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Pulsation de Marie Ginet

 

On pardonnera volontiers à Marie Ginet d’avoir augmenté ses incandescents poèmes d’un avant-propos qui, prenant à partie les évangiles canoniques, joue un peu à l’apprenti-sorcier. C’est la mode aujourd’hui. Ce que les savants de toutes les confessions chrétiennes ont toujours su et étudié sans en faire mystère depuis le 19e siècle : la littérature apocryphe, passe, depuis quelques temps pour une cachotterie majeure des Églises. Ce n’est pas le lieu de démonter ici cet avatar du complotisme ambiant (qui pousse l’auteure à traiter violemment et injustement les fondateurs du Canon de « pères fouettards » !) et il n’entre évidemment pas dans le propos de Marie Ginet de finasser dans l’exégèse. D’ailleurs, cette réserve une fois dite, on savoure pleinement ces poèmes. Ils n’ont besoin d’aucune caution ni canonique ni apocryphe pour exister. Ce sont les poèmes d’une femme passionnée, que la quête éperdue de l’amour lance à la poursuite de sa propre identité.

On peut dès lors parler de lyrisme. Au sens fort, au sens échevelé, au sens paradoxal où seule une sortie hors de soi révèle l’être en soi. « Pourquoi m’a-t-on donné un prénom si chrétien ? » se demande en substance la laïque Marie ? Elle, qui se fait connaitre aussi comme l’une de nos meilleures slameuse sous le nom d’Ange Gabriele, ne cesse donc de rôder autour du mystère d’un prénom. La Chère, l’Aimée, autrement dit, Myriam (ou Marie), car chère & aimée, mais aussi goutte & marée sont quelques-unes des significations possible de son beau prénom aux origines hébraïques.

Marie et Marie-Madeleine prêtent tour à tour leur voix, dans ce livre, à ce qui n’est au fond qu’un grand poème d’amour. Mais la force vient ici d’une part de la subversion que Madeleine décrypte dans les gestes du Christ :

 

            Sa parole dit-on fait trembler les rabbins
            et les fondations du temple (p. 18)

 

à quoi répond l’incompréhension et la révolte de Marie, non seulement quand elle dénonce les misères du temps, mais aussi quand elle pointe l’exclusion religieuse :

 

            Ceux qui sont dignes du royaume des cieux
            disent le livre et le prêtre
            mais comment laisser les autres à la porte ? (p. 49)

 

L’expérience chrétienne et l’expérience amoureuse et érotique se fondent ensemble, dans les errements et les lumières, dans les jambages où Marie avoue simplement ceci : Je marchais si lentement, que je m’entendais prier (p. 21)

C’est vrai, Marie, c’est vrai, Madeleine, Jésus reste une question plantée comme un couteau dans vos vie, dans la nôtre. Mais plus encore, l’amour et sa soif, le manque et sa faim, l’identité et son chemin. Ces rugueuses beautés en partage.