) … or, at least, his review supports the existence of such a lens that’s been ossified into place from a few vantages around Australian letters.

Irrefutably, the writers Riemer mentioned have made and continue to make an enormous and significant contribution to Australian poetics. But there are a few well-accomplished whole generations of poets sharing this grand parade – including new poets right now, a most exciting bunch, many with generally perpendicular approaches to poetry than the aforementioned legacy poets. Riemer’s assessment of Lionel Fogarty found his contribution to be ostensibly ‘meaningless’, instead of representative of the deft post-colonial narrative origami that is Fogarty’s mastery. Entitled to opinion? No, I don’t believe in that. I prescribe more to the entitled-to-what-you-can-effectively-argue-for school.

Riemer did not effectively argue these exemplar lines to be ‘meaningless’ (in fact, he made no attempt at all). What struck me most about his review-as-provocation was a response to the review itself; arriving as it did via Melbourne poet Bonny Cassidy, Cordite’s current Feature Reviews Editor:

Seriously, when are we going to accept that poetry, like painting and music, may represent ‘patterns of utterance’ rather than figurative lines? Riemer seems to suggest that poems that ‘do not yield sense in conventional discursive or grammatical terms’ are so radical that they escape ‘literary or poetic tradition’.

Patterns of utterance’ – primal and archaic – yet Riemer chalks this up as failure. US poet and esteemed teacher, Theodore Roethke, put it a more florid way, ‘You’ve got to have rhythm. If you want to dance naked in an open barn door with a chalk in your navel, I don’t care! You’ve got to have rhythm.’ Patterns of utterance = rhythm.

I could say that Cordite Books is interested in putting out exquisite-looking objects written by poets heretofore ignored or from those who’ve gone silent for years or new voices worth a read. And that’s all true. But many presses do that. The unusual publishing model of Cordite Poetry Review – relying on a new guest editor every four months to deliver the backbone of our raison d’être (!) – means that while what and who we publish is amazingly diverse, there are many cases where a poem is published that I wouldn’t have selected. Too, this means a lot of excellent work is not taken for publication. So doing books is, quite selfishly, a way for me to get work I feel especially important out into the world.

Returning to Cassidy’s question, ‘… when are we going to accept that poetry, like painting and music, may represent ‘patterns of utterance’ rather than figurative lines?’, I got to thinking about the nature of words-as-objects and how words’ multiple definitions, idiom and pronunciations distil as a unique ‘atomic mass’ of sorts, bundled with a litany of alchemic delights. Can a story also be told from the lexical reactions made simply by placing seemingly disparate words near each other? Might they reverberate and hum when they become too near? On one plane, perceptibly nonsense; on a sub-plane, potential chemical fusion; and split apart from either plane, fission? Arguably, yes. Is this kind of narrative as worthy or rigid a discourse as those reliant on lyric? I think so, but the onus clearly shifts significantly away from (but not entirely) the infrastructure of a given language and settles squarely on the writer, the spoon bender, to harness and corral the developing poem’s force as she sees fit. These are not new questions.

 

What are your main influences? Who are the poets who inspired you, the ones you feel close to?

From North America; August Kleinzahler, Frank O'Hara, Ed Dorn, Denise Levertov and Richard Brautigan would qualify. From Australia; John Forbes, Randolph Stow and Gig Ryan. Also, Ambrose Bierce, James Thurber, Berke Breathed and Rube Goldberg. Photographers Olive Cotton, Max Dupain and Gary Winogrand; I am the son of a pro shutterbug bent on mountain lions and hummingbirds – naturally, I prefer smokestacks and necklines. Bombast from bands like Galaxie 500 and Gaslight Radio. Too, the rhinestone pipes of Kitty Wells and Jimmie Rogers, whose atavistic croons reach deep into my limbic system. Maceo Parker, Django Reinhardt, Auden.

 

You were not born in Australia – how does this (if it does) influence your poetry?

I am from the States, but am now a permanent resident / citizen of both countries. Now, national poetics and, further, national literatures are pretty much open to anybody on the planet who cares to explore them. But as a creator with this duality, the effect is that I can … and oftentimes do … dip into distinctly Australian or American idiom, phrasing and even some syntactical concerns. It’s like a diet version of being otherwise bilingual (which I am sadly not). In crafting a poetic line, some words (as most commonly used in a given national context) and unique slang fit a fomenting rhythm and intent better than others, even if they are derived from elsewhere. This is to say that my poems are, at this point, written from a default Australian language, and it’s the exception - almost always intentionally as a disturbance - where I will insert wording distinctly American.

 

Do you have rituals for / while writing?

I have a 9-5 job that has nothing to do with my or anybody else's writing – I commute four hours per day for it. I'm a father, spouse and mortgage holder. I'm director of Cordite Publishing, editor of its journal and publisher of its books. If I have ideal circumstances, I've not had the time to remember them. Collections by Anne Kennedy, Lisa Gorton and John Wilkinson have cornered me back into writing, thankfully.

I have a host / parasite relationship to my poems, fussing over inspiration until, oftentimes, it decomposes into ruins: host poems. From that non-process, new poems, unique, sprout from such loam, subsuming what ‘nutrients’ exist and become my better poems. They propagate in-tact, and within ten drafts I'm happy.

Cordite Poetry Review receives about 4000 poems submitted to us per year. We do about 50 reviews annually. And, everything else. Reading and assessing other writers’ work is an extremely effective way to discover problems in your own.

 

If you had to give a definition of poetry, in few words, what would it be?

Poetry is writing in 3D, prose is 2D; both present equal difficulty. As Rothko with colour, unlike Wyeth with barns or windowpanes, poetry needn't be fettered to narrative architecture (though ample great poetry is). Poetry can dial in to eons of lexicon and syntax, warp idiom and access definitions with enormous breadth, great efficacy and in minute economy.

 

Recours au Poème defends the idea that poetry is at the same time a political action and a revolutionary metapoetics – what do you think of this position?

As I alluded to earlier, I laud progressive hermeneutical approaches to reading and writing poetry. I’m not convinced that poetry must be political or revolutionary, or is thus inherently … no matter what … but poetries that do not engage with either or both forces are akin to greeting cards, niceties. I do feel that what keeps doggerel as doggerel and literature as literature is this distinction, no matter how apparent or esoteric a work is about its motives and intentions.

 

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* voir ici l'entretien avec Martin Harrison sur la poésie australienne :

http://www.recoursaupoeme.fr/rencontre/martin-harrison/adam-aitken