Poèmes celtaoïstes de Paul Quéré
Celte et taoïste. Le poète Paul Quéré (1931-1993) l’était incontestablement, un peu à la manière de son ami-écrivain Kenneth White. Une façon pour lui de rendre compte de cette confrontation entre, d’une part, la puissante nature de l’Extrême-Occident et, d’autre part, la démarche propre au taoïsme d’acquiescement à ce qui vient, doublé d’une forme de recherche spirituelle au contact d’une nature omniprésente.
Pour Paul Quéré, la baie d’Audierne fut le lieu de cette exploration, « lieu universel, à la fois réel et imaginaire où il put enfin ancrer ses interrogations », affirme Marie-Josée Christien dans la préface de l’anthologie qui lui est consacrée. « Je suis un sceptique mystique à défaut du nihiliste gai que j’aime en Kenneth White, mon frère de lait, affirmait Paul Quéré.
Voici donc réunis, grâce aux efforts d’amis poètes, les textes majeurs de l’auteur bigouden, poète et potier, pour tout dire « poètier », comme il le disait lui-même, au lieu-dit Bodérès en Plonéour-Lanvern où il travaillait en compagnie de sa femme Ariane.
On trouve de tout dans ses poèmes celtaoïstes. Les textes les plus obscurs côtoient les énoncés les plus limpides. Ici l’auteur peut écrire, rendant son lecteur un peu perplexe, que « l’érosion alchimique/des statues fabulées/mutile l’incroyance ». Là, il nous dit avec une simplicité de bon aloi que « les fontaines noyées dans la folie des herbes/ont à jamais perdu la parole/des pierres ».
Paul Quéré pouvait aussi bien flirter avec les canons du surréalisme (façon Yves Elléouet ou Yves Tanguy) qu’entonner, à la manière de Xavier Grall, le chant d’une Bretagne « réinventée ». Certes son Breizh atao se mue volontiers un Breizh ha tao. Mais un profond amour de son pays – et plus particulièrement de ce coin de Bretagne où il vit - transpire, quoi qu’il en soit, dans la majeure partie de ses textes. « Bretagne des broussailles/Bretagne abandonnée ». Et il n’hésite pas à s’enflammer quand il évoque « le Breton, voyageur mythique, clochard transcendantal kerouaco-whitien ».
Amour d’un pays. Mais aussi amour de la femme. Du corps de la femme. Les deux passions se conjuguent souvent. Pour le dire, Paul Quéré n’est jamais avare des mots du sexe. Ainsi le voit-on évoquer la « pilosité pubienne de la campagne », « le sable du clitoris » ou « l’encre séminale » sans parler des orgasmes qui ponctuent certains de ses textes.
Son œuvre de poète et de peintre reste encore largement méconnue. Paul Quéré était un artisan/artiste. Il s’autoéditait et avait lancé des revues poétiques « bricolées » à la poèterie (Ecriterres, Le nouvel Ecriterres…) dans lesquelles il réunissait des textes d’auteurs qu’il aimait. Au-delà d’être un poète, Paul Quéré eut le don de donner la parole aux autres. Une démarche qui lui vaut ajourd’hui cet hommage.