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Pour Gilbert Lely

 

1

Le vendangeur plus grand que le monde
a fait tomber sur nous
une trop lourde grappe

Que de trésors perdus
retrouvés dans la forge des dieux

Sur la passerelle du vide
profane et sacré dansent
dans une déchirante clarté

Visite ailée de la félicité
Demain la lumière
ruissellera à gros bouillons
sur le sillage brûlant de l’aimé

 

 

                  
2

Retrouver le sens caché
des ossements de bois mort
sous la lune rousse
Trace de la chenille
sur l’écorce d’un chêne creux
Fragments de poteries brisées
sous les lits de calcaire
et de figues écrasées
Savoir enfoui des rouges baies
Inconcevable enchaînement
des phénomènes

 

 

3

Carré magique en liesse
Joie buissonnante de l’éveil

Éclatante énigme rétinienne
du migrant venu de nulle part
Je le retrouve à la lisière du jour
Lorsqu’il se fond
dans la splendeur du monde
il sait que la mort
n’est plus un mystère

 

  

4

Une vapeur amoureuse
émane des corps épris
sous l’aura des amandiers
Loin des frondaisons
l’esprit vole où il veut
Il redevient enfant
près de sa lumineuse origine

De l’aube dorée du millième matin
surgissent les fruits juteux du silence
O la simple queue plantée
jusqu’au noyau de la cerise

                    

 

5

Allongée sur une colline
j’ai dormi par éclairs
en cette nuit d’orage
Rêve et réel s’étreignent
sur les crêtes du sommeil
De même
le poème jaillit par saccades 

Le rejoindre à la frontière
des ténèbres radieuses
La nuit a la forme
et toutes les couleurs de l’instant
Le présent seul est l’or du temps

 

6

Des paroles fusent
étincelles qui transfigurent
le silence des pierres
Derniers feux du soleil pourpre
sur les montagnes de quartz
Miel sauvage gouffres colombes
turquoises sur le torrent
Melon éclaté de stupeur
Frelons incandescents

 

                 
7

Quelques mots suffisent
aussi bons que le pain d’antan
un souffle fraternel
un oiseau sur l’épaule
un veilleur émerveillé
par les cieux sans âge
un festin de sons liquides
une réminiscence de l’éden
Les formes mouvantes qui nous vêtent
ne finissent plus de déferler

La grande vie intérieure
N’a ni dehors ni dedans

                                  
                 (inédit)